Acheter une VOLKSWAGEN Karmann-Ghia
Gilles Bonnafous le 01/01/2004
Réalisée sur la base de la Coccinelle, la Karmann-Ghia bénéficie d'une ligne originale et dépouillée, dont les courbes lui ont permis de traverser les décennies.
Une ascendance américaine
La tradition des dérivés sportifs de la Coccinelle remonte aux premières heures de la longue carrière de la voiture. Ce fut d'abord une affaire de cabriolets, à l'image de ceux réalisés dès 1949 par Hebmüller et par Karmann, dont le modèle à quatre places connaîtra un succès considérable. Malgré cette réussite, Wilhelm Karmann rêve de construire, toujours sur la base de la Coccinelle, un modèle plus original qui apparaîtrait comme sa propre création. Dès 1950, il entame des négociations avec Volkswagen, mais les maquettes proposées par le carrossier ne recueillent pas l'assentiment de Wolfsburg. Karmann se tourne alors vers la carrosserie Ghia de Turin et demande à son patron, Luigi Segre, de réaliser un prototype qui serait à même de convaincre le constructeur allemand.
Le design de la Karmann-Ghia a manifestement été inspiré par la Chrysler Coupé d'élégance, un luxueux modèle réalisé en petite série en 1953 sur un dessin de Virgil Exner, le patron du style du géant américain. Hormis la face avant, la ressemblance entre les deux voitures apparaît frappante. Il est vrai que le modèle n'était pas loin, l'Américaine étant assemblée chez Ghia. Pourtant, Mario Boano revendique la paternité du dessin, qu'il aurait exécuté dès 1950. Qui saura jamais ?
Toujours est-il que c'est à l'automne 1953 que le prototype est présenté à Karmann. Il séduira aussi bien le carrossier d'Osnabrück qu'il convaincra par la suite Volkswagen. À l'exception de la sellerie en cuir et de quelques détails, il apparaît pratiquement identique au futur modèle de production. Ronde et basse, la voiture présente une ligne originale et dépouillée, dont les courbes et les galbes lui ont permis de traverser les décennies avec bonheur.
Une carrière exceptionnelle
Présenté en août 1955, le coupé Karmann-Ghia reprend la structure de la Coccinelle, un châssis plate-forme à poutre centrale qui se prête aisément à l'adaptation de carrosseries spéciales. La suspension à quatre roues indépendantes fait appel à des barres de torsion transversales. Le dispositif est compété à l'avant par des doubles bras superposés, tandis qu'à l'arrière prend place un essieu brisé oscillant avec jambes de poussée. En supplément, la voiture reçoit une barre stabilisatrice (à l'avant), laquelle n'apparaîtra qu'en août 1959 sur la Coccinelle. La mécanique est celle de la version Export, soit le modèle à boîte de vitesses synchronisée (à l'exception de la première). Mais les trente modestes chevaux de son moteur de 1200 cm3 ne permettent pas à la Karmann-Ghia d'atteindre les 120 km/h. Le freinage est assuré par quatre tambours.
La qualité de fabrication s'avère remarquable et malgré le prix élevé auquel est proposée la voiture, son succès ne tarde pas. Notamment aux Etats-Unis, où le cocktail d'un look flatteur et d'un usage fiable et économique lui assure un destin enviable. La voie est ainsi ouverte pour le lancement d'une version cabriolet, qui intervient en septembre 1957.
Contrairement à la Coccinelle, la Karmann-Ghia jouira d'une grande stabilité esthétique et les quelques retouches qui lui seront apportées ne seront qu'affaire de détails. En août 1959, la face avant reçoit des projecteurs implantés plus haut dans les ailes, tandis que les ouïes d'aération sont sensiblement élargies. L'année suivante, c'est au tour des feux arrière d'être agrandis. Pour les mêmes raisons de sécurité, les clignotants antérieurs verront leur taille croître dans des proportions importantes en 1969.
Enfin, la voiture recevra en août 1971 de nouveaux pare-chocs plus épais et pourvus d'une bande de caoutchouc pour satisfaire les exigences des normes américaines. Et par la même occasion, les feux arrière recevront un dessin encore plus généreux. Signalons également qu'à partir de 1967, l'orifice de remplissage du réservoir d'essence devient extérieur, la trappe apparaissant sur la droite du capot avant.
Tout au long de l'histoire du modèle, l'habitacle de la Karmann-Ghia se caractérisera par un grand dépouillement. D'abord pourvue d'une tôle peinte, la planche de bord recevra en 1966 un placage imitant le bois, tandis que cinq ans plus tard, elle héritera d'un tableau de bord noir doté de deux grands cadrans circulaires (en même temps qu'un volant à quatre branches).
Une sous-motorisation chronique
Du point de vue mécanique, l'évolution de la Karmann-Ghia n'a jamais cessé, suivant en cela les mutations de la Coccinelle. On va donc assister à une constante montée en puissance. En août 1960, la puissance passe à 34 ch DIN par augmentation du taux de compression. La voiture dépasse maintenant les 120 km/h. Et une bonne nouvelle n'arrivant jamais seule, la boîte de vitesses est équipée d'un premier rapport synchronisé.
En 1965, la course du moteur est allongée de cinq millimètres. Avec 1285 cm3 et 40 ch, la vitesse atteint dès lors les 128 km/h et le 0 à 100 km/h descend sous la barre des trente secondes. Un an plus tard, la Karmann-Ghia bénéficie du moteur de la berline 1500, dont la puissance monte à 44 ch. Les performances font alors un bond sensible avec une vitesse maximum de 136 km/h. Cette étape s'accompagne d'un renforcement du système de freinage, qui voit le montage de disques ATE à l'avant avec double circuit. Et en 1967, la voiture peut être dotée, en option, d'une transmission semi-automatique à trois vitesses assortie d'un double essieu arrière oscillant.
Le dernier avatar mécanique de la Karmann-Ghia intervient en 1970 avec l'adoption du 1600 cm3 des Coccinelle 1302 S et 1303 S. Grâce à un nouveau réalésage, la cylindrée est portée à 1584 cm3 et la puissance de 50 ch permet à la voiture d'atteindre les 140 km/h.s
C'est en juillet 1974 que l'exceptionnelle carrière de la voiture connaît son terme. La Karmann-Ghia se retire au profit du nouveau coupé Scirocco dérivé de la Golf, également assemblé chez Karmann. En près de vingt ans, 364 401 coupés et 80 837 cabriolets ont été construits, un succès largement porté par le marché américain qui a absorbé à lui seul plus de la moitié de la production.
Il est certain que, compte tenu des limitations de vitesse imposées outre-Atlantique, le caractère léthargique de la mécanique n'a pas constitué là-bas un réel obstacle, alors qu'en Europe, la voiture s'est trouvé handicapée par sa sous-motorisation chronique.
L'échec du type 34
En 1958, Ghia s'était attelé à un projet de coupé dérivé de la future berline Volkswagen 1500, alors en gestation, et dès l'année suivante un prototype roulait. Il sera peu modifié jusqu'à sa présentation au Salon de Francfort en septembre 1961, qui précède de peu sa commercialisation en janvier 1962. Baptisé type 34, il a été établi sur la base de la VW 1500 (type 2) lancée en 1961, comme l'avait été le précédent type 14 par rapport à la Coccinelle. Conçu pour prendre la suite de son aînée après sept ans de carrière, il a reçu un design au goût américain prononcé qui trahit sa vocation : tenter de faire aussi bien que la précédente Karmann-Ghia sur le marché d'outre-Atlantique.
Le styliste Mario Boano a imaginé un style assez original qui évoque la Chevrolet Corvair. Pour actualiser le design, il s'est efforcé de donner des angles à la voiture. Ainsi, le pavillon à lunette arrière panoramique est-il plus dégagé et les surfaces planes des trois volumes contrastent avec les plans inclinés de la sœur aînée.
Trait caractéristique de la voiture, un pli de tôle ceinture toute la carrosserie (à l'image de la Corvair). Venant mourir sur la face avant, il forme une fausse calandre en forme de V, sous laquelle semblent s'abriter les quatre phares. Bien proportionné et équilibré, le design du type 34 sera pourtant mal aimé.
Grâce à un carburateur différent du moteur 1500 cm3 du type 14, la voiture développe 45 ch DIN à 3800 tr/mn avec un couple légèrement amélioré. La vitesse se situe aux environs de 137 km/h. Si l'empattement est identique à celui de sa devancière, le nouveau coupé s'est allongé de 14 centimètres en même temps qu'il a pris du poids, accusant plus de 900 kilos. Mais dopé par l'appoint de deux carburateurs dès 1963, le 1,5 litre développe 54 ch DIN à 4200 tr/mn (modèle 1500 S), permettant à la voiture d'atteindre les 150 km/h. Deux ans plus tard, avec la dénomination de 1600 L, le type 34 reçoit le 1,6 litre de la Volkswagen 1600. Si la puissance reste inchangée, le taux de compression est ramené à 7,7, et le couple légèrement augmenté.
Il convient de souligner que ces deux derniers modèles apparaissent comme les seuls de la gamme Karmann-Ghia à avoir été équipés de deux carburateurs Solex.
En 1965, la voiture bénéficie de freins à disques à l'avant, assortis d'un double circuit à partir d'août 1967, année où la voiture est dotée, en option, de la transmission entièrement automatique (avec double essieu arrière oscillant).
Parallèle à celui de tous les modèles Volkswagen qui tenteront de succéder à la Coccinelle jusqu'à l'apparition de la Golf, l'échec commercial du type 34 entraîne sa fin prématurée en 1969. Son retrait fait place à la VW-Porsche 914, lancée au mois d'août de la même année, alors que type 14 poursuivra sa carrière pendant cinq ans encore. La production n'a pas dépassé le chiffre de 42 505 unités.
Certes pénalisé par un prix de vente nettement supérieur à celui du type 14, il a surtout prouvé son impuissance à imposer son image modernisée, au look sans doute trop soumis aux aléas de la mode. Il demeure cependant, avec le type 14, le rare exemple de deux voitures presque identiques mais proposées en deux versions de carrosserie.
Guide d'achat
La VW Karmann-Ghia apparaît d'abord comme une voiture de carrossier, ainsi qu'en attestent sa remarquable finition et des techniques de fabrication impropres à la grande série, telles que l'ajustage à l'étain. Cette qualité a pour corollaire le prix très élevé des pièces de carrosserie, surtout compte tenu du caractère relativement populaire du modèle (malgré son prix à l'origine). Le coût d'une restauration complète apparaît donc comme hors de proportion par rapport à la valeur marchande de la voiture. Compte tenu de cette spécificité, on choisira donc un exemplaire sain en carrosserie, quitte à ce que le moteur soit à bout de souffle.
Afin de déceler d'éventuels chocs mal réparés, on examinera avec attention la face avant, ainsi que le bon alignement des flancs de la carrosserie. Le suivi des galbes de l'ensemble (ailes avant-portières-ailes arrière) ne doit révéler aucune faiblesse. Bien que moyennement sensibles à la corrosion, les Karmann-Ghia se présentent souvent en mauvais état, un paradoxe qui tient aux conditions précaires de stationnement et de stockage dont ont souffert la plupart d'entre elles. On se méfiera particulièrement des exemplaires en provenance des pays nordiques, où la neige et le sel ont séjourné dans les replis de tôle ! Les points les plus sensibles sont la face avant, avec les bouches chromées de ses ouïes d'aération, l'entourage des phares, ainsi que la partie inférieure des ailes et les bas de caisse, sans oublier les passages de roues.
La cote du type 14 se monte aux alentours de 8 000 € pour le coupé et de 12 000 € pour le cabriolet (en parfait état). Mais un exemplaire des années 50, beaucoup plus rare, pourra se payer au-delà de ces valeurs. Le type 34 est globalement moins prisé en raison de son design, mais ses performances supérieures compensant pour partie ce moindre engouement, la différence de prix par rapport au type 14 s'avère assez modeste.
Conseils d'entretien
Fiables et d'un entretien facile, les moteurs VW constituent un atout de poids. Toutefois, on se gardera bien de leur faire subir un traitement pour lequel ils n'ont pas été conçus. Et contrairement à ce que d'aucuns peuvent croire, ils supportent mal les hauts régimes soutenus sur longue distance, sur autoroute par exemple, surtout par temps chaud. Moins bien refroidi, le troisième piston risque en effet d'y rendre l'âme pour cause de ventilation insuffisante. Ce défaut se trouve aggravé sur le cabriolet dont la capote, en position ouverte, obstrue partiellement les grilles d'aération et gêne ainsi l'aspiration de l'air par le moteur.
Par ailleurs, le faible volume du circuit d'huile, limité à 2,5 litres (identique sur tous les moteurs, du 1200 au 1600), se révèle insuffisant dans les conditions actuelles de circulation. Pour abaisser la température de l'huile, il paraît donc recommandé de monter un radiateur à l'avant, ainsi qu'un carter auxiliaire qui apporte un litre supplémentaire au circuit.
Le moteur 1600 L (et 1500 S) du type 34 présente la spécificité d'être équipé de deux carburateurs Solex, ce qui entraîne une montée en température plus importante que sur les versions 1200, 1300 et 1500, dotées d'une admission simple. Ce caractère, ajouté au dimensionnement plus important de la pipe et des soupapes d'admission explique la forte consommation de ce groupe.
Le boîtier de direction apparaît comme l'une des rares faiblesses mécaniques de la Karmann-Ghia. Assez sensible, il prend vite du jeu et il faut prévoir de la changer tous les 100 000 kilomètres. Pour ce qui est de la suspension, on vérifiera les lames des barres de torsion qui peuvent être fêlées, voire cassées. Quant au circuit électrique, sa puissance de 6 volts (elle ne passe en 12 volts qu'en 1967 et seulement sur le type 14) risque de vous causer quelques désagréments si vous roulez de nuit et sous la pluie…
Au chapitre de l'entretien courant, le corps du train avant nécessite un graissage tous les 30 000 kilomètres. Surtout, et corollaire de la faiblesse du circuit d'huile, la vidange moteur doit être effectuée impérativement tous les 5000 kilomètres en hiver et tous les 3500 kilomètres en été. Il est vrai que cette contrainte ne représente qu'une bien faible dépense… On ne s'alarmera pas outre mesure à la vue d'une fumée bleue libérée au démarrage par l'échappement. Consécutif à l'entrée de quelques gouttes d'huile par une soupape restée ouverte au moment de l'arrêt du moteur (flat-four oblige), ce phénomène doit naturellement cesser dès que le moteur aura fait quelques tours. Et une fois ces quelques précautions observées, un moteur VW convenablement traité et bien entretenu vous emmènera aisément au-delà du cap des 200 000 kilomètres…
Communes pour la plupart d'entre elles aux différents modèles Coccinelle, les pièces mécaniques apparaissent si bon marché qu'elles s'avèrent souvent moins onéreuses que celles de voitures modernes.
Il en va très différemment des éléments de carrosserie, qui se révèlent extrêmement chers et difficiles à trouver. À l'évidence, on paie là l'aspect "haute couture" de la voiture. Il existe cependant une solution représentée par les pièces de réparation, qui évitent d'avoir à changer un élément en entier. Soit, à titre d'exemple, un bas d'aile, un tour de phare ou un bas de porte. Il est ainsi possible de tout refaire pour un coût raisonnable. Mais il s'agit d'un travail délicat à ne mettre qu'entre les mains d'un vrai professionnel.
Globalement, les prix des pièces varient peu, qu'il s'agisse du type 14 ou du type 34.
Note au lecteur : ce guide ayant été publié le 01/01/2004, les prix indiqués pour les pièces et la côte des véhicules risquent de ne plus refléter l'état actuel du marché.