Acheter une VENTURI 260 LM
Thomas Riaud le 08/01/2008
Bleu, Blanc... Rage ! La France n'a pas toujours été autophobe. En 1996 naissait la Venturi 260 LM, véritable chef d'oeuvre sportif tricolore.
Historique
En France, il n'y a pas si longtemps, on ne parlait pas encore d'autophobie et de limitations de vitesse et l'auto sportive faisait encore envie et rêver. C'est ainsi qu'en 1984 fut exposée, au Salon de Paris, la maquette à l'Echelle 1 d'un séduisant coupé sportif baptisé Ventury (avec un « y »). Bien plus élégante qu'une Alpine de l'époque, cette berlinette stricte 2 places tout en polyester est le fruit de 2 passionnés, le technicien Claude Poirot et le styliste Gérard Godfroy, tous deux issus de chez Heuliez.
Contre toute attente, l'accueil réservé à cette illustre inconnue est chaleureux, et attire des investisseurs. Afin de limiter les coûts de fabrication et de rester au maximum franco-français dans la conception de cette GT « bien de chez nous », un moteur de 505 turbo est choisi, dans sa version kitée (à la place du moteur de la Golf GTI). C'est un 2.2 de 200 ch (soit 40 ch de plus que dans la berline de série), facile à placer transversalement à l'arrière (Matra l'avait déjà fait avec la Murena), et il offre aussi des perspectives futures de développement.
Notre duo de choc fait « ses courses » en puisant des éléments dans le parc automobile du moment, pour créer la première Venturi roulante (cette fois avec un « i », à la demande d'Hervé Boulan, principal investisseur). Ainsi, le pare-brise provient d'une Renault Fuego, les clignotants sont ceux de la R16, les rétroviseurs sont empruntés à la Citroën CX, tandis que les feux sont ceux d'une ancienne BMW Série 3.
L'auto, baptisée MVS Venturi (pour Manufacture de Voiture de Sport), est assemblée dans les ateliers de Rondeau au Mans. A cette occasion, le châssis à poutre centrale, directement inspiré des voitures de compétition, est redessiné intégralement par Philippe Beloou, le directeur technique de Rondeau qui a conçu la voiture victorieuse au 24 H du Mans, en 1980.
Après des tests minutieux en soufflerie au laboratoire Eiffel, l'auto connaît quelques subtiles modifications, assez minimes pour ne pas dénaturer le dessin original, mais assez pour gagner en Cx (0,36). Aussi, Jean-Pierre Beltoise est appelé en renfort pour tester les réactions de la voiture. Autant dire que la Venturi bénéficie désormais des savoir-faire communs des meilleures « pointures » de l'hexagone.
Cela va donner naissance, en décembre 1985, à une vraie voiture de sport : la Venturi. Mais l'auto au stade pré-série est encore imparfaite, et courant 1986, les suspensions Mc Pherson sont avantageusement remplacées par de nouvelles suspensions à double triangulation à l'avant (et à cinq barres à l'arrière), tandis le moteur de 505 turbo, jugé pas assez noble, cède sa place au profit du V6 PRV qui équipe déjà l'Alpine.
Bonne pioche ! L'auto, très équilibrée et efficace, surprend par son agilité et sa légèreté (1180 kg), et le V6 PRV de 200 ch (installé au « chausse-pied ») apporte ce qu'il faut en couple, puissance et en sonorité pour apporter des lettres de noblesse à cette GT 100% Française, à la fois luxueuse et sportive. Ainsi est présentée au Salon de Paris de 1986 la MVS définitive, baptisée Venturi 200 en référence à sa puissance. En dépit d'un prix rondelet de 296 000 F (soit 69 000 F de plus que l'Alpine V6 Turbo de l'époque), la Venturi connaît un certain succès auprès de la presse spécialisée, ce qui laisse augurer des jours meilleurs... et de nouvelles perspectives pour cette auto.
Dès 1987, la Venturi de série est enfin assemblée dans une usine flambant neuve, à Cholet. En 1988 apparaît la déclinaison cabriolet (Transcup). Dès 1989, la Venturi monte en puissance à travers l'évolution 2.80 SPC (la cylindrée étant portée à 2.8 et l'auto étant « Sans Pot Catalytique »), et elle revendique désormais 260 ch. Initialement prévue en toute petite série, la 2.80 SPC finie par supplanter la version de 200 ch. Le V6 PRV est profondément modifié (pistons modifiés, culasses et arbres à cames spécifique, soupapes refroidies au sodium…), et comme l'Alpine, il reçoit l'aide d'un turbo. Dès lors, les 260 ch deviendront un « minimum syndical » chez Venturi, permettant à l'auto de rivaliser sans complexe avec les Porsche et Ferrari (d'entrée de gamme) de l'époque.
En 1991, Venturi qui rêve de reconnaissance internationale, s'associe en F1 avec l'écurie Larousse. La même année naît la 260 APC (Avec Pot Catalytique), suivie de près par la 260 Atlantique (produite de 1992 à 1993). En 1994 est commercialisé l'aboutissement de cette noble lignée, la 260 LM, modèle qui illustre ce dossier. Allégée d'une centaine de kilos, à la manière d'une Carrera RS, cette Venturi est un vrai bijou étroitement dérivé de la 260, produit à seulement 33 exemplaires. Un concentré sportif, utilisable sur route, illustrant la volonté de Venturi d'en découdre en compétition.
Cela nous amène au Gentleman Drivers Trophy, avec le lancement de la Venturi Trophy, sorte de F40 à la française avec 400 ch sous le capot, elle-même dérivée de la 260. Pour rentabiliser l'investissement, une version « route », la 400 GT, sera proposée à la vente en 1993. Une montée en puissance traduisant tout le potentiel du châssis de la 260, au point de développer pour les 24H du Mans 1993 la variante 500 LM (500 ch), et même des versions préparée pour la glace (Trophée Andros). Un programme sportif en cohérence avec la gamme, et bien moins ruineux que l'engagement en F1 peu probant qui plombe d'une façon inquiétante les comptes de Venturi.
Pour redescendre sur terre, Venturi présente une GT totalement inédite en octobre 1994, l'Atlantique 300. Elle s'inspire ouvertement de la 260, mais elle apparaît plus fluide, plus moderne. Parallèlement, Venturi poursuit son engagement en compétition avec les 600 LM (600 ch !), évolution logique de la 500. En dépit de résultats sportifs excellents en GT, Venturi croule sous les dettes, avec plus de 150 millions de francs de perte accumulés depuis 10 ans (effet désastreux de l'engagement en F1).
En 1995, l'Atlantique 300, saluée unanimement par la presse spécialisée pour son efficacité, se fait attendre auprès des clients, à cause d'une usine en effectif réduit (60 personnes) qui tourne au ralenti. Le dépôt de bilan a lieu le 5 octobre. La marque sera sauvée in-extremis grâce à son rachat en 1996 par des investisseurs étrangers. Aujourd'hui, l'aventure Venturi se poursuit à travers une gamme de voitures électriques vendues à des sommes exorbitantes. Le nom reste, mais le rêve et l'esprit n'y sont plus…
Identification
La 260 est le modèle phare de Venturi. Elle fut le premier modèle lancé en 1987, et sous de diverses appellations, elle connaîtra une brillante carrière à travers de nombreuses évolutions. Elle se pose comme une berlinette stricte 2 places compacte (3m97) et résolument sportive, avec son V6 PRV profondément modifié (260 ch !) placé en position centrale arrière. Elégante, la 260 (déclinée même en cabriolet Transcup en 1988) se distingue par ses phares escamotables, et une ligne sobre dénuée de tout artifice aérodynamique (pas d'ouïe latérale, ni d'aileron ou de spoiler « pelle à tarte »).
Après, chaque variante reçoit quelques infimes modifications esthétiques qui tiennent du détail. La 260 LM (LM pour Le Mans) qui illustre ce dossier se distingue extérieurement par l'adoption de jantes blanches spécifiques en magnésium (pour réduire les masses suspendues) signée OZ, par ses boucliers retravaillées et par ses badges spécifiques « 260 LM ». Peu importe les versions, car sur toutes les 260 la plaque constructeur se trouve sous le capot avant. Elle est fixée à même le châssis, sur le côté droit.
Structure, châssis et carrosserie
La Venturi 260 est une authentique voiture de course, construite sur un châssis poutre multitubulaire en acier, gage d'une excellente rigidité. Des caissons avant et arrière en acier y sont fixés. Aussi, la 260 adopte une carrosserie entièrement en polyester, et ce, pour limiter le poids (moins de 1300 kg). Les trains roulants pouvant se régler indépendamment, il est possible d'essayer une voiture ayant un châssis tordu (après un choc violent) et ne présentant aucune faiblesse apparente. Avant d'acheter, il est donc fortement recommandé de la faire ausculter par un spécialiste (il y en a malheureusement très peu).
Moteur
Tant décrié face aux productions germaniques, le brave V6 PRV qui motorisait tous nos haut de gamme dans les années 80-90 prend ici toutes ses lettres de noblesses. Mais il est vrai que ce V6 n'a plus grand chose à voir avec celui qui équipait la gentille berline « à papa » ! Venturi a effectué dessus un travail de fond en le dotant de pistons modifiés, de culasses et arbres à cames spécifique et de soupapes refroidies au sodium. Pour couronner le tout, ce bloc se voit greffer un turbo Garret T3 avec échangeur air/air (pression de suralimentation de 0,8 bar sur la 200 et 1 bar sur la 260).
De quoi expédier la Venturi sur un 0 à 100 km/h en seulement 5,3 secondes (vitesse maxi de 270 km/h). Mais ce moteur transfiguré est aussi le talon d'Achille de la voiture. Complètement inaccessible (initialement un 4 cylindres de Golf GTI, bien plus compact, devait être installé), il réclame pour chaque intervention de routine de nombreuses heures de main d'œuvre. Une révision moteur est prévue tous les 5000 km (ou tous les ans), ce qui se limite à un changement de fluides (vidange) et un contrôle général.
Tous les 10 000 km, tous les filtres doivent être changés, et tous les 20 000 km, une plus grosse révision s'impose. Certaines interventions reviennent chères en main d'œuvre, à cause du manque d'accessibilité des pièces. C'est le cas du changement des bougies (comptez 2h30) ou des courroies (alternateur, accessoires), demandant plus de 3 heures. Aussi, tous les 10 ans, il est recommandé de « tomber » le moteur pour une vérification générale (25 heures de main d'œuvre !).
Evidemment, à 55 € en moyenne l'heure de main d'œuvre, cela fait cher la révision « standard » (1375 €). Sur une période de 5 ans d'utilisation, prévoyez en moyenne un budget de 2500 € d'entretien pas an. Enfin, il est recommandé de ne pas nettoyer au lavage haute-pression le moteur, car cela se solde souvent par des problèmes d'ordre électrique. Ce bloc d'ancienne conception n'est pas non plus un modèle de sobriété (consommation moyenne de 11,1 l/100 km, en conduite de « bon père de famille, nettement plus en usage sportif). Vous voilà prévenu !
Suspensions et trains roulants
La Venturi 260 à particulièrement soigné ses trains roulants, aussi efficaces que sur une Peugeot du meilleur cru ! Cerise sur le gâteau : cette belle rigueur ne se fait pas au détriment du confort, chose appréciable sur une sportive. Ainsi, la Venturi 260 LM, ventousée au sol, fait montre d'un comportement exemplaire, en virant quasiment à plat dans les virages (répartition des masses de 41% sur l'avant et de 59% sur l'arrière).
Pour garantir ce résultat, l'auto s'en remet à des principes validés sur de véritables voitures de course, en recevant à l'avant et à l'arrière des triangles superposés, et des combinés ressorts-amortisseurs, secondés par une barre antiroulis de très gros diamètre. A noter : la « LM » adopte des jantes spécifiques en magnésium « OZ » de 17', coulées en une seule pièce. Elles sont très rares… et fragiles !
Freinage, direction et pneus
Légère et conçue autant pour un usage routier que pour la piste, la Venturi 260 (et plus encore la « LM » !), fait montre d'un pilotage incisif, avec une direction assistée électrique ultra-précise et un freinage assuré par 4 disques ventilés, pas très mordants, mais relativement endurants (disques à changer tous les 70 000 km, à 250 € l'unité). Quant aux pneus, sachez que cette Venturi fut l'une des première à inaugurer les pneumatiques hautes performances de Michelin, les MXX (205/55 x 16 à l'avant et du 245/45 x 16 à l'arrière). La version LM adopte des pneus un peu plus gros (205/50 ZR 17 à l'avant et 255/40 ZR 17 à l'arrière). Leur longévité moyenne est de 30 000 km pour le train avant et de 20 000 km pour le train arrière (comptez 1300 € pour les changer).
Habitacle et finitions
Contrairement à bon nombre de voitures artisanales, la Venturi 260 fait honneur aux petites productions « faites à la main ». Vendue sans option à l'époque (c'était dans le cahier des charges), la 260 allie luxe, avec du cuir et des boiseries, mais aussi sportivité (carbone et aluminium massivement présents sur certaines versions, comme sur la « LM », sièges Recaro très enveloppants…). Chez Venturi, le client étant roi, sachez que chaque modèle est unique, puisqu'il a été personnalisé à la commande. Quelques détails peuvent néanmoins décevoir, comme des commandes empruntées à des Peugeot issues de la grande série (vitres électriques…). Enfin, la climatisation, livrée là encore de série, est le seul élément qui vieilli assez mal.
Prise en main
Quelque peu sceptique face à cette « GT à la Française » construite avec si peu de moyens, c'est – je dois l'avouer - avec un certain a-priori que je me glisse à bord. Il est vrai que les Venturi sont relativement rares, même chez nous, et j'ai à l'esprit qu'une 260 est d'abord un engin artisanal, avec tous les défauts que cela peut comporter. Pour couronner le tout, elle est motorisée par le V6 PRV, 6 cylindres poussif et glouton, pas vraiment aussi exaltant que celui d'une Porsche, Alfa ou BMW. Voilà qui est dit !
Mais au premier coup d'œil, l'habitacle de cette 260 LM sait flatter la rétine. Cuir et carbone se disputent harmonieusement l'espace, et l'ensemble respire la qualité. Notre modèle d'essai, une première main de 1995, affiche pourtant déjà plus de 77 000 km au compteur. Face à moi se dresse une planche de bord à l'ergonomie bien pensée, avec une batterie de compteurs Jaeger. Le tachymètre de vitesse indique fièrement 280 km/h et le compte-tours est gradué jusqu'à 7000 tr/mn. Voilà qui est prometteur ! Au ralenti, la 260 LM cache bien son jeu, en se montrant relativement discrète. Mais dès les premiers mètres la fermeté excessive de l'embrayage, façon Porsche GT3, mais aussi les débattements ultra-rapprochés de la boîte à 5 rapports donnent le ton : l'auto se veut sportive !
Pourtant, l'amortissement ne maltraite pas vos lombaires, et l'insonorisation s'avère suffisante pour envisager de faire de longs trajets à son bord. L'autre bonne surprise vient du feeling de la direction, aussi précise et directe que celle d'un kart ! D'ailleurs, en se familiarisant avec l'auto, on se prend vite au jeu au point d'attaquer à chaque fois un peu plus dans les virages. Scotchée au sol, la 260 LM passe sans broncher dans les phases d'appui, le V6 PRV à la sauce turbo se chargeant de vous coller avec conviction au fond des baquets. Quant au couple, il brille par sa disponibilité avec une valeur record pour la catégorie de 44 mkg disponible dès 1750 tr/mn.
Seul le freinage, pas assez mordant à mon goût à l'attaque de la pédale, mérite un bémol. Bien peu de chose en somme, surtout pour une auto âgée déjà de plus de 15 ans. Au final, cette prise en main m'a littéralement enthousiasmé, au point de me faire changer radicalement d'avis. La Venturi 260 est bien une authentique auto de sport, vraiment performante et très efficace, privilégiant d'abord le plaisir de conduite. Un concentré de sportivité et d'exclusivité s'adressant « à ceux qui savent »… et tant pis pour les autres !
Budget d'entretien et cote
Exclusives, les Venturi ne courent pas les rues… ni les petites annonces ! Il est donc difficile de se faire un avis, et ce d'autant plus que le prix varie souvent en fonction de l'état de l'auto. Les pièces détachées étant difficiles à trouver (voire parfois inexistantes ce qui implique une refabrication forcément coûteuse auprès d'un artisan spécialisé), ne mégotez pas sur le prix de départ afin de mettre toutes les chances de votre côté.
Limitez-vous à un exemplaire complet, en parfait état de marche et de présentation, avec un historique limpide (carnet d'entretien compris, avec au moins une révision annuelle de faite). Fuyez un modèle ayant changé de main fréquemment : c'est le signe que l'auto cache forcément un vice, car lorsqu'un amateur a la chance de trouver une belle Venturi, il la garde forcément de nombreuses années !
Aussi, sachez que les Venturi, du fait de leur accès problématique à la mécanique, restent chères à entretenir (nombreuses heures de main d'œuvre pour chaque intervention sur le moteur).
Rouler en Venturi est un réel plaisir, mais cela se mérite et réclame un budget conséquent (environ 2500 € en moyenne par an). Pour trouver un bel exemplaire, rapprochez-vous du club consacré à cette noble marque (Club Venturi, président Michel Touba, tel : 02 37 65 36 04). Parfois, une auto peut changer de main, ce qui peut être l'opportunité d'en trouver une en bon état, à l'historique connu.
Enfin, pour vous donner une idée des prix, une belle 260 LM comme celle qui illustre notre dossier se négocie désormais près de 40 000 euros, tandis qu'une 260 SPC avoisinera les 25 000 euros. C'est vrai, ce qui est rare est cher. Mais c'est le prix à payer pour rouler dans une GT française d'exception…
Mille merci à Serge Lenoir de SL Automobiles, spécialiste Venturi basé à Chartres (tel : 02 37 35 41 51), qui nous a permis de réaliser ce dossier.
Sa superbe 260 LM n'est pas à vendre.
Note au lecteur : ce guide ayant été publié le 08/01/2008, les prix indiqués pour les pièces et la côte des véhicules risquent de ne plus refléter l'état actuel du marché.