Acheter une ALPINE A610
Thomas Riaud le 01/10/2015
Plus typée GT que sportive pure et dure, l'Alpine A610 Turbo demeure dans l'ombre de la légendaire « berlinette ». Mais, avec le recul, on peut la regarder aujourd'hui avec bienveillance.
Fin de lignée
Généalogie
Fondée en 1952 par Jean Rédélé, Alpine a connu ses heures de gloires en rallye avec l'A110, mais aussi en endurance, en s'imposant au Mans en 1978 avec Pironi-Jaussaud. Une autre époque, où la voiture de sport avait encore sa place en France, en compétition, ou sur nos routes. Mais Alpine ne parvint jamais à égaler le succès de sa fabuleuse A110. Légère et agile, elle affichait, malgré sa mécanique roturière signée Renault, des performances flatteuses. Sa remplaçante, l'Alpine A310, nettement plus bourgeoise (et plus lourde !), fut toujours considérée comme une sous-Porsche, en venant au V6 bien trop tard. La GTA (Grand Tourisme Alpine), censée en assurer la relève, fit encore moins bien, avec un V6 PRV dépollué de 185 ch, moins puissant que celui d'une R25 V6 Turbo ! Elle acheva sa carrière en 1990 sous le nom de « Le Mans », pour laisser sa place en 1991 à l'Alpine A610 Turbo. Une voiture nouvelle à plus de 80%. Son châssis est bien plus rigide, et si le V6 PRV est reconduit, il évolué dans le bon sens. Les culasses sont retravaillées, avec l'implantation d'un arbre d'équilibrage bimasse. Pour clore le tout, ce V6 3.0 reçoit les services d'un turbo Garrett (pression de 0,76 bars), mais aussi d'une injection électronique multipoint. De quoi afficher 250 ch (à 5 750 tr/min), et d'accrocher enfin les 265 km/h. Bien mieux finie, cette 2+2 bénéficie en outre d'un équipement luxueux, même si le cuir reste optionnel. Au final, seules huit cent dix-huit A610 seront construites. Cette ultime Alpine reste une GT attachante et efficace, à acheter avant que le retour de la marque sur le marché n'en fasse grimper les cours.
Identification
Extérieurement, l'Alpine A 610, plus moderne et « high-tech » que la GTA, dispose de phares escamotables. Les plaques « constructeur » sont frappées à froid sur la chapelle d'amortisseur, à l'avant droit. Néanmoins, elles peuvent aussi être fixées dans le compartiment moteur, contre le tablier séparant le compartiment moteur de l'habitacle (à gauche).
Intérieur et équipement
Une bonne nouvelle n'arrivant jamais seule, l'intérieur de cette 2+2 a été transfiguré ! La finition de la GTA, tant décriée, n'est plus qu'un lointain souvenir. L'Alpine A610 se donne enfin des moyens à la hauteur de ses ambitions, avec une présentation assez valorisante (pour l'époque) et un équipement très complet (la radio-CD et la sellerie cuir restant en option). Quelques séries limitées auront droit à la totale, comme la « Magny-Cours » (31 exemplaires) ou la rare « Albertville 92 » (2 exemplaires !). Ceci étant posé, on est loin des standards en vigueur du côté de chez Porsche. Les plastiques rigides sont légion à bord, et les assemblages, perfectibles, sont source de rossignols. Visez si possible un exemplaire doté de la sellerie cuir, afin de rehausser la qualité perçue.
La technique
Châssis et carrosserie
Sur le plan esthétique, les évolutions de la carrosserie en fibre de verre restent minimes entre la GTA et l'Alpine A 610. Aucun risque de corrosion à craindre, mais sachez que le polyester « travaille » (vers les parties chaudes), avec les conséquences que l'on imagine sur la peinture. Bien que fidèle au châssis à poutre centrale reliant les ensembles avant et arrière, la structure de l'A610 évolue sensiblement. Le simple berceau multitubulaire et le plancher en polyester placé à l'avant de la GTA cèdent avantageusement leur place à un ensemble en tôle emboutie avec plancher en métal, plus lourd, mais améliorant nettement la rigidité. Et toujours dans ce but, de nouveaux renforts font leur apparition, autour des ouvrants notamment. Enfin, la carrosserie est assemblée par collage au châssis-poutre, pour augmenter la résistance à la torsion. Il est recommandé de mettre sur un pont cette « Lotus à la française » pour inspecter les soubassements.
Motorisation et transmission
Bonne nouvelle : le moteur PRV (Peugeot-Renault-Volvo) revu et corrigé à Dieppe s'avère très fiable (électronique comprise) et performant (250 ch à 5 750 tr/min), même lorsque l'entretien n'est pas fait dans les règles. D'ailleurs, nombreux sont les blocs à atteindre sans problème 300 000 km munis de leur turbo d'origine ! De plus, les pièces détachées se trouvent encore facilement, à des tarifs plus « Renault » que « Alpine ». Cela ne vous dispense pas de vidanger tous les 7 500 km (avec de la Motul 20W60), ce qui vous coûtera 200 € environ filtre et main d'œuvre comprise. Coté transmission, l'Alpine A610 Turbo n'a droit qu'à une boîte mécanique à 5 rapports, bien guidée et correctement étagée. Le couple, bien que raisonnable (357 Nm à 2 900 tr/min), vient néanmoins rapidement à bout de l'embrayage, réputé fragile. Il en va de même des cardans des roues arrière motrices. Bien sûr, comme pour l'embrayage, leur longévité dépend étroitement de la conduite adoptée. Enfin, sachez qu'il est recommandé de vidanger la boîte tous les 20 000 km (avec de la Motul 75W90), ce qui vous coûtera 75 € environ.
Suspensions et trains roulants
Grâce aux matériaux composites, cette propulsion bien équilibrée (43% sur l'avant et 57% sur l'arrière) n'accuse que 1 420 kg sur la balance (poids à vide). Pas mal pour une 2+2 bien équipée ! Ceci bénéficie à l'agrément de conduite, mais aussi à la longévité des périssables, comme les pneus (205/45 ZR 16 à l'avant et 245/45 ZR 16 à l'arrière) ou les freins. Les trains roulants de l'Alpine A610 ne posent aucun problème mais en prenant de l'âge, il est normal que certains éléments (rotules et silentblocs), connaissent une usure régulière. Pendant que vous y êtes, pensez à ausculter l'état des jantes, assez vulnérables aux coups de trottoirs en raison des pneumatiques taille basse. Quant aux amortisseurs, leur durée de vie est assez limitée (plus ou moins 50 000 km), ce qui impose un budget d'environ 800 € pour changer les quatre.
Direction, freinage et tenue de route
Bien réglée et en bon état, l'A610 étonne autant par sa rigueur que par son agilité. L'équilibre est parfait, et la direction séduit par sa précision. Sur ces points, l'Alpine surclasse même largement une Porsche 911 de l'époque. Elle bénéficie d'une tenue de route sans faille, mais à la limite d'adhérence, le comportement peut s'avérer pointu avec des décrochages brutaux. Avec l'âge, la direction assistée peut prendre du jeu, ou même fuir. Ce point est à ausculter sur un pont car ces pièces deviennent rares. Quant au dispositif de freinage, il est constitué de 4 disques ventilés munis d'ABS. Si ces-derniers s'avèrent efficaces sur une Alpine A610 Turbo en dépit d'une attaque de la pédale peu franche, sachez qu'ils sont en revanche sous-dimensionnés sur les GTA « Le Mans ». Pour finir, sachez que la rigueur de comportement de cette Alpine dépend étroitement de la marque des pneus qui l'équipe… et de leur usure. Un « détail » qui a un coût, à vérifier avant achat !
Tout savoir avant d'acheter
Fiabilité et coûts d'entretien
Le circuit de refroidissement est le talon d'Achille du moteur PRV, positionné à l'arrière de l'auto et donc par nature mal ventilé. Changez le liquide de refroidissement tous les 50 000 km (200 €), tout en vérifiant les flexibles. Aussi, faites « tourner à vide » le V6 une petite minute après un trajet effectué à haute vitesse, pour laisser le temps au turbo Garrett de se lubrifier pour éviter le risque de casse. Autre point de vigilance : l'embrayage, à faire environ tous les 100 000 km. Prévoyez 1 500 € (avec le récepteur d'embrayage), somme importante qui doit vous inciter à privilégier les modèles ayant bénéficié de cet entretien. Dernière faiblesse récurrente : la fragilité des cardans (environ 600 €/pièce).
Maintenance classique : coûts des interventions (main d'œuvre comprise)
Intervention | Prix TTC en € | Fréquence |
---|---|---|
Pneus AV/AR | 900 € les quatre (16 pouces) | vers 20 000 km |
Amortisseurs AV/AR | 400 € par train | vers 50 000 km |
Disques + plaquettes AV/AR | 900/1 000 € | vers 50 000 km |
Echappement | 1 500 € (avec les catalyseurs) | plus de 100 000 km |
Petite révision | 200 € (vidange avec filtres) | tous les 7 500 km |
Grosse révision | 500 € environ (vidange moteur et boîte…) | tous les 20 000 km |
Les points essentiels
- Embrayage et cardans fragiles, à changer tous les 100 000 km environ.
- Finition intérieure perfectible (bruits de mobilier)
- Circuit de refroidissement vulnérable, changement du liquide de refroidissement impératif tous les 50 000 km.
- Carrosserie en polyester qui « travaille », notamment près des sources de chaleur (capot moteur).
- Pièces de direction se raréfiant et tendant à devenir introuvables.
Note au lecteur : ce guide ayant été publié le 01/10/2015, les prix indiqués pour les pièces et la côte des véhicules risquent de ne plus refléter l'état actuel du marché.