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Rétromobile 2003
LAGONDA Rapide V12
Gilles Bonnafous le 17/02/2003
Lancée en 1937, la Lagonda Rapide V12 est somptueuse et performante. Elle est l'un des sommets de l'automobile britannique des années 30.
Installé à Zürich, Lukas Hüni est un négociant spécialisé dans l'automobile de collection de réputation internationale. Régulièrement présent à Rétromobile, il expose chaque année des véhicules exceptionnels par leur intérêt historique, leur rareté et leur état. Parmi les merveilles découvertes sur son stand, nous avons choisi de nous attarder sur un magnifique cabriolet Lagonda Rapide V12, l'un des sommets de la production automobile britannique des années trente.
La voiture fut livrée en septembre 1940, juste avant le déclenchement de la guerre, à une danseuse célèbre de l'époque, Phyllis Dixie. Au lendemain du conflit, elle part aux Etats-Unis, où, dans les années soixante, elle devient la propriété de Roy Dunlap, un collectionneur connu outre-Atlantique. En 1978, elle est acquise par George Chilberg, un amateur américain de Lagonda, avant de retourner en Angleterre quelques années plus tard. C'est dans son pays d'origine qu'elle sera entièrement restaurée de 1999 à la fin 2002, sans souci de coût…
Lagonda naît au début du XXe siècle, quand Wilburn Gunn, un Américain d'origine écossaise émigré en Angleterre (vous suivez…) fabrique des motos dans la cave de sa maison du Middlessex. Référence à l'origine de son fondateur, la marque naissante tire son appellation d'une tribu indienne. En 1935, année de la victoire de Lagonda aux 24 Heures du Mans, Alan Good rachète l'entreprise, alors en grandes difficultés financières. L'une des premières décisions du nouveau propriétaire est d'engager W.O. Bentley au poste de directeur technique - Bentley étant peu satisfait de la place qui lui a été réservée chez Rolls-Royce.
La Lagonda V12 est dévoilée en 1937 au salon d'Earls Court. Sa pièce maîtresse est naturellement son moteur, chef-d'œuvre de W.O. Bentley. Elle s'avère aussi nettement plus complexe que les précédentes mécaniques Lagonda. Il s'agit d'un V12 de 4,5 litres à arbre à cames en tête par rangée de cylindres et double allumage. Alimenté par deux carburateurs SU, il développe 170 ch à 5000 tr/mn. La boîte de vitesses séparée à quatre rapports est reliée au moteur par un arbre court.
Cette superbe sculpture mécanique prend place dans un nouveau châssis cruciforme, plus rigide et plus bas que ceux des modèles Lagonda antérieurs. Trois longueurs d'empattement sont disponibles, qui vont de 3,15 mètres (châssis court le plus utilisé) à 3,50 mètres - ce dernier étant réservé aux carrossiers pour des réalisations d'apparat. La suspension avant à roues indépendantes reçoit des barres de torsion et le freinage est assuré par quatre tambours hydrauliques Lockheed. Il est à noter que ce même châssis accueille également le moteur six cylindres Meadows de la marque (modèle LG6).
Dessinée par Frank Feeley, auteur plus tard de l'Aston Martin DB3S (notamment), la carrosserie usine est offerte au choix en cabriolet, berline, limousine et sedanca. Voiture de grand luxe, la Lagonda V12 est équipée d'un dispositif de crics hydrauliques - un par roue - situés aux extrémités de l'essieu arrière et sur les bras transversaux à l'avant. Le mécanisme de commande se cache dans le coffre situé sur l'aile gauche.
Ce sommet de l'automobile britannique des années trente, avec lequel Alan Good vise la clientèle de Rolls-Royce, est proposé à un prix très élevé (1550 £ pour le châssis court). Il sera l'apanage du showbiz de l'époque et des maharadjahs. Mais le client en a pour son argent, les performances s'avérant du meilleur niveau. Les essais des revues spécialisées de l'époque révèlent une vitesse de 165 km/h et le 0 à 100 km/h parcouru en 13,5 secondes.
Le salon de 1938 voit l'apparition d'une version légèrement modifiée du cabriolet sur châssis court, pour laquelle est ressuscitée l'ancienne appellation " Rapide ". La partie antérieure de la carrosserie a été élargie pour accueillir trois passagers de front, le quatrième prenant place transversalement à l'arrière. De plus, les ailes sont libérées de leurs coffres, la roue de secours émigrant dans la malle arrière, où elle occupe d'ailleurs l'essentiel du volume. Parallèlement, quelques modifications techniques sont apportées au V12 (ceci est valable pour l'ensemble de la gamme). La voiture exposée à Rétromobile appartient à cette lignée assez exclusive.
En octobre 1938, l'usine fait tourner une berline à Brooklands, où, pilotée par Earl Howe, elle parcourt 101,5 miles dans l'heure (163,31 kilomètres). Surtout, le moteur Lagonda V12 sera aligné en compétition. Développé à cette fin, il développera jusqu'à 206 ch - culasse modifiée, taux de compression augmenté, alimentation par quatre carburateurs. C'est ainsi que Lagonda fera son retour aux 24 Heures du Mans en 1939, où, malgré des ambitions mesurées pour ce " come back ", la marque prendra les troisième et quatrième places derrière la Bugatti de Wimille et une Delage. W.O. Bentley s'était fixé comme objectif de gagner en 1940. L'Histoire en décida autrement…