Saga Lotus
Sans aucun doute. Lotus doit tout à un seul homme. Colin Chapman, qui a su être à la fois ingénieur, mécanicien, pilote et industriel avisé.
sommaire :
LOTUS Esprit
Gilles Bonnafous le 09/05/2006
Dévoilée au salon de Paris de 1975, la Lotus Esprit apparaît comme une extrapolation de l’Europe. A l’image de cette dernière, son moteur est implanté en position centrale arrière et sa structure est celle d’un châssis à poutre centrale (quoique différent à l’arrière). Toutefois, la Lotus Esprit est de gabarit supérieur et elle se situe à un tout autre niveau de gamme.
La voiture dérive d’un concept car présenté par Giugiaro au salon de Turin de 1972 et réalisé sur la base de l’Europa à moteur Lotus-Ford. Il était exposé sur le stand Italdesign à côté de la Maserati Boomerang, autre concept car à moteur central, construit sur la Bora, et icône du « wedge design ».
Concept car Lotus, 1972 Lotus
Lotus Esprit S1 Giugiaro
Proche du concept car, la Lotus Esprit jouit d’une ligne magnifique, encore un chef-d’œuvre de Giorgietto Giugiaro. Pour parfaire la pureté des lignes, la proue est dotée de projecteurs rétractables, tandis que la lunette arrière se soulève pour donner accès au moteur. Bien équipé, l’habitacle s’avère spacieux et confortable. La carrosserie est bien sûr réalisée en fibre de verre.
La voiture est motorisée par le deux litres seize soupapes monté sur l’Elite deuxième du nom et l’Eclat. Compact et incliné de 45° sur le côté gauche du châssis, il trouve aisément sa place dans le compartiment arrière. Alimenté par deux carburateurs double corps Dell’Orto, il offre 160 ch DIN à l’Esprit.
Lotus Esprit S1 D.R.
Lotus Esprit S2 D.R.
Lotus Esprit S2 D.R.
Lotus n’ayant pas les moyens de développer sa propre boîte, la marque s’est mis en recherche d’une transmission capable de supporter le couple du moteur, d’autant qu’elle caresse le projet d’un V8. Finalement, le choix se porte sur la boîte de vitesses à cinq rapports de la Citroën SM, également montée sur la Maserati Merak à moteur central. La direction à crémaillère n’est pas assistée et le freinage est confié à quatre disques Girling non ventilés, in-board à l’arrière.
Accueillie assez fraîchement par la presse, qui lui reproche son cockpit bruyant et surtout ses performances en demi-teinte (200 km/h lors des tests contre 222 km/h annoncés par le constructeur), la Lotus Esprit rencontre néanmoins un vrai succès aux Etats-Unis. Les choses se compliqueront par la suite… Compte tenu des normes anti-pollution, elle y troque ses carburateurs Dell’Orto pour deux Stromberg, qui font tomber la puissance à 140 ch. Avec Roger Moore, l’Esprit s’illustre également dans L’espion qui m’aimait, le dixième James Bond tourné en 1977 par Lewis Gilbert.
Lotus Esprit Turbo D.R.
Lotus Esprit Turbo D.R.
En 1978, la Lotus Esprit S2 subit quelques amendements cosmétiques, dont une meilleure intégration du spoiler à la ligne de proue. Deux ans plus tard, le moteur, porté à 2,2 litres par allongement de la course, apporte la souplesse qui manquait jusque-là grâce à un couple nettement amélioré. La même année correspond à une étape décisive de la carrière de la Lotus Esprit avec le lancement de la version Turbo.
Gavée par un Garrett, l’Esprit Turbo s’offre 210 ch DIN à 6250 tr/mn avec un couple de 27,6 mkg à 4500 tr/mn. Pour faire face à l’accroissement des performances (240 km/h), le châssis désormais galvanisé est rigidifié et l’espace dédié au moteur élargi en prévision du V8 à venir. La suspension est modifiée, les disques agrandis et la voiture s’équipe de roues de 15 pouces. La carrosserie subit une évolution parallèle, surtout à des fins aérodynamiques (spoiler et becquet arrière). Par ailleurs, des stores remplacent la lunette arrière.
Lotus Esprit Turbo de James Bond, 1981 Lotus
Lotus Esprit S3 D.R.
Avec ce très haut de gamme, Lotus intègre le monde des grandes GT. Les cent premiers exemplaires, dotés d’un équipement supérieur et de bas de caisse style tuning, reçoivent une livrée aux couleurs de l’Essex Petroleum, sponsor de Lotus en Formule 1. La Turbo est également la vedette d’un James Bond, Rien que pour vos yeux, où elle côtoie Carole Bouquet.
En 1981, l’Esprit S3 bénéficie des améliorations techniques de la Turbo, qui en font une version atmosphérique de cette dernière. Le coffre à bagages, taillé jusqu’à présent pour une brosse à dents, est agrandi en 1983, en même temps que la voiture reçoit un toit ouvrant en verre. La puissance du moteur est augmentée en 1986 avec la version HC à haute compression (portée à 8 à 1). Baptisée HCPI, la version américaine se caractérise par une injection Bosch K-Jetronic et un catalyseur.
Lotus Esprit SE D.R.
Lotus Esprit Turbo SE
Les années ont passé et le style en coin (wedge design) cher à Giugiaro n’est plus à la mode à la fin des années 80. L’Esprit est confiée à Peter Stevens, qui lui offre un lifting profond en octobre 1987. Les formes sont arrondies et, sur la version atmosphérique, le volume arrière est transformé sur le modèle de la Ferrari 328 (évidemment entre les panneaux de custode). Par contre, la Turbo garde une disposition classique avec un plan incliné en verre. Quelques détails, dont le traitement de la poupe, identifient également la Turbo. Le moteur atmosphérique HC délivre 172 ch, tandis que la Turbo connaît deux versions à carburateurs et à injection Bosch. La transmission à cinq vitesses est désormais empruntée à la Renault 25.
En 1989, la Turbo est épaulée par une variante SE équipée d’une injection multipoint Delco (groupe General Motors) et d’un échangeur. Avec 264 ch à 6500 tr/mn, les performances approchent celles d’une Porsche turbo : 255 km/h et le 0 à 100 km/h couru en cinq secondes. La voiture est gratifiée d’un aileron à l’arrière. Un nouveau châssis, dit Eagle par référence aux pneus Goodyear, est monté sur toutes les Esprit avec des roues de 15 pouces à l’avant et de 16 pouces à l’arrière.
Lotus Esprit S4 S Lotus
Lotus Esprit 300 Sport Lotus
Avec la version atmosphérique, qui disparaît en 1990, la gamme se compose dorénavant de la manière suivante : Esprit (215 ch avec carburateurs Dell’Orto), Esprit S (228 ch avec injection Delco) et Esprit SE, cette dernière étant tarifée à près de 50 000 £. Un imposant aileron est monté à l’arrière en 1992, un an avant l’apparition de la S4 (suspension modifiée et proue restylée). Deux autres versions seront lancées : 300 Sport (2,2 litres de 300 ch) et GT3 (deux litres de 240 ch).
Lotus Esprit GT3 Lotus
Lotus Esprit V8 D.R.
Avec son simple quatre cylindres, l’Esprit constitue un cas à part dans le monde des GT à hautes performances. L’idée d’un V8 avait été envisagée dès 1979, mais Lotus en avait différé la réalisation, notamment en raison de l’absence de transmission capable de passer le couple. L’Esprit V8 est finalement présentée en 1996, motorisée par un 3,5 litres rapidement conçu par les ingénieurs de la marque. Léger (220 kilos), cet excellent moteur à 32 soupapes développe 355 ch à 6500 tr/mn (couple de 400 Nm) grâce à l’appoint de deux turbos Garrett T25. Les performances sont celles d’une supercar : les 280 km/h sont atteints, le 0 à 100 km/h est couvert en 4,8 secondes et le kilomètre départ arrêté en 23,5 secondes. La boîte de vitesses est toujours une Renault modifiée.
Produite jusqu’en février 2004 à 10 675 exemplaires, l’Esprit aura connu une carrière exceptionnelle étalée sur 28 ans. Un succès commercial qui a permis à Lotus de se maintenir à flot dans les années 80 et 90 — le rythme moyen annuel de production se situant entre 300 et 500 exemplaires jusqu’à la fin de la décennie 80 (1988 fut une année exceptionnelle avec 1058 unités). Aujourd’hui, le remarquable design de Giugiaro adouci par Peter Stevens n’a pas pris une ride trente ans après avoir été tracé !