Saga Lamborghini
L'histoire tourmentée de Lamborghini est l'aventure exceptionnelle d'un homme né sous le signe du taureau et qui se voulut le rival d'Enzo Ferrari.
sommaire :
LAMBORGHINI Miura
Gilles Bonnafous le 06/05/2002
La Miura, plus belle voiture de l'histoire ? Il en va des automobiles comme des concours de beauté. La plus belle fille du monde existe-t-elle ? Non, heureusement, il y en a beaucoup… Il n'en reste pas moins que la Miura apparaît, à l'évidence, comme l'une des plus belles voitures jamais commercialisées. Et certainement comme la plus magnifique sportive des temps modernes - disons de la seconde moitié du XXème siècle. Sous quelque angle que le regard l'aborde, pas la moindre imperfection n'est à regretter, pas une ligne à corriger, pas un détail à reprendre. La perfection !
C'est au salon de Genève, en mars 1966, qu'éclate la bombe. D'entrée, la Miura, une appellation tirée d'une race de taureaux de combat chère à Hemingway, est prise pour ce qu'elle est : un chef-d'œuvre intemporel. Ce trait de génie est dû à un jeune homme de 27 ans, Marcello Gandini, nouvellement intronisé responsable du style chez Bertone. Ce coup de maître, qui le fait découvrir au monde entier, inaugure une longue collaboration entre le carrossier de Grugliasco et Lamborghini.
Après la 350 GT, Gianpaolo Dallara, Paolo Stanzani et Bob Wallace rêvent d'un modèle plus puissant, d'une GT ultra-performante. N'oublions pas que Dallara et Wallace sont venus chez Lamborghini avec le secret espoir de faire courir les taureaux de Sant'Agata - ils seront déçus. Dallara pense à une GT à moteur central arrière. L'idée se concrétise en 1965 par la présentation, au salon de Turin, d'un châssis baptisé TP 400 (TP pour Transversale Posteriore). L'objet fait sensation ! Avec l'architecture à moteur central, héritée de la compétition et appliquée pour la première fois à une GT de production, Lamborghini devance Ferrari, Maserati et tout l'establishment de la voiture sportive de haut de gamme. De plus, la mécanique est disposée transversalement.
La structure de la TP 400 se compose d'une plate-forme en acier sur laquelle sont soudés des caissons et deux berceaux (avant et arrière), l'ensemble étant allégé par de multiples perforations. Extrapolé de la 350 GT et réalésé à quatre litres, le V12 Lamborghini est la pièce maîtresse d'un bloc très compact - architecture centrale oblige. Un nouvel ensemble transmission-différentiel (avec autobloquant) est intégré au moteur et à la boîte de vitesses dans un carter commun.
La P 400 Miura fait ses grands débuts au salon de Genève de 1966, où elle trône sur le stand de Bertone, chargé d'habiller le châssis TP 400. Aussitôt, les commandes affluent, d'autant que la voiture fait la belle en ouvrant, deux mois plus tard, le Grand Prix de Monaco. Mais sa mise au point est loin d'être terminée - la commercialisation ne démarrera qu'au printemps 1967. De nombreux éléments posent encore problème : ventilation de l'habitacle, réglages de suspension, transmission, etc. Le différentiel autobloquant sera finalement abandonné, car il ne s'accommode pas de la lubrification commune au moteur et à la boîte de vitesses. Et pour extraire l'air chaud du compartiment moteur, des jalousies remplaceront la lunette arrière vitrée de la voiture exposée à Genève.
La Miura connaît un succès commercial dépassant largement les attentes de la marque, pour laquelle elle ne devait constituer qu'un modèle marginal fort en image. La demande s'avère très supérieure aux capacités de fabrication de l'usine. Dès 1967, 150 exemplaires sont tout de même produits, le chiffre record étant atteint l'année suivante avec 184 unités.
Trop tôt entrée en production, la Miura souffre d'une mise au point imparfaite. La finition, le confort, la ventilation et l'insonorisation ne sont pas conformes à ce que l'on est en droit d'attendre d'un véhicule de ce prix. Le châssis subira quelques modifications - construction en tôle plus épaisse et renforcement du berceau avant.
Introduite au salon de Turin de 1968, la Miura S, première évolution du modèle, vise à répondre aux critiques les plus vives. La finition et le confort apparaissent en net progrès. L'intérieur a été partiellement revu et les vitres électriques font désormais partie de l'équipement de série. Mais la sellerie cuir et l'air conditionné demeurent toujours des options ! Parallèlement, le moteur gagne vingt chevaux (370 ch à 7700 tr/mn) grâce à un remplissage amélioré. Les ingénieurs ont surtout cherché à obtenir une courbe de puissance plus pleine et un meilleur fonctionnement à bas régime. Constamment en chantier, la Miura connaîtra quelques évolutions dans sa définition S : suspension arrière aux réglages différents, joints de transmission homocinétiques, disques de freins ventilés.
Le moteur V12 de la Miura P400 S
Lamborghini Miura P400 SV
Lancée au salon de Genève de 1971, la Miura P 400 SV devait, à l'origine, constituer une voiture exclusive. Elle prendra rapidement la place de la S pour constituer la version pleinement aboutie du modèle. La puissance grimpe encore, portée à 385 ch par des modifications de la distribution et de la carburation. A l'automne 1971, le graissage du moteur est séparé de celui de la boîte pour permettre le montage d'un différentiel autobloquant. La SV hérite également d'une nouvelle suspension arrière : les triangles sont remplacés par des quadrilatères plus performants, tandis que la voie est élargie de treize centimètres pour permettre le montage de pneus série 60. Aisément identifiable à ses yeux dépourvus de cils qui dominent une calandre élargie, à des feux arrière redessinés et à ses pneus larges, la Miura SV sera produite jusqu'à la fin de 1972.
Le Roadster Miura
Présenté au salon de Bruxelles de 1968, le Roadster Miura constitue une grande réussite esthétique. Il est évidemment l'œuvre de Bertone. Renforcé dans sa structure comme il se doit pour une voiture ouverte, il reçoit également un arceau, qui l'apparente à la formule Targa chère à Porsche. La partie arrière a été partiellement redessinée et l'inclinaison du pare-brise accentuée. A l'intérieur, les commandes et cadrans sont groupés sur la console et le volant est celui de la Marzal.
Lamborghini Zn 75
Hélas, ce superbe exercice de style restera sans lendemain. Il connaîtra par contre un curieux destin. Vendu en 1969 à l'ILZRO, un organisme chargé de promouvoir les dérivés du plomb et du zinc, le Roadster Miura sera transformé avec l'accord de Bertone. De nombreux éléments seront ainsi remplacés par des pièces mettant en valeur l'usage du zinc et de ses dérivés - notamment les enjoliveurs. Baptisée Zn 75, la voiture participera à des tournées promotionnelles avant de rejoindre le musée des Transports de Boston.
Lamborghini Zn 75
Lamborghini Zn 75
Lamborghini Jota
La Jota est née en 1969 d'une initiative de Bob Wallace, le pilote-essayeur de Lamborghini, qui rêve de compétition. Conforme à la réglementation sportive internationale, notamment à son annexe J (d'où le nom de Jota), elle est une voiture laboratoire, qui aurait pu être une Lamborghini de course. Elle présente de nombreuses modifications par rapport au modèle d'origine : châssis et suspensions revus, carrosserie remodelée et réalisée en alliage léger avec rivetage apparent, voies élargies et roues Campagnolo chaussées de Dunlop Racing.
Lamborghini Miura Jota
Lamborghini Miura Jota
Doté de nouveaux arbres à cames et bénéficiant d'un taux de compression porté à 11,5, le V12 développe 440 ch à 8500 tr/mn, une puissance proche de celle d'une Ford GT 40. La lubrification se fait par carter sec et le graissage de la boîte est séparé afin de permettre le montage d'un différentiel autobloquant. Pesant 900 kilos (beaucoup trop pour une machine de course), la voiture dépasse les 300 km/h. Les accélérations sont convaincantes : kilomètre départ arrêté en moins de vingt secondes et un peu plus de trois secondes pour passer de 0 à 100 km/h.
Vendue en 1972, la Jota sera détruite dans un accident. Elle connaîtra toutefois une forme (douteuse) de postérité, certains propriétaires de Miura SV ayant fait transformer leur voiture en " SVJ " par l'usine.
Lamborghini Miura SVJ