La Carrosserie Ghia
Avec Giugiaro, Touring, Pininfarina et Bertone, Ghia est l’autre grand de la carrosserie italienne. C’est aussi l’une des plus anciennes maisons de la péninsule.
sommaire :
VOLKSWAGEN Karmann-Ghia
Gilles Bonnafous le 29/03/2005
Paradoxe des paradoxes ! Ghia, maison réputée pour ses voitures sophistiquées réalisées en tout petits volumes, est connue de par le monde grâce à un modèle des plus populaires et massivement diffusé, la Volkswagen Karmann-Ghia. Lancée en 1955, cette dernière connaîtra, malgré sa modeste motorisation, une carrière de près de vingt ans, dont le succès s’affirmera particulièrement sur le marché américain. Avec elle, Ghia aura réussi la gageure de créer un modèle élégant et d’allure sportive sur une base de Coccinelle…
Au début des années cinquante, Karmann, le carrossier allemand d’Osnabrück, souhaite construire, sur la base de la Coccinelle, un cabriolet plus original que ceux réalisés depuis 1949 par Hebmüller et par Karmann lui-même, et qui apparaîtrait ainsi comme une vraie création. Dès 1950, il entame des négociations avec Volkswagen, mais les maquettes proposées ne recueillent pas l'assentiment de Wolfsburg.
D.R.
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Dans le même temps, Luigi Segre souhaite concevoir une voiture sportive équipée d’une mécanique issue d’un modèle populaire. Déjà, Felice Boano avait fait une tentative auprès de Volkswagen à la fin des années quarante. Sans succès.
En 1952, Wilhelm Karmann junior se tourne vers son ami Luigi Segre et lui demande de réaliser un prototype qui serait à même de convaincre le constructeur allemand. Il s’agit de ne pas commettre à nouveau les erreurs de Boano et de Karmann lui-même, qui avaient présenté des maquettes ou des esquisses. Seul un prototype fini, en état de fonctionnement, peut retenir l’attention de Volkswagen.
Dessin de Ghia D.R.
Luigi Segre s’adresse à Charles Ladouche, le patron de France Motors, qui représente Volkswagen dans l’hexagone — il est aussi le distributeur des Chrysler Ghia en Europe. Il lui demande de lui fournir une Coccinelle, à partir de laquelle il fera réaliser un prototype. Terminé à la fin de l’été 1953, ce dernier est présenté par Segre à Karmann dans les ateliers de France Motors à Paris.
C’est le coup de foudre. Karmann, puis les dirigeants de Volkswagen tombent sous le charme de la voiture et de son superbe design. Celui-ci s’inspire, c’est peu dire, de la Chrysler d’Elégance, un luxueux modèle réalisé en petite série sur un dessin de Virgil Exner, le patron du style du géant américain. La ressemblance entre les deux voitures est frappante. Il est vrai que le modèle n'est pas loin, l'Américaine étant assemblée chez Ghia.
Etude de 1954 D.R.
Néanmoins, Ghia a procédé à un sensible remodelage, l’architecture (moteur avant pour la Chrysler, arrière pour la Coccinelle) et le gabarit des deux modèles étant très différents. Sergio Sartorelli et son équipe, dont Boano junior, ont surtout travaillé la face avant. Le prototype part à Osnabrück, où Karmann apporte quelques modifications pour l’adapter à la production en série. Mais à l’exception de la sellerie cuir et de quelques détails, il apparaît pratiquement identique au futur modèle de production. Les prises d’air sur la proue seront installées à la demande de Volkswagen.
La production de la Karmann-Ghia démarre en août 1955, peu avant sa présentation au salon de Francfort. La qualité de fabrication de la voiture s'avère remarquable et malgré le prix élevé auquel elle est proposée, son succès ne tarde pas. Notamment aux Etats-Unis, où le cocktail d'un look flatteur et d'un usage fiable et économique lui assure un destin enviable. La voie est ainsi ouverte pour le lancement d'une version cabriolet, qui interviendra en septembre 1957. Une création exclusive de Karmann réalisée sans l’aide de Ghia.
Etude de 1954 D.R.
Etude de 1954 D.R.
Projet de restyling D.R.
Sergio Sartorelli proposera nombre d’évolutions stylistiques à Karmann. Les premières datent de 1958, d’autres suivront signées de Tom Tjaarda et de Filippo Sapino, jusqu’à une dernière conçue par Giorgietto Giugiaro qui débouchera sur un prototype réalisé en 1967. Toutes seront refusées par Volkswagen.
En 1958, Ghia s’attelle à un projet de coupé dérivé de la berline Volkswagen 1500 alors en gestation. L’auteur du design initial est Sergio Sartorelli, qui, à la demande de Luigi Segre, l’a tracé en catastrophe dans un train qui le conduisait au salon de Genève… Ensuite, Tom Tjaarda, apportera sa participation en dessinant la poupe.
Prototype Type 34 D.R.
Prototype Type 34 D.R.
Le prototype est peu modifié jusqu'à sa présentation au Salon de Francfort en 1961, qui précède sa commercialisation en janvier 1962. Baptisé type 34, il est établi sur la base de la VW 1500 lancée en 1961, comme l'a été le précédent type 14 par rapport à la Coccinelle. Conçu pour prendre la suite de son aînée après sept ans de carrière, il reçoit un design au goût américain prononcé qui trahit sa vocation : tenter de faire aussi bien sur le marché d'outre-Atlantique. Ce ne sera pas le cas…
Le style évoque la Chevrolet Corvair. Trait caractéristique, un pli de tôle ceinture toute la carrosserie à l'image de la petite Chevy. Venant mourir sur la face avant, il forme une fausse calandre en forme de V, sous laquelle s'abritent les quatre phares. Pour actualiser le design, on a donné des angles à la voiture. Ainsi, le pavillon à lunette arrière panoramique est-il plus dégagé et les surfaces planes des trois volumes contrastent avec les plans inclinés de la sœur aînée. Sartorelli et Sapino imagineront divers projets de restyling. Mais aucune évolution du type 34 ne débouchera, pas même la version cabriolet élaborée par Karmann.