Louis Vuitton Classic 2001
Traditionnel rendez-vous de la rentrée dédié à l'automobile d'exception, le Louis Vuitton Classic 2001, quatorzième du nom, offrait aux amateurs passionnés comme aux néophytes l'occasion de découvrir des voitures hors du commun.
sommaire :
CHRYSLER Coupé Ghia
Gilles Bonnafous le 09/09/2001
Quelle a été notre surprise de découvrir, sur la pelouse de Bagatelle, un coupé Chrysler Ghia retrouvé en France. Très rare, particulièrement dans notre pays, ce modèle fut carrossé par Ghia à la demande de C.B. Thomas, directeur des exportations de Chrysler et ami de Luigi Segre, directeur de la carrosserie italienne - dans le cadre de la collaboration qui, à l'époque, unissait Ghia à Chrysler et Virgil Exner, le designer du géant américain. Construite sur le châssis de la New Yorker, dont l'empattement a été raccourci, la voiture a été réalisée en une petite série après qu'un concept car fut exposé au salon de Paris de 1952.
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A l'intérêt exceptionnel de la voiture s'ajoute l'histoire tout à fait singulière de son sauvetage. Jugez plutôt. Trouvée par hasard en pleine campagne, elle se trouvait dans les locaux d'une carrosserie industrielle située dans la région de Rennes. Comment cette voiture hors du commun est venue se perdre dans ce coin de Bretagne, personne ne le sait - des recherches sont actuellement en cours. C'est un jeune qui la repéra et en fit l'acquisition, alors que l'entreprise fermait ses portes et que la Ghia allait partir chez le broyeur local ! Un jour, notre apprenti collectionneur se présente à la concessionnaire Chrysler-Jeep, que possède Jacques Pelvé à Cesson-Sévigné, près de Rennes. Il était à la recherche de renseignements techniques sur le véhicule et souhaitait acheter des pièces. Découvrant la Chrysler, Jacques Pelvé a un choc devant un objet aussi rare et original. Il discute avec son client et se rend vite compte que ce dernier sera incapable de mener à bien la restauration d'une telle voiture, ne disposant pas du budget nécessaire à une entreprise de cette envergure. De plus, le jeune homme n'est pas conscient de son intérêt - il avait simplement envie d'une voiture de collection genre Traction ou DS. Bien que la Ghia soit en très mauvais état, Jacques Pelvé décide de l'acheter.
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Commence alors la restauration - nous sommes en 1997. " Un travail de Titan ", dixit Jacques Pelvé, précisant toutefois que, par chance, la voiture était complète. Le chantier est placé sous la direction de Jean-Luc Louasil, chef d'atelier de la concession, lequel n'a pas compté les coups de fil passés un peu partout dans le monde pour trouver des pièces ! La voiture est entièrement démontée. La carrosserie est confiée à un spécialiste situé près de Rennes, mais l'on se rend compte, lors du sablage de la caisse, qu'il est impossible de séparer celle-ci du châssis, les deux éléments ayant été soudés par Ghia - alors que la New Yorker est construite sur un châssis séparé. Tout démontre une réalisation manuelle et un travail de carrossier : les éléments ont été formés et soudés un à un - six pièces de tôle pour une aile avant par exemple.
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La voiture a payé un lourd tribut à la corrosion. Tous les panneaux de tôle doivent être refaits à partir de leur mi-hauteur, les pare-chocs et baguettes latérales sont reformés. On restitue à la Chrysler Ghia sa livrée d'origine, retrouvée sous la peinture qui avait été refaite. La sellerie cuir est reconditionnée par Dominique Fraud à Lohéac dans la teinte d'origine (retrouvée elle aussi sous une nouvelle peau fixée ultérieurement à la fabrication de la voiture). Quant aux roues, qui étaient très abîmées, elles sont commandées aux Etats-Unis, où des spécialistes les refabriquent - heureusement, à l'époque, les roues Chrysler possédaient toutes les mêmes dimensions.
Sorti de son compartiment, le moteur est mis sur un banc, où il démarre au quart de tour ! Il n'empêche, tous les éléments mécaniques sont refaits, bloc et culasse, boîte de vitesses, pont, freins, circuit électrique, etc. Avec des difficultés à trouver les pièces aux Etats-Unis, car la voiture est équipée du premier V8 hémisphérique Chrysler Firepower. Sorti en 1951, ce dernier était l'un des moteurs américains les plus performants de l'époque (331 cubic inches et 180 ch). De plus, la voiture est dotée d'une transmission hybride combinant un convertisseur hydraulique à une boîte mécanique avec embrayage (on a ajouté le convertisseur d'une boîte auto à une boîte classique). Ainsi, la voiture se conduit (presque) comme si elle était équipée d'une boîte automatique : le conducteur débraye pour passer les vitesses, puis, une fois le rapport enclenché, le système fonctionne comme une boîte automatique (la voiture ne cale pas à l'arrêt). Les avantages de la formule sont de soulager le conducteur (car l'embrayage est dur) et, naturellement, d'éviter de débrayer en ville.
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La restauration n'a été terminée qu'au mois de juillet dernier. Après quoi, sont intervenus la mise au point moteur et les premiers essais, juste à temps pour la présentation à Bagatelle. Les Bretons ont aujourd'hui la chance de découvrir la Chrysler Ghia dans le hall de la concession de Jacques Pelvé, où elle est exposée. Un privilège d'autant plus exclusif que la voiture pourrait être le concept car du salon de Paris de 1952. Plusieurs éléments militent en faveur de cette idée. D'abord, aucun numéro de châssis n'a été retrouvé. Ensuite, la voiture présente une originalité, qui tient à la roue de secours disposée dans le coffre et non sous ce dernier. Un autre détail technique accrédite l'idée du prototype : la présence sur la caisse des supports destinés à recevoir le châssis d'origine de la New Yorker - et qui ne servent pas puisque la caisse a été soudée. Jacques Pelvé poursuit ses investigations afin d'élucider ce mystère. Nous vous tiendrons au courant des résultats de cette enquête, qui relève à la fois des compétences de Scotland Yard et de la recherche archéologique...
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