WEC : interview de Lionel Chevalier
Jean-François Destin le 29/03/2016
En charge des deux prototypes A460 durant toute la saison du WEC (Championnat du monde d'endurance), Lionel Chevalier, Directeur technique d'Alpine fait le point sur les améliorations techniques apportées cette année pour espérer remporter la catégorie LMP2 et pourquoi pas aussi à l'issue des 24 heures du Mans.
Motorlegend : Après les deux titres européens obtenus en 2013 et 2014, Alpine a beaucoup souffert l'an dernier à cause d'un châssis un peu dépassé et du fait de rouler avec une barquette. En 2016, la remise à niveau est là.
Lionel Chevalier : oui, nous disposons en 2016 d'un nouveau châssis Oreca. En plus, nous avons opté pour une voiture fermée qui s'avère plus efficace et sur laquelle nous pouvons travailler l'aérodynamique en fonction des circuits et notamment au Mans où nous devrions gagner 8 km/h en vitesse maximum. Un point capital sur un tracé jalonné de portions très rapides. Plus fine, la voiture améliore sa charge aérodynamique et dégrade moins les pneus. C'est un avantage en WEC où chaque équipe dispose d'un nombre limité de pneumatiques par épreuve. En course, nous devons enchaîner deux relais de 45 minutes avec le même train et c'est parfois compliqué comme à Bahreïn en fin de saison où la piste est à la fois abrasive et très chaude.
Motorlegend : Je suppose que les pneus vont évoluer.
LC : Dunlop avec lequel nous travaillons depuis plusieurs années a mis au point une nouvelle gamme de pneus. Pas spécifiquement pour Signatech Alpine, ce manufacturier équipant d'autres teams, mais nous avons eu l'occasion de les découvrir en essais privés sur le circuit espagnol de Motorland et ils semblent apporter plus de constance en s'usant moins vite.
Motorlegend : Pour aller vite et loin, il faut une voiture très équilibrée qui convienne aux différents styles des pilotes, comment allez-vous résoudre ce problème sachant qu'ils n'ont pas tous la même expérience et le même palmarès ?
LC : Nous veillons justement à ce que les trois pilotes de chaque voiture soient à l'aise avec le set-up technique retenu. C'est relativement facile surtout sur la N° 36 où l'équipage est très homogène même si l'Américain Gustavo Menezes avec sa licence « silver » n'a jamais roulé en endurance. Mais il a acquis un haut niveau en monoplace et son style de pilotage est identique à celui de Stéphane Richelmi et Nicolas Lapierre, ses deux coéquipiers. L'adaptation sera rapide. En revanche, c'est un peu plus compliqué sur la N°35, le bagage technique de David Cheng, « Silver » lui aussi, étant moins important que celui de Ho-Pin Tung et Nelson Panciatici. Nous allons l'aider mais il devra évoluer pour que les réglages appréciés par les deux autres lui conviennent aussi.
(NDLR : en fonction de leur expérience et de leur palmarès, les pilotes ont droit à quatre licences allant de « Bronze » jusqu'à « Platinium » pour les meilleurs en passant par « Silver » et « Gold ».)
Motorlegend : Vous entamez votre dernière saison avec le V8 4.5l de 550 chevaux issu de l'Alliance Renault-Nissan. Un moteur qui vous a toujours donné satisfaction.
LC : Oui depuis 2013, aucun n'a cassé. En 2017, le règlement ACO impose à tous les concurrents de LMP2 d'utiliser un V8 Cosworth de 600 chevaux. Une augmentation de puissance bienvenue car l'Alpine est encore cette année un peu sous-motorisée compte tenu de son châssis. Heureusement nous disposons cette saison d'une nouvelle boite X-Trac à 6 rapports que nous avons pu implanter plus bas au profit de l'aérodynamique.
Motorlegend : En endurance avec une voiture cette fois fermée, le confort du pilote a-t 'il été une priorité ?
LC : Il ne faut pas prendre le problème à l'envers. En configuration fermée, les designers avaient carte blanche pour réaliser la voiture la plus aérodynamique possible. Après intervient seulement l'intégration du pilote en fonction du gabarit de chacun, d'où l'importance de former des équipes avec des pilotes de même taille avoisinant chez nous 1.70m. Nous avons réussi sur chacune des deux voitures à garder le même baquet pour gagner du temps pendant les relais. On se contente de placer quelques cales en mousse. On a travaillé aussi la visibilité périphérique et la ventilation intérieure pour compenser l'absence de climatisation. Les premiers retours des pilotes durant le prologue WEC au Castellet sont très positifs.