Acheter une SUNBEAM Alpine Series V
Henneté le 21/04/2005
Aboutissement logique des quatre séries précédentes, la Sunbeam Alpine series V, trop peu connue en France, reste une automobile à découvrir.
Historique
La Sunbeam Alpine series I sort des chaînes en 1959, à cette époque la marque est toujours la propriété du groupe Rootes. Motorisée par un quatre cylindres de 1494cc, manquant singulièrement de puissance, elle sera remplacée dès 1960 par la série II, équipée d'un moteur porté à 1592cc. Suivra la série III, la préférée des puristes, en 1963, puis la série IV début 1964 qui se distingue par des ailes arrière et une calandre redessinées ainsi qu'une boîte 4 enfin synchronisée.
C'est en septembre 1965 qu'apparaît la série V. Les Sunbeam Alpine sont plutôt rares en France, en regard des Triumph, MG et autres Austin Healey. Plus rares encore, celles dont l'état est semblable à notre modèle d'essai, car même si ces véhicules étaient mieux construites que leurs concurrentes de l'époque, elles n'en souffraient pas moins de la corrosion. La carrière de la Sunbeam Alpine series V, dernière du nom, s'achèvera en Janvier 1968.
Si toutes ces séries sont sorties en cabriolet, à partir de la série III un coupé dénommé Harrington et réputé introuvable de nos jours sera produit à environ 150 exemplaires. N'oublions pas non plus les deux versions « Tiger » survitaminées par des moteurs V8 d'origine Ford respectivement de 4.2 et 4.7 L de cylindrée tout comme les Mustang, qui nécessiteraient à elles seules un article complet.
Avoir une Sunbeam Alpine series V dans son garage, c'est posséder la crème d'une lignée souvent critiquée pour son manque de brio, de fiabilité, de faiblesses d'usage chroniques; nous verrons que tel n'est pas le cas de la series V.
Entièrement restauré il y a maintenant près de cinq ans, le modèle de notre essai ne présente aucun défaut d'aspect, ni en carrosserie (l'alignement des panneaux le confirme) ni dans la qualité d'ajustement de la capote, tant sur sa partie arrière que sur le haut du montant du pare-brise, non plus dans l'habitacle.
Groupe motopropulseur
La motorisation de la Sunbeam Alpine series V est l'une des différences essentielles avec ses devancières. En passant de 1494 cc, à l'origine, à 1725 cc, le quatre cylindres monté sur silent blocs destinés à filtrer les vibrations, n'a pas fait que gagner en cylindrée. Il s'est en effet vu doter d'un vilebrequin à cinq paliers (au lieu de trois dans les autres séries), venu judicieusement renforcer l'équipage mobile. De plus, les ingénieurs du groupe Rootes l'ont équipé de deux carburateurs Stromberg 150 DC double corps à la place de l'anémique Solex de la série précédente.
Sa structure, ultra classique, s'inscrit dans la droite ligne de ce qui se faisait outre-manche dans les années soixante : bloc en fonte, quatre cylindres en ligne, distribution par un arbre à cames latéral, soupapes en tête culbutées. Le refroidissement se fait naturellement par eau avec radiateur, ventilateur et thermostat, qu'il convient de surveiller avec soin pour éviter toute surchauffe. Notons la présence d'un radiateur d'huile, gage de fiabilité, qui complète l'ensemble.
La séries V est la première de son espèce à adopter un alternateur à pôle négatif à la masse (en 12 volts) une révolution au royaume d'Albion, qui nous évitera à nous, continentaux, les risques de courts-circuits au remontage.
La transmission se fait aux roues arrière et la boîte de vitesses à quatre rapports plus marche arrière, commandée depuis le plancher, est pilotée par un embrayage Borg and Beck à diaphragme monodisque à sec, toute synchronisée, premier rapport inclus.
De plus, comme nombre de ses concurrentes british de l'époque elle pouvait être équipée, sur demande, d'un overdrive Laycock de Normanville agissant sur les troisième et quatrième rapports, lui permettant de faire chuter sensiblement le régime moteur tout en réduisant le niveau sonore.
Avec un taux de compression de 9.2 à 1, la série V développe 100 ch au paisible régime de 5500 tr/minute, l'auto affiche une vitesse de pointe de l'ordre de 160 km/h. Ce n'est certes pas un foudre de guerre, mais elle abat malgré tout le 0 à100 km/h en 12.6s.
Pour finir, le vilebrequin à cinq paliers améliore notoirement la fiabilité d'une auto trop injustement décriée. De fait, son propriétaire l'utilise quasi quotidiennement.
Suspensions / trains roulants
Tout au long des cinq séries de Sunbeam Alpine, les suspensions auront été empruntées aux modèles de série du groupe Rootes (Hillmann et Singer entre autres).
A l'avant, on trouve donc une combinaison de ressorts hélicoïdaux et d'amortisseurs télescopiques articulés sur des triangles superposés, assistés dans leur tâche par une barre anti-roulis. La suspension arrière, nettement plus archaïque est constituée de ressorts à lames, semi elliptiques (au nombre de six sur la série V) additionnés d'amortisseurs hélicoïdaux. Le pont arrière à couple hypoïde est de type rigide.
Il est à noter que, si la suspension arrière semble surannée sur notre série V, il faut se souvenir que jusqu'à la série III, les ressorts semi elliptiques étaient assistés par des amortisseurs à levier Armstrong, dignes d'une auto d'avant-guerre, ne favorisant ni la précision de conduite, ni le placement de l'auto en courbe.
Ce tableau, théorique, à priori peu flatteur, se révèlera trompeur comme la prise en main nous le prouvera.
Freinage / direction / pneus
Le système de freinage hydraulique, fourni par Girling, offre deux disques en fonte d'un diamètre de 250 mm à l'avant et deux tambours à l'arrière. Ce système, qui se révèlera très fiable est pourvu d'une assistance, apparue dès la série II et utilise la dépression interne du moteur. Le frein à main, à câbles, agit quant à lui sur les roues arrière. Bien que classique, ce système de freinage sera toujours à la hauteur durant notre essai.
La direction est équipée d'un boîtier Burman à recirculation de billes et présente une singularité rare sur ce type de véhicule : elle est réglable en profondeur avec un débattement d'environ six centimètres grâce à une mollette située sur la colonne de direction. Moyennement directe, avec 3 ¼ tours d'une butée à l'autre, son rayon de braquage est de 11.40 m. Contrairement aux directions à crémaillère, celle-ci manque singulièrement de précision dans le placement de l'auto sur la route, comme nous le confirmera notre essai.
Chaussées de pneus de 6.00 x 13, les roues en tôle d'origine pouvaient être remplacées, en option, par des roues fil bien plus dans l'esprit de l'auto et des sixties.
Stucture / carrosserie
Face à nombre de ses concurrentes, la Sunbeam Alpine se révèle être une auto résolument moderne avec sa carrosserie monocoque en acier, renforcée par des longerons croisés, lui offrant une rigidité rarement atteinte pour un cabriolet de cette époque.
La qualité du montage des ouvrants est excellente, les jeux limités et les jours très réguliers en sont la preuve, et si la Sunbeam n'est pas une grande voiture, on s'y sent bien à l'avant, les places arrière y sont en revanche plus que limitées.
Sobre, sans fioritures, la ligne de caisse est dessinée d'un seul trait dans un style très lisse souvent qualifié de féminin ; elle est l'œuvre de Kenneth Howes, élève de Raymond Loewy, qui eût pour mission à l'époque de créer une auto destinée à séduire le marché U.S. d'où, entre autres, les ailerons arrière.
Malheureusement, tout comme ses contemporaines, la Sunbeam est très sensible à la corrosion, il est donc impératif de surveiller ses bas de caisse, arches et passages de roues devant comme derrière, les points d'ancrage des suspensions, les planchers, le fond de coffre, bref…partout. La moindre cloque de surface peut, en effet, révéler un véritable désastre de corrosion interne.
La capote, en toile, est de bonne qualité et – rareté - a été conçue pour être étanche que ce soit au niveau du sommet du pare-brise ou même au-dessus des vitres en position fermé. Repliée, elle se loge avec élégance derrière les places arrière. Le seul bémol viendra d'un pliage pas toujours évident, dû à une manipulation des bras latéraux articulés, dans un premier temps, suivi du repliage de la toile par dessus. Pas toujours simple lorsque l'on est seul. Notons au passage qu'un hard top (toujours noir) était disponible en option à l'époque.
Habitacle / intérieur
Ce qui frappe en s'installant à bord, c'est l'aspect cossu, confortable de l'auto. Cela se manifeste par des détails comme les déflecteurs, l'accoudoir central entre les sièges avant, le confort de ces derniers, jusqu'à la facilité à s'introduire derrière le volant.
Les garnitures sont en skaï comme il est d'usage pour les « petits »cabriolets de l'époque, pas désagréables au toucher pour autant ; les sièges, bien que n'étant pas de type baquet offrent un maintien latéral malgré tout suffisant au regard des performances de la belle.
Le tableau de bord tout de noir vêtu offre, quant à lui, une bordée d'instruments et de compteurs divers, incluant un cadran de température d'huile et un d'eau séparés. N'oublions pas la présence des gros compteurs et compte-tours en face du volant ni la jauge à essence dans l'axe de la console centrale, voilà de quoi vous renseigner sur l'état de la mécanique. On pourrait à la limite lui reprocher un manque d'originalité, un air de « déjà vu ».
Les deux places arrière, quant à elles, doivent réellement être qualifiées de secours. En revanche, à l'image des moquettes de bonne qualité, qui couvrent bien tout le plancher, côté finition, l'intérieur vaut largement l'extérieur, tant pour la qualité de l'assemblage que pour celle des matériaux utilisés.
Le coffre, encombré par la roue de secours envahissante, n'hébergera pas plus qu'un petit sac par personne.
Pour finir, le grand pare-brise vous permet une large vision panoramique sans vous barrer la vue par son montant supérieur étant donnée sa hauteur inhabituelle pour un véhicule de ce type.
Prise en mains
La Sunbeam Alpine, toutes séries confondues, reste une voiture atypique. Relativement rare dans l'hexagone (avec malgré tout 90 membres dans le club), elle présente néanmoins des qualités intrinsèques très différentes de ses concurrentes immédiates. Tout d'abord on s'y installe aisément sans avoir de dons particuliers pour le contorsionnisme. L'habitacle se révèle ensuite douillet et relativement ergonomique, ce qui est plutôt rare pour son temps. La mécanique démarre sans problème, dans une tonalité moins grave qu'une TR4, mais pas moins déplaisante.
La première enclenchée, nous voilà partis. Inutile de chercher la performance, 100 chevaux pour presque une tonne, pas de quoi faire un chrono. Ceux qui n'avaient pas compris cela à l'époque ont beaucoup œuvré à la mauvaise réputation de fiabilité dont l'auto a longtemps été affublée, à tort.
Tout au long de l'essai, la Sunbeam ne dévoilera pas de défauts majeurs. La boîte, toute synchronisée, se révèle précise et agréable, le freinage ne sera même pas pris en défaut, quand à la tenue de route, elle s'avère très saine et il aura fallu se donner du mal pour arriver à faire crisser les pneus.
Mais en fait, ce qui surprend le plus, virage après virage, c'est le sentiment de conduire une bonne élève, bien construite, dont les différents éléments ne vibrent ni ne claquent même en appui. On est loin des TR3 et sans être un foudre de guerre, elle répond cependant toujours présent en toutes circonstances, même sur le couple.
Côté confort de conduite, là aussi : surprise ! Pas de coups de raquette, malgré le pont arrière rigide, pas le moindre sentiment d'être assis sur des noyaux de pêches, nous sommes bien loin des standards de l'inconfort des cabriolets britanniques de l'époque. Et pour être tout à fait franc, on en descend après quelques centaines de kilomètres sans avoir mal au dos, un exploit.
Finalement après avoir sillonné les petites routes de Bourgogne, le vrai défaut de l'auto qui apparaîtra sera l'imprécision de sa direction qui souffre de ne pas avoir été équipée d'un boîtier à crémaillère et qui donne une impression d'imprécision qui se révèle être désagréable à la longue. Il est donc inutile de chercher à placer la Sunbeam au millimètre en entrée comme en sortie de virage sur la « trajectoire idéale » ce serait peine perdue.
Non, en fait, cette auto méconnue, à tort, mérite d'être conduite comme une voiture de tourisme, pas comme une sportive. Bien faite, sa mécanique reprend bien à bas régime et satisfera l'amateur qui saura la respecter. A vous les petites routes et oubliez les spéciales au chrono, elle vous le rendra bien.
Cote et budget d'entretien
Etablir la cote d'un modèle aussi peu représenté, tant chez les marchands que dans les annonces de la presse spécialisée relève de la prédiction.
Une estimation raisonnable pour un modèle en bon état exempt de corrosion, avec une mécanique fonctionnant bien se situera autour de 10000€. Il faudra même dépenser un peu plus pour un modèle doté d'un hard top. La Sunbeam de notre essai a coûté à son propriétaire une somme supérieure mais a bénéficié d'une restauration exemplaire.
Notez que si vous tombiez sur un coupé Harrington (150 ex.) il faudra le payer au moins 35000 €.
La disponibilité des pièces est bonne, à condition de se les procurer outre-manche. En effet devant le peu de ces autos sur le marché français les spécialistes n'ont que peu de pièces en stock à fournir.
Note au lecteur : ce guide ayant été publié le 21/04/2005, les prix indiqués pour les pièces et la côte des véhicules risquent de ne plus refléter l'état actuel du marché.