Acheter une RENAULT R5 Turbo
Didier Lainé le 01/01/2004
Née pour accumuler des trophées, la Renault 5 Turbo a laissé à d'autres l'argument de la fonctionnalité.
Initiation à l'espèce
A dire vrai, Renault ne s'est pas soucié d'en produire beaucoup. A peine 1820 Turbo 1 et 3167 Turbo 2 ont ainsi été commercialisées, presque sans publicité entre 1981 et 1985 à un tarif suffisamment dissuasif pour décourager les plus tièdes. Ceux qui ont accepté de payer le juste prix de leur passion pour cette "bête à concours" n'ont pas été déçus du voyage.
Juste assez rétive pour transformer n'importe quel trajet en challenge, la 5 Turbo a envoûté les bons pilotes et fait peur aux frimeurs. Née pour courir, elle a aussi excellé dans la mise en scène médiatique. Ses rugissements métalliques, sa façon singulière de cracher des flammes en se laissant malmener par Jean Ragnotti ont beaucoup contribué à façonner son image de petite brute surdouée mais caractérielle. Aujourd'hui encore, sa carrosserie body-buildée et ses monstrueux pneus TRX de 220/55/365 à l'arrière lui donnent tous les attributs d'une sportive "criminogène" et l'on peut se demander si Renault oserait rejouer une telle partition aujourd'hui (la Clio V6 semble infiniment plus civilisée en comparaison...). Si la carrière sportive de la 5 Turbo apparaît fort bien remplie, on n'en dira pas autant de sa carrière commerciale, assez limitée dans le temps, l'espèce étant même vouée à se banaliser au fil des ans. Ce qui explique cette discrimination initiée par les "puristes" qui accordent leur préférence à la première série, plus rare et jugée plus "authentique", la Turbo 2 ayant longtemps fait figure de lot de consolation. Face au chrono, les deux séries font pourtant jeu égal (ou presque) et les sensations de conduite sont absolument identiques. Ce qui fait la différence, c'est essentiellement le "décor" intérieur et quelques détails décoratifs à l'extérieur (couleur des boucliers, notamment). Quoiqu'on en pense, le marché a fait jurisprudence depuis longtemps en maintenant la cote de la "Turbo 1" (appellation non officielle) sensiblement au dessus de sa remplaçante. Question d'image et de rareté relative, aussi. Côté entretien, la Turbo 2 relève un peu la tête car certaines pièces de carrosserie sont nettement moins coûteuses, sans parler des garnitures et accessoires intérieurs, prélevés sur la 5 Alpine de série. Laquelle choisir ? Les conseils qui suivent devraient vous aider à distinguer le bon grain de l'ivraie...
moteur
Moteur : solide mais pas inusable
La base n'est autre que le 4 cylindres 1,4 l de la 5 Alpine qui s'est prêté de bonne grâce à la greffe d'un turbo Garrett T3 et d'une injection Bosch K-Jetronic. Résultat : 160 ch DIN (soit 114 ch/l) à 6 000 tr/mn et 21,5 mkg de couple à 3 250 tr/mn ! Ceci pour la 5 Turbo de série, les versions compétition supportant jusqu'à 350 ch (Maxi 5 Turbo) avec le même bloc. Autant dire qu'il reste de la marge et que de nombreux propriétaires ont succombé au rite du kit d'adaptation faisant grimper la puissance à 185 ou 200 chevaux, voire davantage.
En soi, ces transformations sont tout à fait concevables. Reste à savoir précisément quel atelier s'en est chargé, quelles ont été les modifications entreprises et quelles pièces ont été utilisées. Compte tenu de son rendement élevé, le moteur de la 5 Turbo revendique une longévité tout à fait honnête. Moyennant un entretien scrupuleux (les intervalles de vidange et les réglages préconisés doivent être impérativement respectés), l'embiellage tient ses promesses à long terme. C'est plutôt la distribution qui souffre le plus des kilomètres accumulés. Passés les 100 000 kilomètres, les soupapes d'échappement gagnent souvent à être changées (un déculassage de contrôle s'impose souvent à ce stade), de même que la chaîne de distribution. Telle est aussi la durée de vie moyenne du Turbo, sa résistance dépendant bien évidemment du mode de conduite choisi (on sait ce qu'il advient d'un turbo malmené à froid comme à chaud). Le collecteur d'échappement est également fragile de même que les pattes de fixation du turbo qui peuvent casser net lorsque leur usure est bien avancée. Attention : un moteur mal entretenu ou ayant connu une longue période d'immobilisation peut devenir "explosif" dans ses manifestations.
Question de chaleur ambiante : les extracteurs d'air chaud se révèlent parfois défaillants, ce qui fait évidemment "bouillir la marmite" dans le compartiment moteur, avec les conséquences qu'on imagine lors d'un redémarrage à chaud. A noter que les pièces mécaniques propres à la 5 Turbo commencent à manquer sérieusement dans le réseau Renault et qu'il faut le plus souvent se tourner vers les spécialistes du modèle pour espérer trouver l'introuvable. A un prix qui reflète souvent la pénurie ambiante...
boite, suspensions, freins
Boîte : RAS...
Parce qu'elle est relativement imprécise, la tringlerie demande un certain temps d'adaptation. Tant qu'on ne la brutalise pas, la boîte apparaît néanmoins résistante, même après 200 000 kilomètres d'usage (voire beaucoup plus). Plus fragile, l'embrayage bi-disque doit encaisser le couple élevé du moteur et les passages de rapports à la volée engendrant des surrégimes brutaux peuvent réduire sa durée de vie dans des proportions notables.
Suspensions : traquez les signes de corrosion
Les amortisseurs De Carbon d'origine, de piêtre qualité peuvent être avantageusement remplacés par des Bilstein. Sur une 5 Turbo, ce "détail" n'a rien de secondaire car les performances des amortisseurs conditionnent en grande partie l'agrément à l'usage. Un poste budgétaire à ne pas négliger, donc. Les suspensions méritent d'être soigneusement examinées avant l'achat car elles travaillent beaucoup. Un contrôle préventif de la géométrie des trains est tout à fait recommandable et l'on vérifiera en particulier l'état des silentblocs et des bras inférieurs des triangles arrière, souvent attaqués par la corrosion. Autre poste coûteux : les pneumatiques. Montée d'origine en 195/55/340 à l'avant et en 220/55/365 à l'arrière, la 5 Turbo repose sur des Michelin TRX dont le prix a de quoi faire frémir (comptez 260 Euros pour un pneu arrière...).
Freins : à ne pas négliger
Les freins demandent également un contrôle régulier (les plaquettes s'usent vite, en général). Et il faut apprendre à "doser" leur puissance, à froid comme à chaud. Avec le temps, on finit par se faire à un toucher de pédale plutôt ferme qui fait partie intégrante de la "vie à bord".
carrosserie, accessoires
Carrosserie : points névralgiques
Si la 5 Turbo 1 est dotée d'un pavillon et d'ouvrants en alu (portes et hayon), sans oublier des ailes avant et un capot en poly, la Turbo 2 se contente quant à elle d'une caisse "tout acier". Inconvénient : la corrosion ne fait pas le détail sur cette série. La baie de pare-brise et les entourages de vitres, le hayon et le haut des ailes sont souvent attaqués. Avantage : Les pièces de carrosserie qu'elle partage avec les 5 de grande série peuvent être remplacées à bon compte. La structure (plateforme et longerons), guère mieux protégée en usine, "travaille" beaucoup, elle aussi, surtout sur les versions préparées dotées de suspensions renforcées. Au pire, les longerons arrière peuvent se déformer et fausser l'alignement de la caisse et des trains roulants. Un contrôle technique satisfaisant n'est en aucun cas une garantie en la matière. Avant l'achat, un contrôle minutieux de la géométrie des trains et de la structure s'impose donc en montant la voiture sur un pont. En cas de doute, les conseils d'un professionnel spécialisé pourront vous épargner bien des mauvaises surprises.
Finition et accessoires : le prix de l'exclusivité
Il faut le savoir : l'intérieur très "design" de la Turbo 1 (c'est aussi ce qui fait son prix) est franchement ruineux à refaire. Les éléments spécifiques sont quasiment introuvables (composants de planche de bord, notamment) et les garnitures d'habillage doivent être refaites sur mesure. Sur ce plan, la Turbo 2 relève la tête car son habitacle est quasiment identique à celui d'une 5 Alpine Turbo de série. Ce qui facilite d'autant les recherches quand il faut remplacer les garnitures de sièges ou des éléments de planche de bord. A noter encore que la finition intérieure est assez médiocre sur les deux versions. Quant au système électrique, ses sautes d'humeur (alternateur trop faible, entre autres) sont bien connues des amateurs. Moteurs inopérants, connections prématurément usées sont monnaie courante sur une 5 Turbo.
La R5 Turbo en chiffres
Ses grandes dates
1978 : présentation en avant-première au Salon de Paris du prototype de la R5 Turbo de compétition : moteur central turbocompressé, trains roulants spécifiques, roues arrière motrices.
1980 : lancement de la 5 Turbo "civile". Moteur 160 ch DIN, caisse partiellement réalisée en alu et en polyester, habitacle spécifique, boîte 5, 200 km/h, km D.A en 28 sec env. Modèle mis en fabrication pour homologation en Groupe 4 de la version compétition (moteur 185 à 250 ch selon version).
1981 : homologation en Groupe 3
1982 : arrêt de fabrication de la 5 Turbo. Nouvelle série Turbo 2 avec caisse acier, boucliers traités en noir, intérieur standardisé. Performances inchangées
.
1983 : homologation en Groupe B de la 5 Turbo "Tour de Corse" : moteur 240 à 280 ch
.
1984 : nouvelle version course "Maxi 5 Turbo" avec moteur poussé à 350 ch.
1985 : arrêt de production de la 5 Turbo 2
Production totale :
5 Turbo (ou "Turbo 1") : 1678 ex.
5 Turbo 2 : 3 183 ex.
Cote :
(exemplaires en excellent état général et conformes à l'origine)
5 Turbo : 20 000 Euros env.
5 Turbo 2 : 15 000 Euros env.
Note au lecteur : ce guide ayant été publié le 01/01/2004, les prix indiqués pour les pièces et la côte des véhicules risquent de ne plus refléter l'état actuel du marché.