Acheter une PORSCHE 993 Carrera 2
Thomas Riaud le 06/02/2008
Pour succéder à la vénérable 356, Porsche lança en 1963 la 911. Trente ans plus tard était présentée la dernière "vraie" 911 : la 993
Historique
Pour succéder à la vénérable 356, Porsche lança en 1963 un modèle 100% inédit : la 911. Bien que l'architecture soit équivalente (moteur en porte à faux refroidi par air), cette 2+2 apparaissait comme plus moderne à tout point de vue.
Redoutable en compétition, la 911 parviendra au fil des ans à s'imposer dans toutes les catégories (GT, Rallye, Endurance…), et à gagner le cœur des passionnés de voitures sportives.
Mais curieusement, celle qui contribua tant à la renommée de la marque devint, au milieu des années 80, encombrante… L'auto accuse déjà plus de 20 ans de carrière, et son architecture est dépassée par rapport à ses rivales directes (BMW 635 Csi, Alpine V6 Turbo …). Malgré cela, sa présence au catalogue continue d'éclipser tous les autres modèles de la marque, pourtant bien plus faciles à conduire (924, 944 et 928).
Cependant c'est précisément cette longévité commerciale, déjà étonnante pour l'époque, qui permit à Porsche de survivre. Au fil des ans, les 944 Turbo et 928 GTS, pourtant très efficaces, disparaissent sans émouvoir grand monde, et l'inoxydable 911, déclinée en coupé, en cabriolet et même en Targa, resta toujours fidèle au poste !
Cet art de durer, la Porsche 911 le doit certainement parce qu'elle n'a jamais trahie ses fondamentaux, tout en se bonifiant. La sportivité, la fiabilité et l'efficacité ont en effet perduré malgré l'arrivée, entre-temps, de l'électronique.
Dès 1989, la Type 964 s'y essaye, avec plus au moins de bonheur à ses débuts, en héritant de l'ABS, d'un aileron amovible à partir de 80 km/h et même, pour la première fois, de 4 roues motrices (Carrera 4). Un essai transformé par la sublime 993, commercialisée à partir de novembre 1993.
C'est précisément ce modèle, représentant l'aboutissement de la 911 « classique », qui est ici présenté, en stricte 2 roues motrices, histoire de respecter la tradition. Pour la première fois, Porsche ose bouleverser le dessin de la 911, en « lissant » la face avant, avec des phares ronds plus inclinés (seuls le capot et le toit de 964 sont conservés).
L'arrière subit le même traitement, ce qui apporte une bonne dose de dynamisme et de modernité à l'ensemble qui, malgré tout, conserve tous les attributs d'une 911. D'ailleurs, cette ligne est tellement d'actualité, que l'ultime 911 (Type 997) apparue courant 2004, s'en inspire ouvertement.
L'habitacle de cette 2+2 reste en revanche fidèle à celui de la 964, avec une planche de bord simple, rationnelle et ergonomique allant à l'essentiel. Sans détour, la 993 affiche les informations vitales pour le conducteur à travers 5 cadrans circulaires très lisibles, le principal étant le compte-tours (zone rouge à 7000 tr/mn).
Il est vrai que le Flat 6, toujours refroidi par air, affiche une belle santé en conjuguant du couple à bas régime et des envolées lyriques haut « dans les tours ». Pour en profiter pleinement, sachez que l'auto adopte d'office une boîte mécanique, commandée par tringle, affichant désormais 6 rapports (comme la boîte Tiptronic dotée d'un mode automatique, moins convaincante à l'usage).
Au fil de sa carrière, la puissance de ce 6 cylindres à plat 3.6 ne cessera de grimper puisqu'il affichera, comme sur notre modèle d'essai 272 ch, puis 285 ch (avec l'apparition du Variocam) et même 300 ch sur les ultimes versions S, après une augmentation de la cylindrée à 3.8 litres.
Fin 1994, la Carrera 4 à transmission intégrale fera son apparition (reconnaissable à ses clignotants blancs), puis dès fin 1995 la Targa (avec un toit coulissant en verre), et la Carrera 2S et Carrera 4S (look de la Turbo, mais sans aileron). D'autres versions, nettement plus sportives, seront proposées, comme la Turbo dès fin 1995 (408 ch), puis la Turbo S (450 ch), et même en 1996 une RS 3.8 dépouillée, pour les sportifs purs et durs (300 ch).
En 1997, les dernières 993 voient leurs boîtes mécaniques évoluer (pour répondre aux normes anti-bruit), puis la 911 évolue encore plus radicalement à la fin de cette même année, à travers la génération 996. Cette fois, l'avant perd de son identité en s'inspirant du Boxster et le Flat 6, bien que plus puissant encore (320 ch), est refroidi par eau. Une page est tournée : celle de la « vraie » 911 !
Identification
Pour identifier l'auto il vous faudra ouvrir le coffre situé… à l'avant ! Le numéro de châssis (qui doit être identique à celui inscrit sur la carte grise) est frappé sur le support droit du carter de ventilateur. Ce même numéro se retrouve collé sur la face intérieur du capot avant, vers le dispositif de verrouillage, mais aussi dans le même compartiment, sous le tapis de sol, au bas de la partie gauche du pare-brise. Enfin, une plaque signalétique est présente sur le montant de la serrure de la porte de droite.
Structure, châssis et carrosserie
La Porsche 911 Type 993 s'en remet à une classique coque autoporteuse en acier, comme ses ancêtres. Si des problèmes de corrosion sont fréquents sur les modèles plus anciens (tour de lunette arrière et avant), le 993 n'a qu'une seule vraie faiblesse (assez rare cependant) : de la rouille peut apparaître dans les angles de pare-brise (à l'avant et autour de la lunette arrière, vers les joints). Ouvrez le capot avant, pour vous plonger dans compartiment du coffre afin de soulever les moquettes pour inspecter l'état de la coque.
Si l'auto a été accidentée (et mal réparée), vous verrez des pliures suspectes vers le bas de la roue de secours (et sur les flancs intérieurs des ailes). Auscultez bien aussi le bac de la batterie, qui peut être endommagé par des pertes d'acide (avec de la corrosion plus ou moins superficielle à la clef).
Enfin, si de nombreuses pièces sont interchangeables d'une 911 à une autre, chose fréquente sur des modèles anciens qui ont été « rajeunis », cela ne concerne heureusement pas la 993, trop spécifique… et encore assez récente ! Pour finir, vérifiez bien l'état de la carrosserie, car celle-ci est très vulnérable (portières, rebords des ailes), mais aussi l'état des boucliers. Ces-derniers, en matériaux composites, sont peints couleur carrosserie, et celui situé devant est très exposé aux agressions diverses (gravillons, moustiques…).
D'origine, et bien entretenue, la Porsche 993 présente une peinture impeccable, présentant un bel effet de brillance, avec un ajustage minime entre les divers panneaux de carrosserie. Bien sûr, un état extérieur moyen est un critère à prendre en compte pour faire baisser le prix (une aile avant coûte 973 €, un phare 476 €)… ou aller voir ailleurs (l'auto n'est pas rare !).
Moteur
C'est l'âme de la voiture. Réputé très fiable et relativement sobre en carburant (par rapport à ses performances !), ce 6 cylindres à plat de légende réclame cependant, comme toute mécanique, un entretien suivi par le réseau (ou de bons spécialistes), pour donner le meilleur de lui même.
Contrairement aux Ferrari, les Porsche 911 accusent généralement de forts kilométrages, signe de leur fiabilité. A ce propos, mieux vaut s'orienter vers un modèle en parfait d'origine affichant même un fort kilométrage, que sur une 911 à l'historique flou, dépourvue de facture.
Au cours de la carrière de la 993, le Flat-6 3.6 ne cessera de se bonifier, pour afficher toujours plus de puissance… et d'agrément ! D'une puissance initiale de 272 ch, il fera un bond à 285 ch (en 1996), avec l'inauguration du fameux système de distribution variable Variocam, optimisant le couple et les consommations en fonction du régime moteur.
Un peu plus tard, ce même bloc développera 300 ch sur la RS, allégée de 100 kg, avec à la clef une augmentation de la cylindrée à 3.8 litres, Bien sûr, comme toutes les 911, la Porsche 993 donne aussi le choix vers des versions encore plus sportives comme la Turbo (450 ch).
A noter : sur toutes les versions, un système hydraulique gère le fonctionnement des soupapes, ce qui se traduit par des coûts d'usage légèrement inférieurs à ceux d'une 964.
Pour garantir une bonne longévité, il est vital de laisser chauffer la mécanique avant de « tirer » dessus (au moins 30 km à 3000 tr/mn maxi) et d'y mettre une huile d'excellente qualité (fuyez les promos attractives des centres auto !).
Aussi, quelques dysfonctionnements du faisceau moteur sont connus, problème pris en charge à 100% par l'usine. Enfin, il est fréquent que quelques suintements apparaissent au niveau du carter, ce qui n'a aucune incidence sur la santé de la mécanique (dans des proportions raisonnables).
Suspensions et trains roulants
La Porsche 993 bénéficie d'un amortissement assez ferme, pour contenir les prises de roulis dans les virages, mais l'ensemble séduit par son compromis confort/tenue de route. Bien sûr, les amortisseurs doivent être changés régulièrement (60 000 km environ), surtout si l'auto connaît une conduite sportive et les trains doivent être réglés tous les 20 000 km (sinon, risque d'usure prématurée ou irrégulière des pneus).
Sur cette version, l'essieu arrière entièrement repensé (à bras multiples), composé à 42% en aluminium, garantit une bien meilleure tenue de route que par le passé (chose encore plus probante avec la Carrera 4). Pour plus d'efficacité encore, l'auto pouvait recevoir, en option, un châssis sport surbaissé de 10 mm à l'avant et de 20 mm à l'arrière avec des ressorts plus courts et plus fermes, des barres stabilisatrices renforcées et un réglage spécial des amortisseurs.
De quoi améliorer encore la vivacité et la maniabilité, mais le confort en prend un sérieux coup ! Enfin, la Porsche 993 adopte d'office de belles jantes en alliage de 16' de style Cup, assez exposées aux chocs lors d'un créneau mal négocié par exemple (jantes de 17' en option). Vérifiez bien l'état des rebords.
Freinage, direction et pneus
Une Porsche 993 est une vraie sportive, qui freine fort… et longtemps ! Une rare faculté sur une auto de série qui permet de passer, sans appréhension dans la journée, de la route au circuit, même si dans ces dernières conditions extrêmes, tout s'abîme très vite (freins, pneus, plaquettes…).
La longévité du système de freinage (à étriers fixes à 4 pistons et disques ajourés et ventilés) dépend surtout de l'utilisation qui est faite de l'auto (de 60 000 à 80 000 km). Pour information, ces « périssables » ne coûtent pas très chers : comptez 150 € pour un disque et 135 € pour le jeu de 4 plaquettes (et un peu plus pour une Carrera 4, équipée de disques majorés à l'arrière).
Les pneumatiques reviennent en revanche plus chers, ceux situés à l'arrière ayant tendance à partir en fumée plus rapidement que ceux placés à l'avant (c'est une propulsion !). A l'avant, la 993 reçoit des 205/55 ZR 16 et des 245/45 ZR 16 à l'arrière, forcément plus chers à remplacer (avec du 17', voire même 18' en option). Le prix varie bien sûr en fonction du manufacturier, mais comptez près de 250 € pour un pneu de bonne qualité, « détail » à ne pas négliger sur une telle auto ! Leurs remplacements est à prévoir tous les 50 000 km (et moitié moins pour l'arrière).
Enfin, si conduire une 911 pour la première fois peut dérouter le non-initié (caractère survireur, mouvement de « balancier » dans la direction), sachez que l'auto offre cependant un bon feeling de conduite, avec un train avant précis et agile. A ce sujet, si vous avez une perception de « tête chercheuse » au niveau de la direction (assistée), n'hésitez pas à faire régler le train avant auprès d'un spécialiste.
Habitacle et finitions
L'état de l'habitacle est un bon révélateur du niveau d'entretien de la voiture. Avec le temps, il se peut que la partie supérieure du tableau de bord se craquelle à cause du soleil, bien que celle-ci soit gainée de cuir. Sinon, l'ensemble présente bien (l'intérieur « tout cuir » est en option), et les assemblages du mobilier sont de bonne facture, laissant présager une bonne tenue dans le temps.
Bien sûr, les teintes claires sont plus salissantes (et vulnérables) que les teintes foncées. Pour la version cabriolet, vérifiez bien que le mécanisme de la capote électrique soit parfait, ainsi que l'étanchéité (coupe-vent en option). Même vérification à faire pour le Targa, équipé d'un toit électrique panoramique en verre, de toute beauté. Enfin, d'une manière générale, sachez que la 993 offre un confort très appréciable, avec un équipement de série très complet (ABS, double airbags, climatisation, vitres et rétros électriques, sièges électriques, lave-phares, radio-CD avec 6 HP, ordinateur de bord, verrouillage centralisé, alarme, essuie-glace arrière …).
Les options, très nombreuses (régulateur de vitesse, toit ouvrant…), permettaient de personnaliser l'habitacle, et une 993 « full options » sera, à juste titre, un peu plus cher qu'un modèle équivalent « standard ».
Prise en main
Le démarreur, situé à gauche du volant, indique déjà que vous n'êtes pas dans l'auto de Monsieur tout le monde. Au premier coup de clef, le 6 cylindres s'anime accompagné d'une sonorité unique, à la fois rauque et métallique. Une fois que la bête s'est échauffée, la boîte mécanique à 6 rapports, parfaitement guidée et étagée, devient enfin agréable à manipuler et le flat 6 ne ronronne plus : il rugit sa rage de vaincre. Au delà des 4500 tr/mn, ce moteur souple et coupleux dévoile sa véritable personnalité. Ca pousse vraiment fort, et plus l'auto prend de la vitesse, plus le train avant a tendance à s'alléger.
A chaque grosse accélération (0 à 100 km/h en 5,6 sec), c'est la même ivresse : l'arrière s'écrase au sol, tandis que l'avant, dressé vers le ciel, fonce vers l'horizon ! Le réservoir étant placé à l'avant, ce phénomène ne s'arrange évidemment pas au fil des kilomètres. Moins il y a de carburant dans le réservoir de 75 litres, et plus le train avant se déleste. Il faut donc impérativement s'appliquer à « poser » l'auto à chaque entrée de courbe au freinage, puis enrouler le virage sur un filet de gaz pour mieux ré-accélérer en sortie.
Mieux vaut suivre à la lettre ce mode d'emploi afin de limiter les transferts de masse de cette « tout à l'arrière », friande des survirages, en particulier sur sol humide. Dans le cas contraire, il est inutile de vous élancer dans un « run » sous peine d'aller embrasser un platane ! Soyons clair : cravacher une Porsche 993 se mérite, et il ne suffit pas de signer un gros chèque pour que cette diva mécanique vous livre tous ses secrets. La 911 est en effet pointue à piloter à la limite, et elle demande à ce titre beaucoup de « métier » (un peu moins sur la Carrera 4, qui pardonne beaucoup grâce à sa transmission intégrale). Mais c'est aussi pour ce caractère entier, très exigeant, qui s'adresse d'abord à « ceux qui savent », que la Carrera est adulée : avec elle, on ne triche pas !
Cela étant, tout est relatif, car par rapport à ses devancières, la 993 est beaucoup plus accessible sur le plan de la conduite. Et en usage « routier », en restant raisonnable, le comportement reste très sécurisant, y compris à vive allure. Le plus jouissif reste sans doute ses capacités de relance à 200 km/h. Un coup de gaz, et voilà que ça repart de plus belle (270 km/h maxi !).
Au final, la 993 n'est certes pas aussi enthousiasmante à conduire qu'une italienne de feu, et elle n'offre pas le charme d'une belle anglaise. Mais cette allemande construite pour durer offre un peu des deux, et cette rare polyvalence, associée à une fiabilité connue et reconnue en fait une auto à part : la Porsche 911 !
Budget d'entretien et cote
Ne mégotez surtout pas sur le prix de l'auto à la base, pour mettre toutes les chances de votre côté. La 993 est l'ultime vraie 911 à peu près abordable, recherchée à la fois par les puristes et les néophytes, et elle reste à ce titre très recherchée. Aussi, un prix anormalement bas doit vous inciter à la plus grande vigilance, tout comme un modèle en provenance d'Allemagne ou du Benelux, affichant de surcroît peu de kilomètres !
Le kilométrage n'a pas grande importance, dans la mesure où c'est l'état général de l'auto qui doit primer, mais aussi son historique (privilégiez un modèle d'origine française). Il est indispensable de pouvoir vous assurer que l'entretien a bien été effectué régulièrement, par des spécialistes de la marque, ou mieux encore, par le réseau.
Une auto saine et bien entretenue ne vous coûtera pas très chère en entretien (prévoir 600 € pour 15 000 km, hors essence). Au contraire, un exemplaire ayant été négligé (ou à l'historique pas net) doit être écarté d'office (gros frais à prévoir !). Enfin, les variantes (et les options !) étant nombreuses (de la simple Carrera à la RS en passant par la Turbo), les prix varient du simple… au double (voir plus !).
En se limitant à une belle Carrera (2 roues motrices) de 272 ch « standard », déjà très suffisante au quotidien et pas trop gourmande en carburant (12l/100 km en moyenne), prévoyez tout de même 34 000 € pour un modèle approchant les 100 000 km. A noter : les versions équipées de la boîte Tiptronic, un peu moins performantes (et agréables à conduire), mais aussi plus gourmandes en carburant, subissent une décote plus prononcée.
Merci à Dominique Desbordes pour sa disponibilité et le prêt de sa superbe 993 C2, ainsi qu'à Michel Nourry, spécialiste des Porsche, pour ses conseils avisés.
Note au lecteur : ce guide ayant été publié le 06/02/2008, les prix indiqués pour les pièces et la côte des véhicules risquent de ne plus refléter l'état actuel du marché.