Acheter une LANCIA Fulvia HF
Didier Lainé le 26/02/2003
Comme d'autres Lancia auréolées de gloire, la Fulvia HF cache bien son jeu.
Initiation à l'espèce
Sa mécanique "pointue" fait toujours un peu peur. Et explique en partie pourquoi sa cote actuelle ne rend pas justice à son pedigree sportif. Quoiqu'on en pense, la plupart des amateurs d'anciennes préfèrent payer plus cher un cabriolet MG B beaucoup plus répandu. L'exact "contraire" d'une Fulvia HF qui reste une pièce d'exception.
Ne nous trompons pas de genre : cette Lancia surdouée n'est certes pas une voiture "facile" à collectionner. Ses formes presque graciles se gardent de verser dans le registre de l'agressivité gratuite prônée par de nombreux coupés sportifs de l'époque. Tout l'art de privilégier le fond à la forme, en somme. Et de cultiver les signes de reconnaissance que le commun des mortels est incapable de décoder. Comme ce sigle "HF" (pour "Haute Fidélité", cette déclaration de foi cimentant l'attachement à la marque des fondateurs de la célèbre écurie "Squadra Corse") qui rappelle la noblesse de sang des modèles ainsi baptisés. Et fait référence à une longue série de participations victorieuses en rallyes, sous l'égide de Cesare Fioro ou Luca di Montezemolo qu'il n'est nul besoin de présenter aux fidèles abonnés de Motorlegend.
De fait, l'histoire de ce petit coupé aussi brillant qu'introverti est avant tout une histoire d'hommes. Des hommes aussi compétents qu'Antonio Fessia (son concepteur attitré auquel on doit encore la Flaminia et la Flavia) ou Sandro Munari, dans un autre registre. Le premier lui a donné vie, le second a donné un sens à sa vie. Munari mais aussi Kallström ou Lampinen, en d'autres termes, le "gratin" du championnat du monde des rallyes. Il en reste quelque chose : des coupes à foison, un titre international (en 1972) mais aussi un "parfum" caractéristique. Au volant d'une Fulvia HF, ce n'est pas tout à fait le "même voyage". Sa race est indiscutable et son tempérament incomparable. Autant de bonnes raisons qui justifient qu'on la privilégie en collection en se préparant, d'avance, à la traiter comme elle le mérite. Et lui offrir régulièrement sa ration de routes sinueuses en lui épargnant les bouchons du dimanche soir. Info gratuite : cette Lancia est un pur-sang, pas une bonne à tout faire...
Prise en main
Fulvia 1,6 l HF
Compacte et relativement légère, la Fulvia 1,6 l HF surprend encore aujourd'hui par son agilité. C'est là sa qualité maîtresse et c'est bien ce qui fait d'elle l'une des meilleures Lancia d'après-guerre. L'une des plus expressives, l'une des plus attachantes aussi…
Très bien guidé, le train avant permet de «placer» idéalement la voiture en courbe et son comportement apparaît neutre en toutes circonstances, un léger sous-virage pouvant être facilement contrôlé à l'accélérateur. Assise sur des suspensions plutôt fermes, la Fulvia s'accroche à sa trajectoire avec ténacité et procure une agréable sensation de sécurité, notamment par temps de pluie ou sur la neige où ses étonnantes capacités routières se conjuguent au plus que parfait. Maniable et vive, elle garantit un plaisir de conduire «authentique» à qui sait la manier comme il convient. Cette sportive de la meilleure veine se passe fort heureusement de toute assistance électronique et permet ainsi de « vivre » la route en direct en tirant le meilleur parti de son équilibre et de son homogénéité.
Le plaisir avant le confort
Revers de la médaille, le confort à bord a été quelque peu sacrifié à l'essentiel. Le niveau sonore apparaît assez élevé et les commandes plutôt fermes. Freins, direction et boîte ont été conçus dans la perspective d'une utilisation sportive et, en ville, la voiture peut sembler un peu fatigante à manœuvrer à petite vitesse. Les siéges avant tiennent bien le corps (on oubliera la symbolique banquette arrière qui ne sert pas à grand chose, si ce n'est en dépannage) mais il ne faut évidemment pas en attendre le moelleux des «fauteuils» de la DS.
Quant au moteur, son rendement élevé et son couple haut perché imposent de jouer souvent de la boîte. La plage de régime est assez réduite et c'est surtout à partir de 4000 tours/minute que les chevaux trouvent à s'exprimer pleinement. Une fois ce seuil atteint, le V4 se réveille et sa complainte aiguë devient de plus en plus présente à l'intérieur. Mais les chiffres d'accélération témoignent d'une belle santé de la mécanique qui sait offrir beaucoup avec une cylindrée plutôt réduite. 30 ans après ses grands moments de gloire, la Fulvia HF demeure toujours aussi attachante à «piloter». Telle est bien sa vocation essentielle, sa mission prioritaire. Inutile, donc, de lui infliger de trop monotones rubans d'autoroute ou des traversées de ville fastidieuses. Son domaine de prédilection se confond avec le réseau «secondaire» où elle fait toujours merveille. Accessoirement, on peut voir en elle une formidable «école de pilotage». Reste à choisir parmi les meilleurs rallyes VH du moment ceux qui conviennent à sa vraie nature…
Moteur / transmission
Avant l'achat : ce qu'il faut contrôle
L'acquisition d'une Fulvia HF requiert un minimum de connaissances techniques. Et quelques vérifications méticuleuses au préalable. Car la valeur d'une HF en collection est, bien sûr, fonction de son degré d'authenticité. Voiture de connaisseur, sa grande rareté ne génère cependant pas une cote très élevée. Mieux vaut en conséquence privilégier le meilleur et délaisser les exemplaires en état médiocre dont la réfection risque de se révéler ruineuse...
Moteur
Concluant l'évolution du V4 conçu spécifiquement pour la série Fulvia, les moteurs montés sur les Fulvia HF (1216, 1298 ou 1584 cm3) présentent bien des caractéristiques communes : culasse unique en alliage léger et deux arbres à cames en tête entraînés par chaîne. Ce V4 ultra-compact offre un appréciable rendement au litre (de l'ordre de 70 chevaux sur la HF 1,6 l) et son couple maxi atteint 15,6 m/kg à 4500 tr/mn sur la version 1600. Aujourd'hui encore, ces valeurs apparaissent tout à fait estimables. De l'avis des spécialistes du modèle, les groupes dont profitent les versions HF se révèlent beaucoup plus fiables qu'on ne le dit et certaines Fulvia ont d'ailleurs franchi le cap des 200.000 kilomètres sans réfection moteur. Condition sine qua non, l'entretien doit être scrupuleusement suivi et confié à un atelier "compétent" (vœu pieux…). Moyennant une vidange tous les 5000 kilomètres, une vérification périodique du niveau (le V4 peut en effet consommer plus d'un litre d'huile aux 1000), un lubrifiant de qualité supérieure (indice recommandé : 15-50 voire 15-60) et un réglage de l'allumage et des deux carbus Solex (opération délicate) tous les 10.000 kilomètres, on peut espérer faire durer le plaisir assez longtemps. Mais les meilleures choses ont tout de même une fin. Ces moteurs assez pointus ont en effet tendance à "dévorer" leurs soupapes et un allumage déficient (attention aux réglages trop "riches") peut avoir raison avant terme des pistons. Le joint de culasse peut également souffrir de coups de surchauffe répétés. La meilleure façon de retarder ces échéances consiste surtout à laisser la mécanique monter en température et ne pas lui demander d'assurer un service quotidien au milieu des encombrements. A noter que les pièces mécaniques se font rares mais on peut encore trouver l'essentiel chez les spécialistes.
Transmission
Toutes les Fulvia HF sont dotées d'une transmission tirant assez court, ce qui rend la voiture plutôt bruyante à grande vitesse. La version 1600 dispose heureusement d'une boîte à 5 rapports, ce qui soulage un peu le moteur sur autoroute mais à l'abord de la vitesse maxi, l'aiguille du compte-tours a tout de même tendance à pénétrer souvent dans la zone rouge. Plutôt ferme dans son maniement et handicapée par des débattements un peu longs, la transmission demande un certain temps d'adaptation et il ne sert à rien de brusquer ses synchros, surtout à froid. Avec le temps, c'est le synchro de seconde qui apparaît le plus vulnérable mais ce symptôme d'usure peut aussi trahir une manipulation désinvolte du précédent propriétaire. A ce détail près, la boîte se révèle assez solide mais, tout comme le moteur, sa longévité dépend essentiellement d'une utilisation "respectueuse".
Carrosserie / habitacle
Suspensions/freins
Sur la Lancia Fulvia, l'architecture du train avant fait appel à une double triangulation et un ressort à lames transversales. Plus «rustique», l'essieu arrière demeure rigide et s'accommode de ressorts semi-elliptiques. Cette conception fait merveille à l'usage si l'on fait abstraction du confort des passagers. Plutôt fermes, les suspensions garantissent une excellente précision de guidage et un minimum de roulis. La version 1.6 HF profite en outre d'un léger carrossage négatif à l'avant ( -1°) et de jantes larges de 14 pouces (à partir de 1970) qui contribuent à "l'asseoir" mieux encore. Au fil des kilomètres, les silent-blocs ont toutefois tendance à s'user prématurément, ce qui occasionne des vibrations désagréables et dénature progressivement le comportement. Traction assez typée, une "bonne" Fulvia HF doit "coller" au bitume comme si elle était fixée sur des rails et toute sensation d'imprécision est à mettre au compte de suspensions fatiguées nécessitant une réfection sans délai. Le système de freinage (disques sur les 4 roues avec double circuit) se révèle tout aussi efficace. Surtout sur la deuxième série 1600 qui bénéficie d'étriers renforcés. En toutes circonstances, ce système garantit des distances d'arrêt sécurisantes que peuvent envier bien des voitures de sport issues de cette époque...
Carrosserie/structure
Ce n'est pas une découverte : la caisse des Fulvia est assez vulnérable à la corrosion mais on a connu pire dans la production italienne. Si certains exemplaires ont été miraculeusement épargnés, la plupart des Fulvia HF "survivantes" ont été refaites au moins une fois en carrosserie. Tout dépend par qui et comment. En général, une restauration médiocre laisse très vite réapparaître des traces de corrosion au bas des ailes, sans oublier les bas de caisse, les passages de roue et les planchers. Mais ce sont surtout les soubassements qui "travaillent" le plus et notamment le "faux" châssis avant faisant office de berceau. Très sensible à la corrosion, cet élément porteur est souvent ravagé par la gangrène, au point de menacer toute la structure antérieure. Plus "artisanale" à bien des égards, la Fulvia Sport1600 Zagato dérivée souffre en outre de problèmes d'étanchéité (les ouvrants étant souvent mal ajustés) et sa réfection s'avère toujours onéreuse. Quelle que soit la version considérée, les panneaux de carrosserie sont difficiles à trouver et il faut souvent en passer par le marché de la pièce d'occasion. En tout état de cause, le coût d'une restauration effectuée dans les règles peut dépasser sensiblement la valeur du modèle sur le marché actuel. Il ne peut donc s'agir que d'un investissement à long terme.
Habitacle/finition
LLa finition des Lancia de cette époque tient généralement mieux la distance que celle de la génération suivante, les contrôles de qualité étant devenus plus "laxistes" dans l'intervalle (les comptables du groupe Fiat qui avait acquis Lancia en 1969 y étaient certainement pour quelque chose...). Plutôt accueillant, L'habitacle des coupés Fulvia témoigne d'un louable souci de raffinement. Les garnitures d'habillage (skaï, tissu ou cuir selon les versions) semblent avoir été soigneusement ajustées et le dessin de la planche de bord comme son revêtement en bois satiné agrémentent sensiblement la vie à bord. Il faut le savoir, les pièces de finition ou d'accastillage deviennent de plus en plus difficiles à trouver et il est donc préférable de privilégier une voiture complète au stade de la recherche.
Notre avis
La plus représentative de l'espèce n'est autre que la version1,6 HF "Fanalone". Sa rareté (1258 exemplaires fabriqués) en fait une pièce d'exception et son esthétique très «connotée» rappelle les Fulvia HF de la Squadra Corse. On peut éventuellement pousser le jeu en lui offrant une préparation moteur conforme à l'époque (moteur type "1016" avec arbres à cames et pistons spéciaux) permettant d'escompter plus de 130 ch au banc. Idéal pour passer un bon moment dans le Turini ou dans les Alpes ...
La Fulvia en chiffres
Points de repère (versions HF)
Printemps 1965 : Lancement du coupé Fulvia 1, 2 l. 1216 cm3, 80 ch DIN, 160 km/h.
Automne 1965 : Lancement du coupé Fulvia Sport Zagato dérivé. 80 ch, 170 km/h.
Janvier 1966 : Présentation du coupé Fulvia HF 1,2 l. 88 ch DIN, 165 km/h.
Mars 1967 : Coupé Fulvia Rallye 1,3 l HF. 1298 cm3, 101 ch DIN, 175 km/h.
Automne 1968 : Coupé Fulvia Rallye 1, 6 l HF. 1584 cm3. 114 ch DINCarello, calandre trapézoïdale, jantes alliage de 13'‘et carrosserie sans pare-chocs.
1970 : Fulvia 1600 HF "série 2. Double rangée de grilles d'aération inférieures, jantes alliage de 14'', équipement amélioré. Pare-chocs montés en série.
Octobre 1971 : Fulvia Zagato 1600 Sport : même moteur que 1600 HF. 190 km/h.
Janvier 1973 : Fin de production du coupé Fulvia HF.
Chiffres de production
Coupé HF 1,2 l (1966-67) : 435 ex.
Coupé HF 1,3 l (1967-69) : 882 ex.
Coupé HF 1,6 l Fanalone : (1969-70) : 1258 ex.
Coupé HF 1,6 l Lusso (1970-73) : 3690 ex.
Coupé 1600 Sport Zagato (1971-72) : 800 ex.
Le prix des pièces (moyennes indicatives)
Disque de frein (réfection) : 80 € l'unité.
Disque d'embrayage : 65 €.
Cardan : 120 € l'unité.
Pompe à eau : 110 €.
Aile avant : 400 € env.
Capot moteur en alu (d'occasion) : 275 €.
Pare-brise : 245 €.
La Cote de Motorlegend
(valeurs applicables à des exemplaires en parfait état général et strictement conformes à l'origine)
Coupé HF 1,2 l : 11 500 €.
Coupé HF 1,3 l : 12 500 €.
Coupé HF 1,6 l Fanalone : 20 000 €.
Coupé HF 1,6 l «Lusso» : 12 000 €.
Coupé Sport 1600 Zagato : 14 000 €.
Numéros de série
Coupé HF 1,2 l : à partir de 818.140.
Code moteur : 818.140
Coupe HF 1,3 l : 818. 340/341.
Code moteur : 818. 340
Coupé HF 1,6 l 1ére série : 818.540/541.
Code moteur : 818. 540
Coupé 1,6 l HF 2éme série : 818.740/741.
Code moteur : 818.540
Note au lecteur : ce guide ayant été publié le 26/02/2003, les prix indiqués pour les pièces et la côte des véhicules risquent de ne plus refléter l'état actuel du marché.