Acheter une JAGUAR XK8
Thomas Riaud le 29/10/2007
Belle, performante et luxueuse, la racée Jaguar XK8 se pose bel et bien comme une automobile d''exception, et ce, quelque soient les versions.
Historique
Chez Jaguar, le coupé sportif de caractère (toujours décliné en cabriolet) est une tradition remontant à la sculpturale XK 120, au début des années 50. La suite est jalonnée de véritables joyaux de la couronne, avec la féline Type-E dans les années 60, la baroque XJS dans les seventies et la… XK8.
Un modèle phare dans la production du constructeur de Coventry lancé en octobre 1996 (et proposé en cabriolet dès 1997), qui marque le fruit de son union forcée avec le géant américain Ford. Rassurez-vous, le meilleur de Jaguar est préservé, avec une ligne sensuelle tout en rondeurs, évoquant la célèbre Type-E.
Bien sûr, l'habitacle reste fidèle aux fondamentaux de Jaguar, en tapissant chaque centimètre carré de cuir et de boiseries précieuses. Sous le capot, ce félin ronronne de plaisir avec un onctueux V8 4.0 de 293 ch (poussé à 304 ch dès octobre 2002 et même 406 ch à l'aide d'un compresseur sur la « R »).
Mais la tradition n'a pas que du bon... Ainsi, les réels défauts reprochés à Jaguar dans les années 70-80 (électricité fantaisiste, fiabilité hasardeuse…) ne sont ici plus que de mauvais souvenirs. Cette rigueur de construction imposée par Ford, tendant vers le « zéro défaut », permet donc d'envisager sereinement l'achat en occasion de cette belle GT, parfaite pour… filer à l'anglaise !
Mais avant de « craquer », il convient de savoir à quoi s'attendre, car on n'achète pas une Jaguar XK8 comme un coupé Mercedes ou BMW. Comprenez par là qu'en dépit d'un agrément de conduite certain, cette Jaguar performante n'est pas pour autant une sportive accomplie, ni même très rationnelle à l'usage. Normal après tout, c'est une anglaise !
Ainsi, au chapitre des critiques, on notera une finition encore perfectible, mais aussi une souplesse chronique des suspensions mettant à mal cette lourde propulsion lors des changements d'appuis rapides, ou encore une habitabilité étriquée en dépit d'un encombrement important (c'est une 2+2 et non une 4 places !), sans parler de l'ergonomie, assez… particulière.
Des défauts qui s'avèrent être des qualités, si l'on se réjouit que Jaguar défende avec brio une certaine philosophie de la « GT à l'anglaise ». Dès lors, si vous acceptez ces travers, c'est que vous êtes « mûr » pour passer à l'action. Suivez ce guide !
Identification
Sans rien connaître aux voitures, le néophyte identifie immédiatement la Jaguar XK8 comme étant une GT de nationalité britannique. S'il n'y connaît rien, il peut la confondre avec une Aston Martin (il y a pire comme comparaison), et avec un minimum de discernement, il reconnaîtra sans peine la « griffe » de Jaguar à travers cette ligne féline et élancée. Une vraie sculpture sur 4 roues, d'une beauté intemporelle.
La XK8 affiche cette élégance « so british » en version coupé, comme en cabriolet, très classique avec sa capote en toile souple (manœuvrée électriquement tout de même). Une sobriété qui se retrouve aussi sur la « R », reconnaissable à sa grille de calandre « grillagée », ses ouïes creusées dans son long capot et à ses 4 sorties d'échappement.
En octobre 2002, puis en avril 2004, un léger restylage a été opéré. Mais comment toucher à la perfection ? Résultat, les changements sont infimes, donnant plus dans la nuance.
Lors du premier restylage, le V8 passe de 4.0 à 4.2 (et la puissance grimpe de 293 à 304 ch), et l'habitacle évolue timidement (les appuis-tête sont désormais indépendants des dossiers).
A cette occasion, la boîte ZF automatique à 5 rapports gagne une vitesse. Extérieurement, de nouvelles jantes sont proposées, les entourages de feux sont chromés et le coffre peut enfin s'ouvrir de l'extérieur, ce qui se traduit par l'apparition d'un bouton sur la malle arrière.
Lors du restylage de mars 2004, Jaguar se limite à un traitement plus « cristallin » des optiques, et l'auto reçoit des boucliers légèrement modifiés. A noter : une série limitée à 100 exemplaires baptisée Chapal, sur base de XKR (reconnaissable à sa sellerie spécifique et ses coques de rétroviseurs extérieurs gainées de cuir), a été commercialisée courant 2004, tandis qu'une série spéciale « Spirit Of Le Mans », toujours basée sur la XKR, a été introduite courant 2005.
Cette dernière se reconnaît à sa ligne à 4 sorties, ses sièges Recaro et ses énormes jantes alu de 20'.
Sinon, qu'il s'agisse d'un premier ou d'un dernier modèle (arrêt de commercialisation fin 2005), sachez que le numéro de châssis (qui doit être identique avec celui inscrit sur la carte grise), se trouve sur une plaque constructeur, fixée sous le pare-brise, côté avant droit de la planche de bord (en étant face à l'auto).
Structure, châssis, carrosserie
Classique de conception, la Jaguar XK8 reçoit une coque en acier. Au moins, en cas de léger accrochage, vous pourrez la confier à n'importe quel bon carrossier ! Une démarche à effectuer souvent si l'on n'a pas de parking privé car la belle, dépourvue de toute protection latérale, reste très exposée au moindre choc (coup de portière, caddie…). Il en va de même pour les boucliers peints couleur carrosserie (en matériaux composite), eux aussi très vulnérables en usage urbain. Privilégiez donc, si possible, un exemplaire habitué aux garages fermés en parfait état… ou négociez en conséquence le prix à la baisse !
Moteur
La « XK » porte mal son nom, car ce matricule fait référence au nom du bloc victorieux aux 24 Heures du Mans équipant la Type-D, qui était un 6 cylindres en ligne (que l'on retrouvait sur la Type-E). Ici, il y a eu inflation dans la « salle des machines », puisque l'on retrouve un gros V8 4.0 tout alu de 293 ch (poussé à 304 ch sur la version 4.2 en 2002, puis 406 ch sur la XKR).
Un moteur 100% Jaguar doté d'une distribution par chaîne réputé fiable, à condition de ne jamais le solliciter « à froid », et de suivre les prescriptions d'entretien recommandées par le constructeur (changement des bougies à… 112 000 km !). Pour évitez tout soucis, évitez tout de même le premier millésime (1996), qui a connu quelques problèmes.
Aussi, pour effectuer une simple vidange entre deux révisions (tous les 16 000 km), il convient d'éviter de confier la XK8 à un simple centre-auto. Privilégiez la maintenance dans le réseau, auprès de « gens qui savent », et mettez une huile d'excellente qualité, gage d'une bonne longévité du moteur.
Enfin, sachez que la faiblesse chronique de cette voiture reste la boîte automatique ZF (et le pont), parfois à remettre en état vers les 100 000 km. Un mal bien connu de Jaguar qui a effectué une inspection des sorties de pont (XK8 n°1531 à 6306), mais aussi une vérification du logiciel de la boîte (XK8 n°28203 à 37133). Si une intervention est malgré tout nécessaire, sachez qu'elle est facturée près de 3000 € l'unité (pièce et main d'œuvre comprises). Dans le cas où la boîte est à changer complètement, la facture s'alourdit considérablement : prévoyez 7300 € !
Suspensions et trains roulants
La XK8 est une lourde et puissante propulsion (1685 kg en coupé et 1775 kg en cabriolet), capable d'excellentes reprises (0 à 100 km/h en 6,4' avec le 4.2), mais elle n'est en aucun cas une sportive.
D'ailleurs, avec sa classique boîte automatique, une ZF en « J » à 5 rapports, très douce de fonctionnement, mais assez lente dans le passage des rapports (et dépourvue de mode séquentiel), associée à ses suspensions un peu souples privilégiant d'abord le confort, il ne peut pas en être autrement.
Ceux qui adoptent une conduite énergique le payent « cash » en changeant, rapidement, les pneumatiques (245/50 ZR 17 de série). Sinon, qu‘il s'agisse des suspensions ou des roulements, la fiabilité est au rendez-vous (changement à prévoir à partir de 100 000 km). Enfin, sachez que la « R » bénéficie d'une très efficace suspension pilotée CATS (proposée en option sur 4.0 et 4.2), et de freins majorés signés Brembo, un peu plus endurants.
Freinage, direction et pneus
La Jaguar XK8 est dotée en série de grosses roues de 17', ce qui engendre sur de petites routes des remontées dans la direction assistée, assez précise… et sensible. Pour rouler vite, mieux vaut donc quitter le réseau secondaire au revêtement hasardeux pour aller sur la voie de gauche d'une voie rapide, le domaine de prédilection de cette grosse GT, bridée électroniquement à 250 km/h (XKR compris). Mais anticiper à son volant est plus que recommandé, car le freinage, bien qu'assuré par 4 disques ventilés, manque singulièrement d'endurance.
La Jaguar XK8 (ou XKR) étant lourde (près de 1700 kg), elle a tendance à consommer plus que de raison ces « périssables » en conduite sportive, assez chers à remplacer. A titre d'information, un disque est facturé 317 € et un jeu de plaquette 119 €. A bon entendeur…
Habitacle et finitions
La Jaguar XK8, c'est d'abord une atmosphère incomparable, digne d'un salon d'ambassade avec du cuir et de belles boiseries, et un équipement de série « full option ». Rien à voir avec le côté froid et aseptisé des productions germaniques.
Mais pour avoir « la totale », il fallait encore mettre la main au porte-feuille. Ainsi, en ayant recours au pack « Classic » (facturé 7200 F à l'époque), la XK8 bénéficie en plus de jantes de 18', mais agrémente surtout son habitacle de sièges chauffants, d'un volant en cuir et en bois et d'un régulateur de vitesse (le chargeur CD et la peinture métallisée restant en option !). A première vue, la finition semble de bonne facture et la XK8 se pose résolument comme une GT de luxe.
Mais en y regardant de plus près, certains détails ternissent le tableau. Passons sur la clef de contact, identique à celle d'une banale Ford Fiesta. On pestera plus sur la présence illégitime de plastiques rigides, placés autour de la colonne de direction, ou plus massivement sur la console centrale. Ils sont inesthétiques, et de surcroît fragiles.
Il est courant qu'un élément se casse (comme la coque cachant l'articulation des sièges, placée entre l'assise et le dossier). Plus gênante reste la qualité du cuir, assez médiocre, ce qui engendre une usure prématurée. Cela est flagrant sur les parties les plus sollicitées (volant et assise du siège conducteur).
Pour en limiter les effets (visuels), mieux vaut éviter les selleries claires (havane, crème…) et choisir du noir. Aussi, les seuils de porte en inox, exposés aux passages répétés des pieds, se rayent facilement à la longue. Enfin, sur le cabriolet, le vérin hydraulique commandant le crochet verrouillant la capote électrique, a tendance à « fatiguer » au bout de 7 ou 8 ans. Une remise en état du système coûte un peu moins de 1000 € (pièce et main d'œuvre comprises).
Prise en main
Assis confortablement dans des sièges électriques au moelleux incomparable, moteur tournant au ralenti, il ne reste plus qu'à laisser glisser le levier de vitesse dans la grille du sélecteur jusqu'au « D ».
Un « D » comme « Drive » annonçant un départ imminent vers un bonheur complet pour les amoureux de belles automobiles. Sous le long capot fuselé ronronne le V8, prêt à rugir à la moindre pression sur l'accélérateur. Dès lors, le feulement policé du moteur se fait enfin plus présent, au point d'envahir harmonieusement l'habitacle, avec une sonorité flatteuse pour le mélomane. La Jaguar XK8 sort enfin ses griffes pour mordre à pleines dents l'asphalte.
L'antipatinage veille au grain et la poussée sur les roues arrière, franche et constante, vous catapulte avec conviction vers l'horizon (0 à 100 km/h en 6,4). L'aiguille du tachymètre de vitesse grimpe en un clin d'œil, de concert avec celle du compte-tours, vers des sommets faisant de vous rapidement un « délinquant routier » (250 km/h maxi).
Mais même en version « R », cette anglaise ne saurait être menée à la cravache. Là n'est pas sa tasse de thé, et si pour vous l'envie de la conduire sportivement est la plus forte, son freinage peu endurant et le flottement chronique de ses suspensions vous rappelleront à la raison (sans parler du poids !).
Cette puissance est juste là « au cas où », pour en remonter à une pseudo-GTI vous narguant depuis quelques kilomètres, ou pour effectuer un dépassement éclair en toute sécurité. En fait, la Jaguar XK8 préfère nettement la balade tranquille en « enroulant » sur le couple généreux (393 Nm à 4250 tr/mn), ou mieux encore, les voyages longues-distances dans un confort optimal sur l'autoroute.
Dans ces conditions, la seule limite reste son autonomie, très correcte vue la cylindrée du moteur, avec une consommation moyenne stabilisée à 11,4 l/100 km (près du double en ville ou en conduite sportive !).
Budget d'entretien et cote
Comme toutes les grosses cylindrées, la Jaguar XK8 est une voiture chère en neuf qui décote très rapidement, au point de devenir franchement abordable (à partir de 22 000 € en 4.0). Le rêve ? Oui, si vous trouvez une belle première main, toujours entretenue avec amour (et des moyens à la hauteur !), par le premier propriétaire.
Mais en étant à la portée de (presque) toutes les bourses, la belle anglaise peut malheureusement se retrouver entre les mains de personnes plus désargentées, qui négligeront forcément l'entretien, avec tous les risques que cela comporte (casse prématurée du moteur, etc…). Une légèreté qui se payera au prix fort par le futur acquéreur !
Pour évitez ces déconvenues, achetez un modèle d'origine française, à l'historique limpide, avec le carnet d'entretien à jour, appartenant depuis plusieurs années à la même personne. Evitez les modèles approchant les 100 000 km (boîte et/ou pont arrière souvent « fatigués »), ayant connu plusieurs propriétaires successifs sur de courtes périodes.
D'une manière générale les coupés, moins recherchés que les cabriolets (et donc bien moins chers), sont pourtant plus agréables à conduire (rigidité accrue et poids moins élevé). Si la version 4.0 est déjà très plaisante, tentez d'avoir une 4.2, plus récente et encore plus agréable à manier avec sa boîte à 6 rapports (comptez près de 30 000 € pour un modèle de 1999 avec 60 000 km au compteur, ou 40 000 € pour un exemplaire de 2004 affichant 40 000 km).
Bien sûr, avec l'exclusive « R », on change de registre pour plonger dans le très haut de gamme, avec des budgets d'entretien en conséquence (45 000 € pour un exemplaire de 2003 totalisant 55 000 km).
Sinon, en usage normal, le coût annuel moyen de l'assurance pour une Jaguar XK8 4.0 (en tous risques avec 50% de bonus) se chiffre à 1100 €, tandis que le budget « entretien » sera de l'ordre de 3800 € pour effectuer 15 à 20 000 km (beaucoup plus en version « R »). Le prix à payer pour adopter ce gros matou pas toujours très sage, mais vraiment très attachant à l'usage !
Merci à Monfort automobiles (tel : 01 34 86 00 96), spécialiste de voitures haut de gamme, qui a mis à disposition le superbe cabriolet illustrant ce dossier, qui est par ailleurs à vendre.
Note au lecteur : ce guide ayant été publié le 29/10/2007, les prix indiqués pour les pièces et la côte des véhicules risquent de ne plus refléter l'état actuel du marché.