Acheter une JAGUAR XJS 5.3 V12 H.E.
Thomas Riaud le 17/11/2017
Longtemps boudée par les puristes, la malaimée XJS revient lentement, mais sûrement, du purgatoire automobile. Pour cette ultime GT 100% Jaguar, ce qui était hier son handicap devient désormais son plus bel atout : ce style baroque, furieusement seventies !
Big cat is back !
Généalogie
Difficile de faire oublier la mythique Type-E. Ce fut pourtant la tâche ingrate confiée dès 1975 à la XJS. Le nouveau coupé de Coventry, en rupture totale avec son aïeule, cumule les erreurs. Il s'embourgeoise pour mieux séduire les USA, son marché principal, et limite l'offre à un glouton V12 5.3 de 285 ch couplé à une boîte auto à 3 rapports. Mauvaise pioche en ces temps de choc pétrolier. Pour ne rien arranger, Jaguar est intégré à la nébuleuse BMC (British Motors Corporation), ce qui se solde par une fiabilité désastreuse et une finition médiocre. Malgré de louables efforts (V12 5.3 HE de 299 ch plus « sobre » en 1981, puis 6 cylindres 3.6 en 1983 et variante cabriolet en 1988), et même quelques apparitions remarquées au petit écran (Chapeau melon et bottes de cuir), la XJS reste dans l'ombre de ses rivales (Porsche 928, Mercedes 560 SEC, BMW Série 6 puis 8.). Mais comme les grands crus, l'incomprise XJS va se bonifier au fil des ans. Ford rachète Jaguar en 1989 et va faire du « zéro défaut » son cheval de bataille. Pour la vieillissante XJS, la partie immergée de l'iceberg est le restylage en 1991 de la poupe, qui troque ses feux en « quart de brie » pour des bandeaux fumés. Tout ou presque est repensé, du tableau de bord au traitement anticorrosion, sans oublier le faisceau électrique ou la mécanique, avec l'introduction d'un inédit 6 cylindres 4.0 de 224 ch fiable, véloce... et plus sobre que le V12 (réalésé à 6.0 depuis 1989, pour 308 ch). De quoi relancer sa carrière, qui durera tout de même 21 ans ! Mais tout a une fin, et en 1996 la dernière XJS s'est est allée pour laisser place à la XK8... assez proche en apparence d'une certaine Type-E. L'histoire n'est qu'un éternel recommencement !
Identification
Le numéro de châssis de la XJS (qui doit bien évidemment être identique à celui d'écrit sur la carte grise), est frappé dans le compartiment moteur au niveau du tablier, entre les barres anti-rapprochement. Attention aux XJS V12 déguisée en « RS » ! Un code spécifique identifie les XJR-S 6.0 (SAJJSAES), code que l'on retrouve généralement dans le montant de la portière conducteur. Enfin, ces rares versions possèdent une culasse rouge signée JaguarSport.
Intérieur et équipement
Ce luxueux coupé 2+2 de 4m74 de long propose un rapport encombrement/habitabilité déplorable, tant l'espace à l'arrière est compté. La XJS a choisi son camp : privilégier les occupants à l'avant, en particulier le conducteur. Curieusement, les premiers modèles (1975-1981) disposent d'un tableau de bord tout en plastique, de qualité médiocre, et de compteurs à rouleaux. A partir de 1981, l'intérieur a enfin droit au meilleur de la tradition maison avec des boiseries, des pièces chromées, de la moquette épaisse, une belle sellerie cuir et une planche de bord plus classique. Mais outre des soucis électriques répétés (faisceau Lucas), la finition reste discutable, avec des problèmes récurrents (ciel de toit qui s'affaisse). La dotation de série, limitée sur les premiers millésimes (clim, direction assistée, cuir et vitres électrique...), s'enrichit sérieusement au fil des ans, et devient même pléthorique sur les modèles restylés (ABS, airbag, ordinateur de bord, chargeur 6 CD, antenne, vitres et rétros électriques, sièges électriques, régulateur de vitesse...). Privilégiez un modèle en parfait état (cuir, état des boiseries...), une remise en état pouvant s'avérer coûteuse.
La technique
Châssis et carrosserie
La XJS bénéficie d'une coque autoporteuse intégralement en acier, ce qui explique, en partie, son poids élevé. Plus l'exemplaire est vieux (et négligé), plus il est susceptible de rouiller, notamment au niveau du fond du coffre (bac à batterie surtout), des passages de roue (et bras de suspension arrière) et des baies de pare-brise avant et arrière (joints fragiles sur premiers millésimes). Soulevez les moquettes dans l'habitacle pour voir l'état des planchers, mais aussi les points d'ancrage des tirants de pont (et du cric avant). Si toutes les pièces sont disponibles, sachez qu'une remise en état se fera fatalement à grands frais. Sachez que les versions restylées (bandeau « fumé » à l'arrière), construites sous l'ère Ford, sont bien mieux protégées contre la corrosion (traitement plus efficace), de même que les rares versions « XJR-S », assemblées chez TWR sur une chaîne à part.
Motorisation et transmission
Qu'on se le dise : les blocs Jaguar sont fiables, que ce soient les V12 ou 6 cylindres en ligne. Il faut juste les respecter à froid, les entretenir à intervalles réguliers… et les faire rouler ! L'inaction est la pire menace pour ces moteurs (et la voiture en général). Bien sûr, sur le V12, certains coûts d'entretien sont multipliés par 2 comparé aux 6 cylindres 3.6 et 4.0 (changement des bougies...). Et cette « usine à gaz », installée au chausse-pied dans le compartiment moteur, dégage énormément de calories, ce qui peut abîmer les périphériques en plastique (durites). Pour aider le V12 à évacuer la chaleur, l'idéal est d'installer un 2ème ventilateur (inutile sur les 6 cylindres). Pour réduire les coûts, ne perdez pas votre temps dans le réseau, qui ne connaît plus rien à ce modèle trop âgé. Préférez un bon spécialiste indépendant. Une révision simple (tous les 10 000 km), avec vidange (Motul 5W40), et remplacement des filtres n'excèdera pas 500 €. Mais la grande maintenance des 80 000 km (bougies...) peut vite grimper à 1200 €. Et plus encore pour la rare variante sportive XJR-S apparue en 1988 (conçue par TWR), dotée d'un V12 6.0 inédit signé « JaguarSport » (avec une injection spécifique Zytec désormais introuvable). Côté transmission, cette lourde propulsion reçoit majoritairement une antique boîte automatique à 3 rapports, une Borg-Warner tout d'abord (réputée peu fiable), remplacée en 1979 par une Turbo Hydromatic signée GM (type 400). Il faut la vidanger tous les 50 000 km, et remplacer la crépine (comptez 500 € environ). Quelques modèles 6 cylindres ont reçu dès 1983 une boîte mécanique Getrag à 5 rapports, agréable et sans soucis. Enfin, à partir du restylage, c'est une bva ZF à 4 rapports qui a été installée, fiable et plus réactive. Dans tous les cas, vérifiez la bonne étanchéité des joints du pont arrière, en mettant l'auto sur un pont (joint de nez de pont à changer tous les 50 000 km : prévoir 320 € environ), et profitez-en pour faire tous les graisseurs, souvent oubliés (comptez 100 € environ).
Suspensions et trains roulants
Très lourde (1800 kg), cette grosse GT de 4m80 à la particularité d'avoir 4 amortisseurs à l'arrière, et d'être montée sur de nombreux silentblocs, isolant toute la caisse (à changer vers 100 000 km environ). Une XJS en bonne état ne doit pas présenter un comportement flou, ni la moindre vibration suspecte sur bon revêtement. Il en va de même de la direction, certes pénalisée par un rayon de braquage exécrable (13 m de diamètre), mais relativement précise. A ce sujet, évitez de braquer les roues à fond de butées, et plus encore de laisser garée ainsi l'auto (surpression dans le système). Côté pneumatiques, la XJS dispose sur les premiers modèles d'une monte identique à l'avant comme à l'arrière (255/60 VR 15). Le talon d'Achille de la XJS reste son système de freinage (4 disques ventilés), accolé à la boîte (de type « in-board » jusqu'en 1993), vraiment peu endurant en conduite sportive. Cette conception implique de nombreuses heures de main d'œuvre (environ 8 heures) pour remplacer les disques, puisqu'il faut tomber le train arrière (forfait de 1500 €, disques et plaquettes avant comprises, à faire tous les 60 000 km environ). L'avant, plus accessible, demande 2 fois moins de frais que l'arrière (650 € environ).
Direction, freinage et tenue de route
Assis très bas, on a une vue imprenable sur cet interminable capot, prêt à fendre les airs à plus de 220 km/h sur voie rapide. Silencieuse et performante, cette propulsion ronronne de plaisir en enroulant au couple, toujours suffisant (33,1 mkg à 4000 tr/mn). Même si l'autoroute reste son terrain de prédilection, elle sait sortir ses griffes lorsque le pied droit caresse la moquette. La boîte automatique ZF à 4 rapports, dotée d'un convaincant mode « sport », se fait plus réactive pour prodiguer des accélérations étonnantes pour un coupé de plus de 1800 kg (0 à 100 km/h en 7,9 sec). Revers de la médaille : le freinage, mis à rude épreuve, peine à stopper efficacement cet équipage (y compris sur les versions restylées). La XJS n'est en rien une sportive, mais une grosse GT faite pour rouler vite sur autoroute, dans un confort royal. Dans les courbes et virages, son comportement n'appelle aucune critique, du moins si l'auto a été bien suivie, ce qui implique la présence de silentblocs « frais » (ils sèchent à la longue) et la monte d'amortisseurs en bon état. Quant à la direction, douce et directe, elle déçoit en revanche par son rayon de braquage en ville, vraiment exécrable.
Tout savoir avant d'acheter
Fiabilité et coûts d'entretien
Une XJS négligée, ou qui est restée immobilisée longtemps, vous coûtera très cher en remise en état, sans garantie d'avoir au final un modèle fonctionnant correctement. Quitte à payer le prix fort, visez absolument un exemplaire roulant régulièrement, qui a toujours été suivi rigoureusement (les factures doivent vous permettre de retracer l'historique). Même en remplissant ces conditions, entretenir dans les règles une XJS coûte cher (révision de base à près de 1000 €, sans rien changer), les V12 étant logiquement plus onéreuses que les 6 cylindres (de 30% environ).
Maintenance classique : coûts des interventions (main d'œuvre comprise)
Intervention | Prix TTC en € | Fréquence |
---|---|---|
Pompe à eau | 1500 € | 100 000 km |
Embrayage | bva | - |
Pneus AV/AR | 1400 € pour les 4 (18'') | vers 30 000 km |
Amortisseurs AV/AR | 450 € / 450 € par train | vers 80 000 km |
Disques + plaquettes AV/AR | 650 € / 1500 € | vers 60 / 100 000 km |
Echappement (2 collecteurs) | 1200 € | vers 150 000 km |
Révision petit service | 500 € environ | tous les 15 000 km / 2 ans |
Révision grand service | 1500 € environ | tous les 30 000 km |
Les points essentiels
- Faisceau électrique Lucas souvent défaillant
- Ciel de toit qui s'affaisse (tous millésimes)
- Problème de surpression dans le système de direction assistée en braquant les roues à fond
- Fuites récurrentes du pont arrière (joint de nez de pont) et de la crépine de bva
- Corrosion fréquente sur bras de suspension arrière et baies de pare-brise avant et arrière (joints fragiles sur premiers millésimes)
- Usure précoce des durites sur V12 5.3 (surchauffe), des silentblocs et des freins
- Voiture ne supportant pas la négligence ni l'inactivité
Note au lecteur : ce guide ayant été publié le 17/11/2017, les prix indiqués pour les pièces et la côte des véhicules risquent de ne plus refléter l'état actuel du marché.