Acheter une BUICK Riviera
Gilles Bonnafous le 20/07/2001
Son design, ses performances, ainsi que son comportement routier font de la buick Riviera une vraie GT 2 + 2 à l'américaine, puissante et sportive.
Une voiture entièrement nouvelle
Comme toutes les marques de la General Motors, Buick, " la marque aux dents longues ", cultive dans la seconde moitié des années 50 un design agressif aux formes anguleuses et aux chromes menaçants, dont les appendices culmineront en 1958 dans l'ascension verticale, et en 1959 dans le registre plus original, mais tout aussi extravagant, des ailerons obliques.
Après ces délires propres aux fifties, Buick présente en 1963 une de ses plus belles créations de l'époque moderne, la Riviera, dont le design dépouillé et (relativement) discret tranche avec les excès de la période précédente.
Lancée en 1963 et conçue par Bill Mitchell, le célèbre patron du style de la General Motors, la Riviera n'a aucune relation avec les Riviera hardtop du passé, de luxueuses berlines deux portes sans montants dont la première apparaît en 1949. Entièrement nouvelle dans sa conception et son design, elle se démarque des gammes préexistantes de Buick et même de l'ensemble des productions de la General Motors. Elle a pour objectif de concurrencer la Thunderbird sur le créneau spécifique des voitures dites personal luxury, c'est-à-dire des coupés de haut de gamme à la ligne spécifique, où la Ford occupe une position de quasi-monopole.
A l'origine, la Buick Riviera se présente comme un projet (de nom de code XP-715) destiné à ressusciter la marque La Salle. Mais après le refus de Cadillac de construire la voiture, c'est, ironie de l'histoire, Buick qui récupère l'enfant. Ce détournement prend, en effet, un tour piquant quand on sait que La Salle, victime de la concurrence de Buick pendant les années trente, dut être abandonnée par la General Motors en 1940 ! Mais Buick voulait s'approprier la voiture pour s'implanter sur un marché dont la marque connaissait la potentialité.
Construite sur une plate-forme spécifique de 117 pouces d'empattement, soit 2,97 mètres, elle n'est disponible qu'en un seul modèle de coupé. Installée au sommet de la gamme Buick, la Riviera sera (sauf en 1963 et en 1965 où son prix est légèrement inférieur à celui du cabriolet Electra) le modèle le plus cher de la marque jusqu'en 1973, avant son évolution qui prendra la forme d'un abâtardissement. Sur une période de onze ans, trois générations de Riviera vont se succéder (1963-65, 1966-70 et 1971-73). La voiture connaîtra un grand succès commercial ; dépassant le modèle de la Thunderbird qui l'a inspirée, elle sera elle-même imitée, au sein de la General Motors par la Pontiac Grand Prix, et plus tard par la Chrysler Cordoba.
Design
D'une grande pureté, la ligne de la Riviera apparaît comme un des plus beaux designs réalisés sous l'autorité de Bill Mitchell - c'est Ned Nickles qui a réalisé les premières esquisses. Elle séduit par son dynamisme râblé, dont l'expressivité évoque un animal prêt à bondir. Et ses nombreux profils tranchants lui confèrent la froideur menaçante du couteau. Pour autant les imposantes proportions de la Riviera (5,28 mètres de long et un poids légèrement supérieur à 1800 kilos) ne passent pas inaperçues, et ses formes ramassées ne sont pas exemptes d'une certaine massivité. Mais le dessin est remarquable de sobriété, à l'image de la belle face arrière.
Quant à l'agressive face avant, elle reçoit en 1965 des phares rétractables dans les extrémités des ailes, qui ajoutent une part de mystère à l'esthétique de la voiture. Cet effet est souligné par l'immense grille de calandre, dont le dépouillement extrême contribue à l'expression inhumaine de ce nouveau visage. Par contre, le léger remaniement de la face arrière, qui alourdit un peu le dessin en faisant passer les feux dans le pare-chocs, paraît moins convaincant. De plus il allonge la voiture de quelques centimètres. Il n'en reste pas moins que cette première génération de Riviera demeure l'un des grands classiques du design américain de l'après-guerre.
Le luxueux intérieur flamboyant, dans la plus pur style américain coloré et voyant, nous plonge dans le monde insolite de l'esthétique d'outre-Atlantique. Pièce maîtresse de cet univers radieux et chromé, la planche de bord, prolongée par une console centrale, fait feu de ses mille reflets. Son design ultra moderne, aux lignes orthogonales d'où bondissent deux gros compteurs circulaires, est réellement impressionnant. Si les sièges en cuir, la radio et les vitres électriques font naturellement partie de l'équipement de série, la climatisation représente une coûteuse option de 350 $ (le prix de la voiture est de 4333 $ en 1963).
Un vrai coupé sportif
Lors de son lancement, la Riviera est motorisée par le V8 Buick haut de gamme de 401 c.i. (6572 cm3) dans sa version poussée à 325 ch), celle qui équipe les Invicta, Wildcat et Electra. Mais en exclusivité pour la Riviera et en option, ce moteur, réalésé à 425 c.i. (6966 cm3), fournit 340 ch. Cette version devient la monte standard l'année suivante, et elle équipe en option les Buick full size, tandis qu'une version GS " Gran Sport " apparaît en 1965 avec 360 ch. La boîte automatique à deux vitesses des débuts est remplacée l'année suivante par une Turbo-Hydramatic à trois rapports, qui altère légèrement les accélérations. Les performances sont plus proches de celles d'une Corvette que d'une Thunderbird et la voiture atteint, dans ses meilleures versions, les 200 km/h. Avec le V8 le plus puissant, les 400 mètres départ arrêté sont couverts en 16 secondes et la voiture passe de 0 à 100 km/h en huit secondes. Des valeurs tout à fait remarquables pour une voiture dont la masse n'est pas loin des deux tonnes.
Les freins à disques à l'avant, qui feront ensuite partie de l'équipement standard, ne sont pas de trop pour arrêter cette masse. Mais il convient de souligner les excellentes qualités routières de la Riviera (même si des améliorations seront apportées progressivement aux suspensions). La tenue de route, digne des performances -ce qui est fort rare sur une américaine- souligne la réelle vocation sportive de la voiture.
La Riviera subit une profonde métamorphose en 1966. Le nouveau design s'accompagne d'un remaniement du châssis dont l'empattement gagne cinq centimètres. Si elle ne manque pas d'élégance, la ligne perd une partie du caractère qui fait l'originalité de la première génération. Le mufle agressif, en particulier, a été adouci. Mais la partie arrière, très réussie et qui a évolué vers un profil fastback, dynamise l'aspect de la voiture. Surtout cette Riviera va mal évoluer, et le lifting intervenu en 1968, qui alourdit et banalise sa face avant, apparaît comme une lourde erreur. Il ne nuira en rien au succès de la voiture, puisque c'est en 1969 que la Riviera battra son record de vente avec près de 53 000 exemplaires produits.
Le Boattail de 1971
Nouvelle mue esthétique - et de quel ordre ! - pour la Riviera de 1971. A cette occasion, la voiture est encore allongée et l'empattement passe maintenant à 122 inches, soit pas moins de 3,10 mètres. Les lignes hors du commun de cette nouvelle Riviera dessinent une sculpture comme peu de voitures nous ont donné à voir, et que seul le design américain pouvait engendrer. L'auteur en est Donald Lasky, qui a remplacé David Holls à la direction du style Buick en 1968. Articulé autour d'un losange, représenté par la symétrie des deux capots pointus, le dessin d'une grande homogénéité exprime une rare force. La partie arrière fastback, qui s'achève en poupe de bateau (boattail), est un chef-d'œuvre, quoique très controversé à l'époque. Elle n'est pas sans rappeler le coupé Corvette Sting Ray de 1963. Bill Mitchell, qui tenait beaucoup à ce trait original, insista pour qu'il fût adopté. Le beau dessin du pavillon et de sa lunette arrière, ainsi que les hanches nerveuses de la voiture, lui confèrent son inimitable caractère - la voiture pouvait être équipée d'un toit en vinyle, dont l'effet est par ailleurs désastreux ! Campée sur ses larges voies, avec son allure trapue et ses arêtes vives, la voiture exprime la puissance et l'agressivité d'une machine féroce. Et ce mélange de massivité et de violence contenue évoque, particulièrement dans sa livrée noire, un taureau de combat. Le nom de Miura lui conviendrait on ne peut mieux !
C'est peu dire que la face avant est expressive. Son profil de requin, dominé par un impressionnant capot, représente une dangereuse menace pour celui qui la voit apparaître dans son rétroviseur : aucun doute, la sagesse commande de s'effacer pour libérer la voie ! Quant à la superbe face arrière, au profil concave en forme de V planté en son milieu du saisissant boattail (poupe de bateau), elle apparaît comme une provocation à celui qui vient d'être dépassé, et qui, en apercevant la calandre, n'avait encore rien vu... Par contre, l'intérieur banalisé a perdu le charme des premières Riviera, et la planche de bord a été modernisée dans le plus mauvais sens du terme.
Une fin prématurée
Produite pendant trois ans, la splendide Riviera du millésime 1971 subira ensuite un regrettable remaniement, qui verra les farouches adversaires du boattail avoir raison de cet appendice original. L'altération du design touchera aussi la face avant, enlaidie par une calandre amputée et par des clignotants plus largement dimensionnés que les phares.
Ce qui suit n'a plus rien à voir avec la vraie Riviera, celle qu'on aime. A partir de 1974, le modèle perd la spécificité de son design et se voit affublée d'une carrosserie banale, commune aux autres modèles de la gamme Buick. Sans parler de son inesthétique pavillon rapporté. Son design a perdu tout caractère sportif, à l'image de la face avant apparentée à celle d'une grande berline bourgeoise. De plus, le moteur doit abandonner une partie de sa puissance, pour se plier aux exigences de la nouvelle réglementation américaine antipollution.
Ainsi se termine l'histoire de cette voiture aussi attachante que douée d'une forte personnalité, et dont le design, comme les performances et le comportement routier, en font une grande et vraie GT 2 + 2 à l'américaine, puissante et sportive. La Buick Riviera demeure aujourd'hui le dernier grand classique de la marque à trouver sa place dans une collection.
Note au lecteur : ce guide ayant été publié le 20/07/2001, les prix indiqués pour les pièces et la côte des véhicules risquent de ne plus refléter l'état actuel du marché.