Acheter une BMW 507
Gilles Bonnafous le 11/10/2000
La légende d'une voiture se nourrit souvent de sa rareté. Si la BMW 507 relève de cet aréopage, elle affiche toutefois bien d'autres qualités, qui en font la perle des BMW d'après guerre.
Une initiative américaine
La légende d'une voiture se nourrit souvent de sa rareté. Si la BMW 507 relève de cet aréopage de grandes classiques peu diffusées, elle affiche toutefois bien d'autres qualités, qui en font la perle des BMW d'après guerre. Dérivée de la bourgeoise et très boursouflée berline 502, la 507 se proposait, au milieu des années cinquante, de conquérir l'Amérique. Lancée à l'initiative du célèbre importateur américain de BMW et Mercedes, Max Hoffman, également impliqué dans l'histoire de la 300 SL, ce modèle atypique dans l'histoire de la firme munichoise a été conçu pour mener la chasse aux dollars.
La genèse de la 507 débute par le désir de Max Hoffman de disposer sur le marché d'outre-Atlantique de deux voitures de sport équipées du V8 BMW de 3,2 litres. L'une sera construite sur le châssis de la berline 502, afin d'être prête rapidement : ce sera donc une quatre places, la future 503. Quant à la seconde, elle se voit attribuer une définition plus sportive et toute liberté de création est laissée à ses concepteurs : ce sera la 507. En fait, les deux voitures seront prêtes en même temps et elles auront la même durée de vie (1956-1959). Leur design est confié au styliste Albrecht Goertz, émigré comme Max Hoffman aux Etats-Unis et qui passera à la postérité grâce à ces deux créations.
Proposée en coupé et cabriolet 2 + 2, la 503 reçoit l'empattement de 2,83 mètres de la 502. Très luxueuse, elle bénéficie d'une carrosserie en aluminium, de vitres électriques et, pour la première fois en Allemagne, d'une capote également électrique (pour le cabriolet). Elle sera construite à 412 exemplaires (273 coupés et 139 cabriolets), malgré un prix de vente très supérieur à celui de la 507. Et à la différence de cette dernière, elle connaîtra une postérité avec le coupé 3200 CS présenté au salon de Francfort en septembre 1961. Dessiné par Bertone et carrossé à Turin, ce dernier sera produit à 537 exemplaires.
Albrecht Goertz a donné libre cours à son inspiration pour donner naissance avec la 507 à un roadster d'exception – pour lequel l'empattement de la berline a été raccourci à 2,48 mètres. Précisons néanmoins que le styliste s'est trouvé en concurrence avec le projet développé de sa propre initiative par Ernst Loof. Carrossée chez Baur à Stuttgart, la voiture de ce dernier a été proposée à BMW. Mais elle n'a pas convaincu les dirigeants de Munich, ce qui n'a rien de surprenant compte tenu de ses formes molles et disgracieuses. En septembre 1955, la 507 fait sensation au Salon de Francfort, dont elle constitue l'attraction avec la 503. Un succès qu'elle doit à sa ligne admirable. Pourtant, elle ne rencontrera pas outre-Atlantique l'accueil escompté et l'histoire de cette superbe voiture se soldera par un échec commercial. Pas plus de 254 exemplaires (et non 252 comme souvent indiqué) verront le jour entre novembre 1956 et juin 1959. Tant pis pour les abstentionnistes...
Albrecht Goertz a donné libre cours à son inspiration pour donner naissance avec la 507 à un roadster d'exception – pour lequel l'empattement de la berline a été raccourci à 2,48 mètres. Précisons néanmoins que le styliste s'est trouvé en concurrence avec le projet développé de sa propre initiative par Ernst Loof. Carrossée chez Baur à Stuttgart, la voiture de ce dernier a été proposée à BMW. Mais elle n'a pas convaincu les dirigeants de Munich, ce qui n'a rien de surprenant compte tenu de ses formes molles et disgracieuses. En septembre 1955, la 507 fait sensation au Salon de Francfort, dont elle constitue l'attraction avec la 503. Un succès qu'elle doit à sa ligne admirable. Pourtant, elle ne rencontrera pas outre-Atlantique l'accueil escompté et l'histoire de cette superbe voiture se soldera par un échec commercial. Pas plus de 254 exemplaires (et non 252 comme souvent indiqué) verront le jour entre novembre 1956 et juin 1959. Tant pis pour les abstentionnistes...
Un design de rêve
Pur roadster, la 507 apparaît comme une stricte deux places. La carrosserie en aluminium à la forme fuselée paraît plus longue qu'elle n'est en réalité avec ses 4,38 mètres. Mais le dessin suggère un tel dynamisme que, même à l'arrêt, la voiture donne une impression de vitesse. Le mouvement de vague du profil, qui s'incurve au niveau des portières, paraît ainsi très évocateur. Arc-boutée sur ses imposantes roues de 16 pouces, elle suggère le déchaînement de la puissance et des performances de bête de course, les passages de roues largement échancrés mettant l'accent sur la fonction première de la machine.
Le caractère très agressif de la face avant plongeante, en forme d'éperon, se conjugue à l'élégance de la courbure des ailes. Tout concourt à cette impression provocante, à l'image des clignotants en forme d'obus, ou du motif décorant la prise d'air du capot, qui reprend la forme de la calandre. On observera l'habileté du designer qui a réduit le porte-à-faux à sa plus simple expression. La proue se résume, en effet, à une calandre ouverte en deux immenses narines, nécessaires à la respiration du monstre que l'on imagine tapi dans l'ombre, ainsi qu'aux deux phares qui occupent pratiquement toute la surface des ailes à leur extrémité. L'effet est d'autant plus assuré que cette poupe minimale "termine" un capot qui n'en finit pas. En comparaison, la poupe cintrée paraît menue. D'autant que ses galbes, en particulier les ailes arrière rentrantes aux formes arrondies, constituent un habile contrepoint au caractère tranchant de la face avant. Occupé principalement par la roue de secours et le réservoir de carburant, le coffre à bagages, au volume extrêmement plat, ne saurait accueillir mieux qu'une petite valise. Mais foin de ces préoccupations utilitaristes, cette voiture est née pour procurer du plaisir !
La 507 qui nous a été confiée se présente dans son état d'origine. Née en 1958, elle fait donc partie des derniers exemplaires construits. En outre, elle possède son hard top, dont la ligne se fond si harmonieusement avec les lignes de la voiture. Dotées de poignées basculantes à l'image de la 300 SL, les portes donnent accès à un intérieur spacieux et confortable. Les occupants bénéficient d'une grande aisance, aussi bien aux coudes qu'au sol, où un grand gabarit trouvera facilement à allonger ses jambes. Contrairement aux boîtes de vitesses volumineuses qui constituent le troisième "passager" de nombreux roadsters, l'espace central se trouve dégagé grâce à la transmission qui fait bloc avec le moteur (une disposition que reprendra la 503 à partir de septembre 1957).
La décoration intérieure traduit un goût américain assez prononcé, qui trahit à lui seul le marché visé par les géniteurs de la 507. La sellerie en cuir rose parait aux antipodes de la sévérité propre aux créations d'outre-Rhin, et l'on remarque le luxe des très belles contreportes traitées à l'identique. Abritée derrière un pare-brise à la courbure panoramique représentative de l'époque, la planche de bord, en tôle peinte dans la couleur de la carrosserie, paraît à contrario fort dépouillée. Elle accueille un autoradio Becker d'origine, type "Le Mans", surmonté de son haut-parleur très évocateur des années cinquante. Derrière l'immense volant d'origine, aux quatre branches en forme de papillon, le tableau de bord présente deux grands cadrans circulaires, le tachymètre à gauche et le compte-tours à droite, dont la zone rouge débute à 5750 tr/mn.
L'onctuosité du V8
La 507 hérite du V 8 à 90° de 3,2 litres de la 502. De type super carré, ce bloc est entièrement réalisé en alliage léger – mais sa distribution se contente d'un arbre à cames latéral. A la différence de la berline, qui reçoit un seul carburateur double corps ( 120 ch à l'origine), la 507 bénéficie de deux carburateurs double corps Zenith. Avec un taux de compression porté à 7,8, la voiture développe 150 ch DIN. Observons que les derniers exemplaires produits de la 503 disposeront de cette même version du V8 BMW, après que le modèle a été limité à 140 ch (avec un taux de compression de 7,3). Par ailleurs, une version américaine de la 507 a été développée avec un moteur poussé à 195 ch à 5800 tr/mn (taux de compression de 9 à 1).
Une pression sur le petit bouton de couleur ivoire, situé contre la clé de contact, libère la sonorité grasse et gloutonne du V8, qui donne à la 507 un chant très américain. Il a été souvent reproché à ce moteur son manque de puissance. S'il est vrai qu'il ne saurait être considéré comme un foudre de guerre, on ne peut que louer sa vivacité, qui lui vaut d'alertes montées en régime. Le compte-tours ne demande qu'à bondir, et l'on a tôt fait de se retrouver à 5500 tr/mn. Toutefois, son atout principal réside dans sa très grande souplesse. Si le couple maximal de 24 mkg est obtenu assez haut, à 4000 tr/mn, la plus grande partie de cette valeur est disponible à très bas régime. Grâce à ses grandes ressources, le V8 BMW offre ainsi une large plage d'utilisation, et c'est à peine s'il rechigne à reprendre à 1000 tr/mn en troisième. Plus souple que le six cylindres de la 300 SL, il s'avère aussi moins pointu. Et nettement moins puissant. Par rapport à la bombe de Stuttgart, le déficit de vitamines apparaît surtout sur les hauts régimes où la 507 apparaît beaucoup moins performante. Présentées parfois comme concurrentes, les deux voitures ne jouent pas en réalité dans la même catégorie. Du reste, la 507 n'a pas eu de carrière en compétition – on l'a vue participer aux Mille Milles en 1957, mais sans résultat. Elle n'était pas née pour cela, contrairement à la 300 SL qui, elle, apparaît comme une voiture de course mise à la route.
La remarquable boîte de vitesses ZF concourt largement au plaisir que l'on prend au volant de cette voiture. D'une grande douceur, et d'un maniement toujours aisé, elle apparaît comme une merveille de synchronisation, surtout si on la resitue dans le contexte de l'époque. Sans même parler des boîtes anglaises, Jaguar notamment… En toutes circonstances, même les plus critiques, telles que les rétrogradages d'urgence à hauts régimes, elle offre sa grande docilité et sa rapidité d'exécution, ne manifestant jamais la moindre réticence. Un point critique cependant : la position de son court levier en forme de S, couronné d'un pommeau ivoire et ancré sur le côté du tunnel de transmission, se révèle peu pratique, obligeant le conducteur à se déhancher pour passer les vitesses.
Les freins de la 507 font appel à des tambours. Toutefois, quelques unes des dernières voitures construites ont été équipées de disques à l'avant. Tel est le cas de la voiture que nous avons essayée. En réalité, ces disques étaient vendus en kit (il ne s'agit donc pas d'une option à proprement parler), que le client faisait monter par son concessionnaire BMW (la transformation était gratuite).
Au volant
Bien chaussée de Cinturato 185 VR montés sur des roues Rudge à fixation centrale (une option de l'époque), la 507 affiche surtout une tenue de route digne des plus chaudes louanges. Se révélant très alerte sur parcours sinueux, malgré ses 1330 kg qui ne se sentent guère, elle est un régal à conduire. Virant très sainement et avec progressivité, bien que dotée d'un essieu arrière rigide, elle surprend par son comportement très neutre, et il faut la pousser assez loin pour que se manifeste un survirage, qui d'ailleurs reste tout à fait contrôlable. La suspension à barres de torsion longitudinales, à l'avant comme à l'arrière, révèle ici toutes ses qualités.
L'équilibre de la voiture fait merveille, la répartition des masses — avec 720 kg sur l'avant et 780 kg sur l'essieu arrière à pleine charge — n'étant sans doute pas étranger à cette qualité.
Nous avons mis la BMW à rude épreuve sur des petites routes de campagne aussi étroites que bombées et au revêtement dégradé. Même dans ces conditions difficiles, la 507 ne bouge guère et sa tenue de cap reste impeccable. De plus, nous n'avons guère constaté les tressautements et les pertes d'adhérence du train arrière, qui pénalisent habituellement les voitures équipées d'un essieu rigide. Ces circonstances nous ont également permis de vérifier que le confort restait d'un bon niveau.
D'une conception assez particulière, puisque construite en arc de cercle, la direction à crémaillère affiche une grande fermeté en manœuvres — à l'image cependant de toutes les sportives de la même époque. Mais son faible rayon de braquage assure à la voiture une grande maniabilité. Quoique assez démultipliée — trois tours et demi de volant d'une butée à l'autre —, elle fait merveille sur route. Légère, directe et d'une grande précision, elle constitue l'un des points forts de la 507.
En cette belle journée ensoleillée, la seule déception de notre essai viendra du système de freinage. La pédale s'avère assez molle et les freins, bien qu'assistés, manquent de progressivité.
Il n'y a pas d'âge pour aimer la BMW 507. Pour preuve cette charmante mamie qui, installée sur le seuil de sa porte, nous a témoigné son admiration à chacun de nos passages effectués pour les prises de vues en mouvement. Peut-être, a-t-elle su reconnaître la modernité de cette voiture qui, au milieu des années cinquante, possédait à bien des égards une avance décisive sur nombre de ses rivales sportives.
Quarante cinq ans après sa naissance, la BMW 507 offre encore le visage d'une grande routière brillante et confortable. Outre son esthétique séduisante, un de ses atouts majeurs reste assurément son comportement routier, qui procure un immense plaisir de conduite en même temps qu'un sentiment de grande sécurité. Ces qualités en font une voiture de collection au comportement très actuel, qui ne se trouve en rien dépassée dans la circulation contemporaine.
Voiture surprenante, cette BMW d'exception cache bien son jeu. Car sous un aspect de roadster sauvage qui laisse présager un tempérament de brute, elle dissimule une exceptionnelle douceur de fonctionnement. Qui constitue sa vraie personnalité. En somme, la 507 vous attire dans ses rets par ses formes suggestives et elle vous retient par ses caresses…
Quelques conseils d'entretien
Globalement fiable, la 507 ne réserve guère de mauvaises surprises. Tout au plus, relève-t-on deux points quelque peu délicats auxquels il convient de prendre garde.
En premier lieu, il faut surveiller de près la lubrification du moteur. En effet, la pression d'huile s'avérant un peu juste, on ne saurait trop conseiller de vérifier le niveau fréquemment. En particulier, faire attention aux virages à droite qui provoquent une déjauge de l'huile. Si le niveau est trop bas, cette carence peut entraîner de graves dommages au moteur…
Le circuit de refroidissement se révèle également un peu faible, d'où le risque de surchauffe dans les embouteillages. Un ventilateur électrique d'appoint apparaît donc nécessaire pour pouvoir utiliser la voiture en toutes circonstances.
Par ailleurs, la situation de la pompe à essence, placée trop près du moteur, provoque un effet de vapor lock malgré la présence d'une protection en amiante. Gare aux redémarrages difficiles…
Quant aux freins à tambours, ils réclament un réalésage assez régulier en cas d'utilisation intensive de la voiture. A cet égard, le recours aux disques en fin de production obéit autant à un objectif de fiabilité qu'à un besoin de puissance intrinsèque de freinage.
Note au lecteur : ce guide ayant été publié le 11/10/2000, les prix indiqués pour les pièces et la côte des véhicules risquent de ne plus refléter l'état actuel du marché.