Acheter une BMW 2800 CS et 3.0 CS
Gilles Bonnafous le 13/11/2002
Associant ligne attrayante, mécanique brillante et excellent confort, les coupés BMW 2800 CS et BMW 3.0 CS/CSi ont proposé avec succès un compromis heureux, celui de bourgeoises séduisantes et sportives.
Histoire d'un sauvetage
Au cours des années cinquante, BMW, qui a redémarré sa production en 1952, pratique une stratégie assez surprenante. La marque bavaroise - qui en réalité fait ce qu'elle peut - commercialise en parallèle deux voitures aussi différentes que le magnifique coupé 507 au moteur V8 de 3,2 litres (destiné au marché américain) et l'Isetta monocylindre de 250 cm3 construite sous licence - puis son dérivé 600. Entre ces deux extrêmes, on trouve l'excellente mais trop coûteuse 700, qui ne se vend guère mieux que l'obsolète berline 502, surnommée "l'ange baroque". Au sein de cette production hétéroclite, qui évoque plus un inventaire à la Prévert qu'une gamme construite, l'Isetta et la 700 paraissent les seuls modèles vraiment adaptés à la situation économique de l'époque. Ce qui ne saurait être le cas de la 501/502, ni des luxueux coupé et cabriolet 503, toutes voitures motorisées par le V8 de Munich.
Au bord du dépôt de bilan pour cause de déficit abyssal, l'entreprise est rachetée en 1959 par un industriel du textile et de la chimie, Herbert Quandt. Dès lors, tout ira très vite. Dessinée par Michelotti, la 1500, lancée en 1962, amorce le renouveau de la marque. Déclinée en 1600, 1800 et 2000, la voiture donne naissance à une génération de modèles, qui comptent parmi les berlines moyennes européennes les plus réussies. Elles donneront à la marque une image dynamique et seront l'instrument de sa fulgurante renaissance. Dotées d'un look séduisant, elles attireront une clientèle plus jeune que celle de Mercedes, à l'égard duquel BMW parviendra, en quelques années, à se poser en rival. Cette "success story" se poursuivra, amplifiée même par la génération 02, qui verra le développement de voitures compactes et surmotorisées (Ti et Tii).
Les yeux de chat
Dans la famille des coupés BMW, le grand-père des 2800 CS et 3.0 CS s'appelle 3200 CS et le père 2000 C/CS. Lancé au salon de Francfort 1961 et motorisé par le V8 3,2 litres de la 507 porté à 160 ch, le coupé 3200 CS fut un bide commercial. Joliment dessiné chez Bertone par Giorgetto Giugiaro, il vit sa carrière écourtée (538 exemplaires produits) par un prix de vente prohibitif. En 1965, il s'efface donc au profit des 2000 C et 2000 CS, non sans leur avoir cédé son élégant et très lumineux pavillon sans montants - que l'on retrouvera sur les 2800 CS et 3.0 CS.
Lancés en juin 1965, les coupés 2000 C et 2000 CS proposent une motorisation nettement plus réaliste. Ils empruntent leur quatre cylindres deux litres à un arbre à cames en tête à la berline Michelotti : 100 ch pour le 2000 C (moteur de la 2000 normale), 120 ch pour le 2000 CS grâce à un taux de compression supérieur et à l'apport d'un second carburateur (moteur de la 2000 Ti). Avec de telles valeurs de puissance, ces voitures n'apparaissent certes pas comme des foudres de guerre, mais là n'est pas leur destination. Ce sont des coupés bourgeois agréables à conduire et qui offrent quatre places confortables.
Si les carrosseries sont construites par Karmann à Osnabrück, l'élégant design des 2000 C/CS est dû au styliste maison, Wilhelm Hofmeister. Il se singularise par une étrange face avant, très frontale et dotée d'optiques doubles enchâssées dans des blocs rectangulaires protégés par des verrières. Ces fameux " yeux de chat " ne laisseront pas indifférent, adorés par les uns, détestés par les autres. On mettra tout le monde d'accord en disant qu'au moins, ces voitures ont une gueule qui ne manque pas de caractère.
Si le succès commercial est au rendez-vous, les coupés 2000 C et 2000 CS souffrent de leur mécanique à l'architecture par trop plébéienne. Il leur manque la noblesse d'un six cylindres. Ce sera pour la génération suivante.
Le ramage vaut le plumage
S'il s'inscrit dans le sillage du 2000 C/CS, le coupé 2800 CS présente un avantage déterminant sur son prédécesseur, le nouveau six cylindres BMW. Présenté en septembre 1968, il reprend la même carrosserie toujours construite chez Karmann. A une nuance près toutefois. Le visage de la voiture a été transformé. Les yeux de chat cèdent la place à quatre optiques circulaires dans un dessin très réussi, certes plus classique (sans doute aussi plus harmonieux), mais avec une certaine dose d'agressivité, juste ce qu'il faut. Le capot est également allongé de treize centimètres pour accueillir le six cylindres en ligne.
Le coupé 2800 CS est une très belle voiture, aux lignes nettes et vives, au profil racé. Un design bourré de caractère, de style assez latin. Soulignant la ceinture de caisse, un jonc chromé fait le tour de la carrosserie. La vaste surface vitrée fait de l'habitacle un espace de lumière, qui favorise la visibilité et donc la sécurité.
Le confort apparaît comme l'un des points fort de la 2800 CS. Offrant quatre vraies places, l'habitacle bénéficie d'un équipement de bon niveau, dont des lève-vitres électriques. Il se révèle cependant plus fonctionnel que luxueux ; en témoigne la planche de bord minimale présentant un grand vide face au passager - une immense plate-forme de rangement. La sellerie cuir et des vitres teintées figurent sur la liste des options. Rançon de ces bourgeoises prestations, la voiture a pris un embonpoint de 150 kilos par rapport à la 2000 C/CS.
Un brillant six cylindres
Le six cylindres du coupé 2800 CS est emprunté à la berline 2800 lancée au même moment - conjointement à la 2500. Des modèles qui marquent le grand retour de BMW sur le marché de la voiture de luxe. Doté d'un arbre à cames en tête unique, ce moteur de 2,8 litres développe 170 ch DIN à 6000 tr/mn. Il est accouplé à une boîte de vitesses manuelle aux quatre rapports bien étagés - une boîte automatique ZF est disponible en option. La transmission intègre un différentiel à glissement limité (25%).
Considéré à l'époque comme l'un des plus brillants six cylindres européens, ce moteur offre un grand agrément de conduite. Respirant bien, il se révèle souple et onctueux. Silencieux, il est aussi peu gourmant, consommant de l'ordre de 15 litres aux cent kilomètres.
Grâce à ses 170 ch, la 2800 CS entre dans le club huppé des 200 km/h, avec des accélérations d'un excellent niveau : 16,5 secondes aux 400 mètres départ arrêté et 30,5 secondes au kilomètre. La comparaison avec sa concurrente souabe, le coupé Mercedes 280 SL série 107 tourne à l'avantage de la bavaroise, la voiture de Stuttgart s'avérant moins brillante, moins performante et plus lourde dans son comportement routier.
Si la 2800 CS reçoit une direction assistée et un correcteur d'assiette pneumatique sur l'essieu arrière, sa faiblesse tient à son freinage mixte, freins à disques à l'avant, tambours à l'arrière. Sur un parcours exigeant ou en conduite rapide, ce dispositif révèle vite ses limites. Une politique surprenante de la part de BMW, surtout sur un modèle à vocation sportive, alors que les berlines 2500 et 2800 bénéficient, quant à elles, de quatre disques.
Au terme d'une brève carrière, la 2800 CS s'efface devant la 3.0 CS en mars 1971. 9399 exemplaires (dont 1167 exportés aux Etats-Unis) en ont été produits.
Le coupé 3.0 CS/CSi
En avril 1971, le coupé reçoit le nouveau six cylindres BMW de trois litres obtenu par réalésage du 2,8 litres - il apparaît également sur la berline 3.0 S lancée en même temps. Il offre dix chevaux supplémentaires, tandis que le couple fait un bond de 23,8 mkg à 26 mkg à 3700 tr/mn. Pour faire passer ce dernier, la transmission automatique optionnelle est désormais une Borg-Warner. Devenue 3.0 CS, la voiture, qui dépasse les 210 km/h, hérite enfin de freins à disques sur les quatre roues !
Au mois de septembre de la même année, un deuxième modèle est proposé parallèlement à la 3.0 CS. Equipée du trois litres à injection électronique Bosch (également monté sur la berline 3.0 Si), la voiture prend l'appellation de 3.0 CSi. Le cap symbolique des 200 ch est atteint et la vitesse maximum passe à 220 km/h.
Aux antipodes de ces données brillantes, BMW lancera en 1974 une version économique de la 3.0 CS. Conçue en réponse à la crise pétrolière, cette initiative peu heureuse, baptisée 2500 CS, ne convaincra guère. Motorisée par le 2,5 litres de 150 ch de la berline 2500 et souffrant d'une finition en retrait (avec de nombreuses options), la voiture ne sera produite qu'à 844 exemplaires. Elle ne sera pas importée en France.
La génération des coupés 2800 CS et 3.0 CS/CSi prend fin en 1975. Elle cède la place à la nouvelle Série 6 présentée au salon de Genève 1976 en deux versions : 630 CS (trois litres à carburateurs de 185 ch) et 633 CSi (3,2 litres à injection de 197 ch). Au total, plus de 30 000 exemplaires en ont été diffusés, soit un résultat flatteur pour des modèles de ce niveau de gamme et de prix.
Associant ligne attrayante, mécanique brillante, excellent comportement dynamique et confort de bon aloi, ces voitures ont proposé avec succès un compromis heureux, celui de bourgeoises séduisantes et sportives.
La 3.0 CS à l'épreuve de la route
Au démarrage, le premier bonheur qu'offre le coupé 3.0 CS est le chant mélodieux du six cylindres BMW. Sur la route, la souplesse, la disponibilité et la progressivité de ce moteur prouvent que la musique n'avait pas menti. C'est un régal, à condition toutefois de monter haut les régimes, car sous les 3000 tr/mn, il ne se passe pas grand-chose. Au-delà, la mécanique grimpe allègrement vers les sommets du compte-tours.
La boîte de vitesses se révèle très agréable, dotée d'une grille précise et aux débattements courts assurant un guidage efficace. Par contre, la quatrième s'avère trop courte et l'absence d'un cinquième rapport se fait sentir.
La voiture jouit d'un comportement routier neutre et sûr. Bien en ligne, elle affiche une excellente tenue de cap et avale les grandes courbes avec aisance et gourmandise. Sur routes accidentées, le tableau apparaît fort différent. Accusant son gabarit et son poids, la 3.0 CS s'adonne au survirage, vous gratifiant de quelques dérobades du train arrière. Rien de vraiment dangereux toutefois, même si la direction ZF à vis et galet ne possède pas la précision d'une crémaillère. On regrettera également la grande souplesse des suspensions, surtout à l'avant, qui privilégie trop le confort.
La 3.0 CS est une grande demoiselle qui n'apprécie pas d'être brusquée. Il convient de ne pas lui demander ce pour quoi elle n'a pas été conçue. Plus rapide que sportive, elle offre avant tout les qualités d'une grande routière. Pour en avoir possédé une pendant plusieurs années, je peux attester que l'autoroute constitue son jardin et qu'elle y assure des moyennes élevées. Dans le confort et le silence.
Guide d'achat
La grande sensibilité à la corrosion constitue le talon d'Achille des coupés 2800 CS et 3.0 CS/CSi. Elle est due à la très insuffisante protection des tôles (chez Karmann), accentuée par la mauvaise conception des renforts soutenant la partie antérieure des voitures. Très pernicieuse, la rouille se développe pratiquement partout, notamment dans les structures, et l'acquéreur éventuel devra sonder de nombreux points avant de s'engager : ailes et leur environnement, jupes, plate-forme, planchers, bas de caisse, suspensions, coffre… En donner la liste serait fastidieux. Armé de son tournevis, l'amateur devra faire passer à la voiture une inspection en règle, surtout de ses entrailles et de ses recoins secrets.
La réalité est qu'il est extrêmement difficile de trouver une voiture en bon état d'origine. Aujourd'hui, la plupart des beaux coupés BMW 2800 CS et 3.0 CS/CSi que l'on peut rencontrer ont été entièrement restaurés.
Les moteurs six cylindres BMW 2800 et 3 litres sont fiables et il n'est pas rare de les voir afficher 200 000, voire 300 000 kilomètres. Les points à vérifier sont notamment l'étanchéité des queues de soupapes (à refaire en cas de gros nuage bleu consécutif à une forte réaccélération) et la température de l'eau (attention au joint de culasse entre les deux derniers pistons à l'arrière du moteur). Sur la 3.0 CSi, s'assurer du bon fonctionnement de l'injection, le remplacement du boîtier électronique s'avérant assez coûteux. Côté transmission, les synchros de boîte entre les deuxième et troisième rapports sont sensibles à l'usure.
A noter que les lève-vitres électriques, outre leur désespérante lenteur, tombent souvent en panne…
La 3.0 CSL
Présentée en mai 1971, la 3.0 CSL (L pour Leichtbau, construction légère) est une version sportive allégée du coupé BMW six cylindres. Au fil des ans, la voiture va connaître plusieurs évolutions.
Née avec le moteur de 180 ch à carburateurs, la voiture perd 200 kilos par rapport à la 3.0 CS au terme d'une cure d'amaigrissement qui concerne les ouvrants réalisés en aluminium, les vitres de custode et la lunette arrière en plexiglas, le pare-chocs arrière en polyester (celui de l'avant a disparu), ainsi qu'un habitacle équipé de sièges Scheel et débarrassé de ses matériaux insonorisants.
La deuxième génération de la CSL apparaît en août 1972, équipée du moteur de 200 ch à injection. La voiture, dont l'avantage sur la balance a été ramené à 130 kilos, sera produite à mille exemplaires en vue de son homologation FIA (catégorie Tourisme). En effet, Bob Lutz, entend conduire une politique sportive. A cet effet, a été créée, en mai 1972, une filiale, BMW Motorsport Gmbh, dirigée par Jochen Neerspach, un pilote réputé.
Une partie de la production, soit 110 exemplaires, reçoit le six cylindres porté à 3153 cm3 par allongement de la course (206 ch), ainsi qu'une panoplie aérodynamique. Celle-ci se compose de trois spoilers, à l'avant, à l'arrière et sur le toit, de dérives noires fixées sur les ailes avant et d'un volumineux aileron soutenu par deux volets.
Lancée à partir d'août 1973, la dernière génération est exclusivement motorisée par le 3,2 litres. Dotée d'un aileron arrière en trois parties, la voiture ne sera fabriquée qu'à une cinquantaine d'exemplaires.
La CSL a servi de base aux puissantes machines de compétition, qui accumulèrent les victoires pour constituer un palmarès impressionnant : six titres de champion d'Europe, deux victoires en groupe 2 aux 24 Heures du Mans de 1973 et 1974, ainsi que de nombreux succès IMSA aux Etats-Unis.
Note au lecteur : ce guide ayant été publié le 13/11/2002, les prix indiqués pour les pièces et la côte des véhicules risquent de ne plus refléter l'état actuel du marché.