Acheter une BENTLEY Mulsanne Turbo/Turbo R/RT (1982 - 1997)
Stéphane Schlesinger le 19/10/2021
Rachetée en 1931 par Rolls-Royce, Bentley en est progressivement venue à ne plus produire que des modèles ornés de la Flying Lady à peine modifiés. Mais avec la Mulsanne lancée en 1981, cela va changer.
Initialement, la Bentley Mulsanne ne se différencie guère de la Rolls-Royce Silver Spirit, mais son appellation, référence à un célèbre virage des 24 Heures du Mans, annonce une suite intéressante. En effet, David Plastow, directeur général de Rolls-Royce Motorcars, a décidé de renouer avec les racines sportives de Bentley. De sorte que la Mulsanne reçoit un turbocompresseur Garrett en 1982 qui, en soufflant à 0,5 bar, accroît de 50 % la puissance de son moteur, traditionnellement gardée secrète. On l'estime tout de même à plus de 300 ch, mais comme le châssis n'a pas été modifié, cette Mulsanne Turbo a un peu de mal à contenir l'énergie de son V8, profitant de soupapes, de bielles et de pistons adaptés. En effet, malgré son poids dépassant les 2,3 tonnes et son aérodynamique digne d'un cottage anglais, la Bentley file à 217 km/h, contre 193 km/h à la version normale. La Turbo coûte 892 000 F (279 700 € actuels selon l'Insee), soit un prix astronomique, 100 000 F plus élevé que celui du modèle atmosphérique…
Il faut attendre 1985 pour que la berline Bentley bénéficie d'une partie cycle à la hauteur. Renommée pour l'occasion “Turbo R” (pour “roadholding”, « tenue de route », le R évoquant aussi la Continental R des années 1950), elle voit ses pneus majorés, sa direction recalibrée, sa suspension affermie et son freinage renforcé. Extérieurement, elle se distingue par ses jantes en alliage (chose inédite chez Bentley), son spoiler avant et sa calandre peinte dans la couleur de la carrosserie. À 959 600 F (259 600 € actuels), elle demeure évidemment hors de prix. Mais comme elle n'a pas d'équivalent chez Rolls-Royce, qui préfère s'orienter vers le luxe et le confort, elle connaît un certain succès, donc permet aux ventes de Bentley de croître : pari réussi. Aucune autre berline sur le marché n'arrive à combiner de grosses performances avec un luxe aussi débridé, à part peut-être la discutable Aston Martin Lagonda. Les Mercedes 560 SEL et BMW 750i, certes très efficaces, restent bien moins exclusives.
Ensuite, la Turbo R va continuer à évoluer, par petites touches. Fin 1986, elle accède à l'ABS et à l'injection, tandis que mi-1988, elle adopte des doubles projecteurs circulaires. Fin 1991, sa boîte automatique passe de 3 à 4 rapports, et deux ans plus tard, la gestion du turbo se fait plus raffinée, cependant que les jantes passent de 15 à 16 pouces. Par ailleurs, un double airbag est installé. En outre, une Turbo S, version hors-série de 400 ch, est produite à 60 unités en 1994. Une autre palanquée de modifications intervient en 1995. La calandre perd en hauteur, au contraire des nouvelles jantes (17 pouces désormais), alors que les boucliers avant et arrière sont redessinés. Il en va de même dans l'habitacle pour les instruments et la console centrale, et l'équipement s'enrichit. Cette fois, la puissance, en hausse, est officiellement annoncée (385 ch) et un antipatinage fait son apparition. Des ultimes retouches interviennent en 1996 (disques de freins agrandis, appuie-tête améliorés…) ; alors que la Turbo R est retirée en 1997. En tout, 4 458 Turbo R ont été produites en châssis court (1 524 en châssis long), plus 496 Mulsanne Turbo.
Était-ce la fin de cette carrosserie ? Non ! Car en 1997, la Turbo R devient Turbo RT, avec à la clé 400 ch, une calandre grillagée et diverses modifications de détail : 252 unités seront fabriquées pendant deux ans, dont 49 en conduite à gauche.
Monstrueusement chères et aussi frugales qu'un porte-avion des années 1950 mal réglé, ces autos ont énormément perdu de valeur, malgré leur luxe incroyable. Fabriquées avec énormément de soin, elles exigeaient un entretien suivi, donc dispendieux, pour se montrer fiables, ce qui est délétère en seconde main. Actuellement, on redécouvre ces voitures exceptionnelles, qui se dégotent encore dès 15 000 € en bon état, avec le volant à gauche. Mais pour combien de temps ?
Note au lecteur : ce guide ayant été publié le 19/10/2021, les prix indiqués pour les pièces et la côte des véhicules risquent de ne plus refléter l'état actuel du marché.