NISSAN Juke R
Vincent Desmonts le 02/07/2012
Nissan
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Tout est parti d'une drôle d'idée qui a germé dans l'esprit des ingénieurs britanniques du Nissan Technology Centre for Europe, un bureau d'études avancé basé dans le Bedfordshire. Probablement réunis au pub autour de quelques pintes de bière, les hommes imaginent ce que pourrait donner un mariage à priori contre nature : celui du petit crossover de Nissan, le Juke, et de la supercar de la marque, la GT-R !
On imagine qu'au fil des pintes, les esprits s'enflammèrent, griffonnant des dessins techniques et des appendices aérodynamiques sur des bouts de papier. L'histoire aurait pu en rester là.
Il semble cependant que les ingénieurs de Nissan aient une résistance particulièrement élevée aux gueules de bois. Le lendemain, bien loin d'oublier ce délire, les hommes se mettent au travail, et proposent le projet à leurs supérieurs qui, contre toute logique comptable, l'approuvent.
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Le résultat, vous l'avez sous les yeux : un objet roulant non identifié, répondant au doux nom de Juke-R. Dans ses dimensions, il reste proche d'un Juke normal, avec une longueur de 4,13 m et un empattement court (2,53 m). Seule la largeur augmente (très) fortement : elle passe de 1765 à 1910 mm, histoire d’accommoder les (très) larges trains roulants de la GT-R.
Car si le look extérieur, à quelques détails « tuning » près, restera familier au propriétaire d'un Juke normal, celui-ci sera totalement déboussolé à l'ouverture des portières. Déjà, il y a tout un fouillis de tuyaux de chauffage à la place de la banquette arrière et du coffre ! Ensuite, deux sièges baquet typés « compète » prennent la place des sièges avant normaux.
L'instrumentation classique est remplacée par celle d'une GT-R, qui fait également don de son écran tactile gavé d'informations plus ou moins inutiles. Quant à la console centrale caractéristique des Juke, elle est modifiée afin d'accueillir le sélecteur de la boîte à double embrayage.
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Intégrer les organes mécaniques d'une Nissan GT-R dans l'étroite carrosserie d'un Juke n'est pas un boulot facile. La transformation a été confiée à RML, spécialiste de la compétition qui a déjà collaboré avec Nissan en championnat supertourisme britannique à la fin des années 90.
Elle a réclamé seulement 22 semaines de travail, un exploit si l'on considère l'ampleur de la tâche, qui a notamment consisté à reparamétrer toute l'électronique châssis de la GT-R afin de l'adapter à l'empattement particulièrement court du Juke. Les ingénieurs de RML ont ainsi mis au point un mulet original pour réaliser ces réglages : une GT-R dont le train arrière a été avancé de 250 mm !
Elle a notamment permis de tester et valider les modifications apportées au système de répartition active du couple (torque vectoring). Ensuite, les hommes de RML ont fait chauffer le fer à souder, en greffant les berceaux avant et arrière de la GT-R au châssis tubulaire qui renforce la coque du Juke-R. Au final, ce Juke abat le 0 à 100 km/h en 3,7 secondes et atteint 257 km/h en vitesse maxi !
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Prise en main
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Circuit d'essais de Mortefontaine, dans l'Oise, un chaud après-midi de juin. Après quelques aimables divertissements sur l'aire plane aux commandes d'un Juke normal, me voici casqué et sanglé à bord du Juke R. Ambiance radicalement différente ! La position de conduite n'a rien à voir : la garde au sol est réduite de 55 mm, tandis que les sièges sont implantés plus bas et plus en arrière qu'à bord d'un Juke normal, ce qui tend à réduire la visibilité.
Je ne suis pas très à l'aise, d'autant plus qu'en ce jour de canicule la climatisation a eu la mauvaise idée de tomber en carafe ! Mon copilote et moi transpirons à grosses gouttes... surtout moi, d'ailleurs ! Cela ne durera pas longtemps : le parcours prévu est des plus courts : quelques évolutions sur l'aire plane de Mortefontaine, un tour de son anneau de vitesse... et c'est tout. Plutôt que d'un essai, il s'agira donc d'une mise en bouche.
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Mon chaperon me donne le feu vert : j'écrase la pédale de droite, et bam ! La tempête se déchaîne, le V6 biturbo rugit et catapulte ce pauvre Juke qui n'en demandait pas tant. J'ai à peine passé la troisième que je dois déjà me jeter sur les freins Brembo, heureusement puissants. Le parcours révèle un équilibre bien particulier et difficile à cerner : plutôt haut (1,57 m sous toise), lourd (1 806 kilos) et doté d'un empattement franchement riquiqui, le Juke-R est du genre susceptible.
Sur l'aire partiellement humide, je déclenche bien malgré moi une dérive aussi brutale qu'incontrôlée du train arrière, que l'ESP corrige aussitôt autorité. Ultra puissant et super agile, le Juke-R est une grenade dégoupillée... à ne pas mettre entre toutes les mains !
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Vient le moment d'attaquer l'anneau de vitesse. Handicapé par une aérodynamique de commode Louis XV, le Juke-R plafonne à 257 km/h. Sur le « banking » de Mortefontaine, légèrement bosselé dans sa partie supérieure, défense de dépasser les 120 miles à l'heure (193 km/h) : au-delà, les suspensions talonnent et les pneus viennent frotter dans les passages de roues ! Dans le petit bout de ligne droite, en revanche, on peut aller tutoyer la « Vmax »... dans un concert de sifflements aérodynamiques.
Le Juke-R est un pur délire d'ingénieur. Mais Nissan a réussi à trouver 21 clients pour ce drôle de bestiau. Des amateurs fortunés, puisqu'ils devront débourser 450 000 € pour s'offrir ce crossover ultra-exclusif et 100 % dingue. Vous savez quoi ? Je suis jaloux.
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