Salon du Cabriolet & du Coupé 2001
STOEWER Arkona
Gilles Bonnafous le 23/03/2001
Parmi les quelques très beaux spécimens de cabriolets des années trente et quarante qui défilaient, l'un des plus intéressants et à coup sûr le plus rare était la Stoewer Arkona.
Parmi les quelques très beaux spécimens de cabriolets des années trente et quarante — Talbot T 15, Mercedes 320, Alfa Romeo 6 C 2500 Pinin Farina —, qui défilaient sur le podium du salon du cabriolet et du coupé, l’un des plus intéressants et à coup sûr le plus rare était la Stoewer Arkona.
Peu connue du grand public français, Stoewer est une excellente marque allemande, qui construisit des automobiles de 1919 à 1940 — la firme fabriqua ensuite des véhicules militaires jusqu’en 1944. Technologiquement au meilleur niveau, Stoewer explora au cours de son histoire de nombreuses solutions architecturales pour ses moteurs : quatre cylindres en ligne, en V et même à plat (moteur licence Tatra sur la Greif Junior), six cylindres en ligne, huit cylindres en ligne et en V (sur la Greif de 2,5 litres produite de 1934-1937).
Construite à 201 exemplaires de 1937 à 1940, l’Arkona est motorisée par un six cylindres en ligne culbuté de 3,6 litres qui développe 82 ch. Sa carrière est parallèle à celle de la Stoewer Sedina équipée d’un quatre cylindres de 2,4 litres. L’appellation Arkona reprend le nom du phare le plus septentrional de la Baltique — Stoewer étant basé à Stettin, grand port allemand de la Baltique, devenu Szczecin après la Seconde Guerre mondiale et le glissement de la Pologne de l’Est vers l’Ouest.
Le cabriolet Arkona présenté au salon fait partie de la collection d’un amateur suisse membre du Club de l’Auto, qui souhaite garder l’anonymat. Il est l’un des 44 cabriolets produits en 1938 (châssis n° 29 042) et l’un des deux exemplaires subsistant aujourd’hui ; le second, qui se trouve à Düsseldorf, appartient à un membre du club allemand Stoewer.
C’est grâce à une petite annonce que l’actuel propriétaire a trouvé l’Arkona en 1994 à La Bresse, dans les Vosges. Pourquoi son choix s’est-il porté sur cette voiture ? Avant tout, il fut séduit par sa ligne, ne connaissant (à cette époque) la marque que de nom.
Le club Stoewer allemand était au courant de l’existence de ce cabriolet depuis de nombreuses années et ses membres avaient fait plusieurs tentatives pour l’acquérir. Sans succès, car l’ancien propriétaire ne souhaitait pas la céder. Jusqu’au jour où notre collectionneur suisse se présenta et fit affaire. Après une enquête digne de Sherlock Holmes, il réussit à reconstituer la carrière de l’Arkona, une histoire extraordinaire.
Le premier propriétaire de la voiture, un Allemand, ne la vit jamais, car elle fut aussitôt réquisitionnée par la Wehrmacht. La guerre la conduira dans le désert de Libye, où elle fit sans doute partie du parc de l’état-major de Rommel. En effet, lors de sa restauration, du sable fut retrouvé dans ses soubassements. Analysé par un géologue du pétrolier Elf, celui-ci révéla son origine libyenne. Par la suite, la Stoewer participa probablement à la campagne de Normandie. Au terme de cette odyssée, elle fut abandonnée dans les Vosges lors de la retraite de l’armée allemande. En panne, radiateur percé.
Remise en circulation dans des conditions qui restent à éclaircir, la voiture reçut une carte grise délivrée en 1946 à Strasbourg au nom du Ministère de l’Extérieur. Elle roula ainsi jusqu’en 1949, avant d’être achetée — sans doute aux Domaines — par un industriel du bois de La Bresse. À partir de là, elle restera immobilisée pendant plusieurs dizaines d’années.
Quand notre collectionneur suisse en pris possession, l’Arkona se présentait dans un état des plus pitoyables. Vu le niveau général d’usure du véhicule, notamment celui des lames de ressorts très amincies, son nouveau propriétaire estime qu’il avait dû parcourir de l’ordre de 500 000 kilomètres. Il réussit toutefois à mettre le moteur en marche, mais ce dernier consommait cinq litres d’huile aux cent kilomètres !
La voiture a été entièrement restaurée dans le strict respect de son état d’origine. Après quatre ans de travail, le chantier fut achevé en 2000. Sa première sortie fut pour le Vintage Car Club de Luxembourg en juin dernier, où elle apparut aux côtés de sa sœur rescapée venue d’Allemagne.
Mettant largement l’Arkona à contribution, son propriétaire a déjà parcouru 10 000 kilomètres à son volant depuis la restauration de la voiture. Il prend part à de nombreux rallyes et manifestations rétro : Alpes Rétro, Paris-Deauville, etc. Il a également participé à la dernière concentration Stoewer, pour laquelle la voiture a effectué le parcours Paris-Darmstadt par la route. Fonctionnant parfaitement, l’Arkona est prête pour de nouvelles odyssées, certes plus paisibles…