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- SALON DE DETROIT 2009
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Compte rendu
Vincent Desmonts le 09/01/2009
Jamais salon n'aura ouvert dans une ambiance aussi morose. Aussi, fini le show-paillettes : Detroit 2009 sera le salon de la raison.
Ce jour là, au salon de Detroit, Dodge présentait un produit capital : le nouveau pick-up Ram. Glouton, techniquement vieillot, mais robuste et surtout très rentable. Pour l'industrie automobile, c'était juste le nouveau chapitre de la folle histoire d'amour entre l'Amérique et ses « Sport Utility Vehicles ». Mais nous sommes à Detroit, mecque de l'automobile américaine où l'on a l'habitude de faire les choses en grand. Le nouveau Dodge Ram est donc lâché dans les rues de « Motor City » au milieu d'un troupeau de 120 vaches texanes ! Tout y est : les cow-boys, les lassos, les Stetson. Un show digne de Hollywood !
C'était il y a tout juste un an, le 13 janvier 2008. Mais c'était il y a un siècle : en quelques mois, le beau décor de studio s'est effondré, laissant un champ de ruines. Flambée des cours du pétrole, crise des subprimes et courbe du chômage à la hausse ont mis les constructeurs à rude épreuve. Et les « Big Three », les trois géants américains – Chrysler, Ford et General Motors – se sont révélés être des colosses aux pieds d'argile. On a vu leurs patrons implorer piteusement l’aumône de l'État. Après moult palabres, GM et Chrysler obtiendront 25 milliards de dollars. Une obole : au rythme où les deux groupes perdent de l'argent, cette somme les fera tout juste tenir jusqu'au printemps…
Injecter de l'argent public dans un grand groupe industriel n'est pas chose courante aux États-Unis, terre d'élection du libéralisme le plus décomplexé. Aussi, après des années de dépenses folles et de shows rivalisant d'audace, les « Big Three » ont promis de revenir à plus de sobriété pour le salon de Detroit 2009. Fini le gaspi : Chrysler supprime les chutes d'eau du stand Jeep, les bureaux temporaires et l'accès internet gratuit pour les visiteurs. Adieu aussi les déjeuners traditionnellement offerts à la presse. Un seul mot d'ordre : économiser.
Mais les constructeurs américains ne sont pas les seuls à se serrer la ceinture. Certains importateurs ont tout simplement décidé de... ne pas venir ! Land Rover, frappé par une violente chute des ventes de ses 4X4, sera absent. Idem pour Porsche, Suzuki ou Mitsubishi. Même Nissan a annulé sa participation, allant jusqu'à dissuader les concessionnaires de la région de Detroit de s'inscrire à la place de la maison-mère. Les constructeurs les plus exclusifs ont eux aussi choisi de fuir la grisaille de la région des Grands Lacs : Ferrari et Rolls-Royce seront aux abonnés absents. À quoi bon se rendre sur un salon où l'on ne croisera aucun client ?
Le moins que l'on puisse dire c'est que la clientèle adopte une position attentiste. Selon un sondage commandé par le magazine Consumer Reports, 48 % des américains disent vouloir attendre « plus longtemps » avant de changer de voiture. Presque un sur deux ! Et puis la société américaine est en mouvement, de nouvelles exigences apparaissent : on regarde de plus près la consommation des véhicules, on s'intéresse de plus en plus à la « voiture verte », qu'elle s'appelle Prius chez Toyota, Volt chez Chevrolet ou FCX Clarity chez Honda. Une nouvelle « nouvelle économie », verte celle-là, commence à émerger en Californie, berceau de toutes les tendances.
Justement, la Californie pourrait bien menacer Detroit. D'année en année, le salon de Los Angeles affiche un nombre croissant de nouveautés, souvent d'intérêt mondial. La proximité de bon nombre d'importateurs, la présence d'une clientèle nombreuse et parfois (très) aisée, les excellentes dessertes de l'aéroport de Los Angeles et... le climat agréable du sud de la Californie font de « L.A. » une destination de plus en plus prisée des constructeurs. Sans parler des salons des pays émergents, comme celui de Shanghai, dont l'importance augmente d'année en année.
Bref, Detroit va devoir prouver que son salon mérite toujours sa place d'honneur au calendrier mondial. Sans quoi son règne de 102 ans pourrait rapidement toucher à sa fin...