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Rétromobile 2003
RENAULT 40 CV des Records
Gilles Bonnafous le 17/02/2003
Dérivée du modèle de prestige de Louis Renault, une Renault 40 CV spécialement préparée s'adjuge en 1926, à Montlhéry, un nombre impressionnant de records du monde de vitesse.
Lancée en 1911 par Louis Renault comme modèle de prestige, la 40 CV sera l'intime des têtes couronnées et des présidents de la République. La voiture connaît une profonde mutation au cours des années vingt. Celle-ci se fait en plusieurs étapes et affecte aussi bien la mécanique (moteur et châssis) que le design. Toutefois, le modèle conservera jusqu'à la fin son appellation de 40 CV, une dénomination purement commerciale et sans rapport réel avec sa puissance fiscale.
La 40 CV connaît une étape importante de son évolution à la fin de 1920, quand son six cylindres de 7,5 litres est réalésé à 110 millimètres. Avec 9121 cm3, la voiture devient la plus grosse cylindrée du marché français. Parallèlement à l'empattement long, un châssis court, baptisé " sport ", fait son apparition en 1921. Destiné à recevoir des carrosseries à caractère sportif, il est doté d'un empattement réduit de 19 centimètres (3,80 mètres). Sa production restera minoritaire. Avec les freins sur les quatre roues, dont elle bénéficie en 1922, la voiture reçoit également un servofrein.
La 40 CV connaît sa dernière modification technique en 1925 avec l'apparition d'une nouvelle transmission sur le Type NM. Outre un embrayage monodisque à sec, qui remplace l'ancienne technique à cônes inverses, la voiture bénéficie d'une nouvelle boîte de vitesses à trois rapports - le couple du moteur étant jugé suffisant pour se passer d'une quatrième vitesse. En 1928, la 40 CV s'effacera devant le nouveau modèle de grand luxe lancé par Louis Renault. Equipées d'un moteur huit cylindres en ligne et d'un radiateur situé devant le moteur, la Reinahuit et la Reinastella prennent la succession d'une génération de voitures, qui ont marqué l'automobile française de l'entre-deux-guerres.
Loin d'être née pour la course, la 40 CV n'en gagne pas moins en 1925 une importante compétition. En effet, le 24 janvier, un Type NM remporte le Rallye de Monte-Carlo au terme d'un périple peu ordinaire. Car pour rejoindre la principauté, François Repusseau, un agent des amortisseurs Hartford qui a engagé la voiture, va prendre le départ à Tunis, soit un voyage aller de 4500 kilomètres depuis Paris ! De plus, au terme du rallye, la voiture souffre sur le parcours de régularité très sélectif couvert autour de Sospel. Malgré les pièges que constituent pour l'encombrante berline les virages étroits du tracé, la 40 CV parvient à garder l'avantage sur sa dauphine.
Surtout, Louis Renault s'engage dans une autre forme de course, celle aux records du monde. Sur une 40 CV Type ML à carrosserie sport ouverte, les pilotes J-A. Garfield et Robert Plessier s'adjugent, le 11 mai 1925, les records du monde des trois heures, des 500 kilomètres et des 500 miles. La performance est réalisée sur l'autodrome de Montlhéry récemment ouvert - il a été inauguré le 12 octobre 1924. L'anneau sera dès lors le théâtre de nombreux records de vitesse. Les 3 et 4 juin, les deux pilotes se remettent en piste pour couvrir 3384,759 kilomètres en 24 heures, soit une moyenne de 141,331 km/h. Leur record ayant été battu en septembre par une Bentley, J-A. Garfield et Robert Plessier remettent l'ouvrage sur le métier : mais après quinze heures de marche, ils subissent une avarie à un cylindre. Six records ont néanmoins été battus à une moyenne horaire approchant les 160 km/h.
L'année suivante, une 40 CV spéciale Type NM est construite en vue des records. Pour améliorer la vitesse de pointe, le châssis sport a été équipé d'une carrosserie monoplace fermée et profilée. Celle-ci est réalisée en simili-cuir entoilé et tendu sur une armature de bois (système Weymann). Rompant avec le style caractéristique des Renault de l'époque et leur face avant à capot clos, la voiture reçoit une calandre ouverte. Bien que le radiateur demeure placé à l'arrière du moteur, l'entrée d'air se fait par l'avant, et non sur les côtés comme c'est le cas sur les 40 CV depuis 1922.
Toujours à Montlhéry, la 40 CV va s'approprier un nombre impressionnant de records du monde. Le 23 février, J-A. Garfield bat le record des 100 kilomètres en 31 mn 46 sec 1/10, à la moyenne de 188,867 km/h. Le 19 mars, associé à Robert Plessier, il récidive en s'adjugeant les records des 500 kilomètres et des trois heures (536,659 km). Enfin, et surtout, les deux hommes, auxquels s'est joint Paul Guillon, pulvérisent les 9 et 10 juillet le record du monde des 24 heures en parcourant 4167,578 kilomètres à 173,649 km/h de moyenne. Au passage, la voiture a empoché tous les records de 500 à 4000 kilomètres (dont les 1000 et 2000 miles, 2000 et 3000 kilomètres). La 40 CV est devenue la voiture de tourisme (si l'on ose dire) la plus rapide du monde, frôlant les 200 km/h.
Il faut souligner que l'organisation des ravitaillements n'a rien à envier à la Formule 1 moderne. A chaque arrêt, pas moins de quatorze mécaniciens entrent en action autour de la voiture : deux hommes pour chaque roue, un pour le niveau d'huile et un pour l'eau, auxquels s'ajoute un coordinateur. La durée de l'arrêt n'excède pas cinquante secondes, un exploit quand on sait que le plein d'essence de 110 litres, assuré par trois préposés, se fait avec une pompe à main…
Véhicule unique, la 40 CV des records appartient au Patrimoine Renault, géré par le département Histoire et Collection qu'anime Christian Schmaltz. Restaurée, la voiture participe aux plus importantes manifestations de l'automobile de collection. On se souvient qu'à l'occasion du Grand Prix de l'Age d'Or 2001, elle revint sur l'anneau de Montlhéry, où elle fut pilotée par Jean Ragnotti.