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Rétromobile 2003
50 bougies pour la Corvette
Gilles Bonnafous le 17/02/2003
Voiture mythique conçue par Harley Earl, la Corvette s'est vendue en 50 ans à plus de 1,2 million d'exemplaires. Sa carrière illustre l'histoire du design américain au cours de la seconde moitié du XXe siècle.
Voiture mythique conçue par Harley Earl, le patron du style de la General Motors, la Corvette est d'abord une voiture d'image destinée à dynamiser la marque Chevrolet. Présentée en janvier 1953 dans le cadre du Motorama installé au Waldorf Astoria de New York, elle apparaît sous la forme d'un roadster d'inspiration européenne. Superbe, sa ligne se veut un mélange de modernité et de sensualité glamour. De plus, la carrosserie est, pour la première fois sur un modèle de série, réalisée en fibre de verre.
La voiture ne peut cependant prétendre à la qualité de voiture de sport en raison de son six cylindres de 3,8 litres plutôt léthargique (150 ch) et de sa transmission automatique Powerglide à deux vitesses. Ainsi gréée, elle n'est pas en mesure d'inquiéter la Jaguar XK 120, la référence en la matière, d'autant que sa tenue de route ne paraît pas exempte de reproches.
La Corvette connaît des débuts difficiles. A l'origine, Harley Earl l'avait imaginée comme une voiture de jeunes qui devait être proposée à 1800 $. A l'arrivée, ses 3500 $ la mettent pratiquement au niveau d'une Cadillac série 62. Son démarrage est donc timide et sa faible diffusion pose le problème de sa survie, malgré l'introduction en 1955 d'un V8 de 265 ci (4343 cm3) développant 195 ch. Mais la direction de la General Motors va donner à la voiture une nouvelle chance en redéfinissant sa vocation.
Poussée par l'aiguillon de la Ford Thunderbird apparue en 1955, la Corvette bénéficie en 1956 de son premier remodelage en même temps que d'une décisive montée en puissance de sa mécanique. Cette dernière passe à 210 ch, mais en option, elle atteint 225 ch et même 240 ch. Cette métamorphose transforme la Corvette de deuxième génération en une véritable voiture de sport nerveuse et rapide (plus de 190 km/h). Seule ombre au tableau, le freinage, avec ses quatre tambours, ne se situe pas à la hauteur des performances.
La voiture s'embourgeoise quelque peu en recevant des glaces latérales, qui seront même dotées de lève-vitres électriques en 1957. S'il dérive de la ligne originelle, le nouveau design ne s'en révèle pas moins fort différent et seules les dents de la calandre ont été conservées - elles se maintiendront jusqu'en 1960. Il souligne la large silhouette de la voiture qui constitue l'une de ses spécificités. Très moderne, la ligne se pare d'un charme inimitable, qui fait de la Corvette 1956-1957 l'une des plus belles de la dynastie. Pour donner du dynamisme au profil, les flancs se creusent en épousant la forme d'une flamme concave, allégeant ainsi le ponton un peu lourd de la première génération. La bichromie ajoute encore à l'élan du style, un trait original qui caractérisera la Corvette jusqu'en 1961.
La production du millésime 1956 marque un progrès significatif, de bonnes dispositions confirmées en 1957, année où les performances de la voiture connaissent une véritable flambée. Le V8 Chevrolet réalésé à 283 ci (4638 cm3) développe 220 ch, avec deux versions optionnelles de 245 ch et 270 ch. Mais la nouveauté la plus significative consiste en l'adoption de l'injection, proposée (en option) en deux variantes de puissance (250 ch et 283 ch), qui portent à cinq le choix des motorisations. Un bonheur n'arrivant jamais seul, la Corvette se voit offrir, toujours en option, une nouvelle boîte mécanique à quatre rapports. Ainsi équipée, elle affiche un tempérament de tout premier ordre. Les accélérations s'avèrent brillantes et la vitesse atteint 212 km/h.
La voiture peut maintenant rivaliser avec les meilleures sportives européennes, notamment avec la Jaguar XK 140 qu'elle bat largement en performances pures. Cette nouvelle personnalité s'accompagne d'un décollage commercial, d'autant que la transformation de la Ford Thunderbird en une quatre places en 1958 ouvre de nouvelles perspectives à la General Motors. Grâce à ce changement de statut qui marque la Corvette de deuxième génération, le jouet en plastique des origines est devenu la seule véritable voiture de sport d'outre-Atlantique en même temps que l'une des meilleures du monde.
Accumulation des chromes, calandre à quatre phares et prises d'air factices, ainsi se définit le millésime 1958, qui inaugure la troisième génération Corvette. Une esthétique assez chargée et une orientation baroque qui, aujourd'hui, se pare d'un charme assez kitsch. En 1961, la poupe est entièrement redessinée en " queue de canard ". La voiture y gagne des lignes d'une grande pureté, bien dans la manière de Bill Mitchell, qui a succédé à Harley Earl à la tête du design de la General Motors. La disparition des dents de la proue et la réduction des chromes illustrent le changement de cap vers plus de sobriété voulu par le nouveau patron de l'" Art and Colour Studio ". Cette troisième génération voit la Corvette franchir le cap symbolique des 10 000 voitures produites annuellement - pour la première fois en 1960. A l'avenir, la Corvette ne descendra jamais en dessous de ce seuil.
Révolutionnaire, futuriste, le design de la Sting Ray de 1963 a dix ans d'avance. La voiture fait l'effet d'une bombe. Sa paternité en revient entièrement à Bill Mitchell. La forme de requin et les grands aplats des capots, favorisés à l'avant par des phares escamotables, dérivent de la Sting Ray de compétition réalisée personnellement par Bill Mitchell en 1959. Le millésime 1963 marque aussi le lancement du premier coupé Corvette, dont l'arrière fast back arbore une lunette en deux parties, la célèbre et très recherchée des collectionneurs " split window ". Hélas, ce superbe trait de style disparaîtra dès l'année suivante au profit d'une lunette panoramique plus facile à construire.
Le ramage de la Corvette 1963 vaut son plumage (ou presque…). La voiture hérite d'un nouveau châssis, dont l'empattement a été réduit de dix centimètres. Surtout, elle bénéficie de roues arrière indépendantes - par ressort transversal -, une première aux Etats-Unis. Cette entrée de la General Motors dans l'ère moderne des suspensions transforme la tenue de route, qui s'avère maintenant digne d'une vraie GT. Quant aux motorisations, elles font appel au V8 de 5,3 litres, ainsi qu'aux " big blocks " de 6,5 litres, puis de 7 litres, dont la puissance ira jusqu'à 450 ch ! Les accélérations sont fantastiques et elles peuvent être transmises au sol sans les interférences passées (et fâcheuses) du pont arrière. Les quatre freins à disques que la Corvette reçoit en 1965 ne sont pas de trop pour faire face à une telle cavalerie. La même année, l'injection est abandonnée.
La cinquième génération Corvette, qui prend en 1968 le relais de la Sting Ray, se caractérise par un dessin entièrement nouveau. Très inspirée du dream car "Mako Shark II" de 1965, la ligne se singularise par sa longue forme de fuseau étranglée au niveau de l'habitacle. Toujours réalisée en fibre de verre, la Corvette est disponible en coupé et cabriolet, ce dernier représentant les deux tiers de la production en 1968. Mais cette tendance s'inversera dès l'année suivante, avant le retrait qui interviendra en juillet 1975. Quant au coupé "T-Top", il présente une formule originale à toit amovible en deux parties. En 1969, l'appellation "Stingray" réapparaît sur la voiture, mais en un seul mot.
C'est en 1973 que la nouvelle Corvette subit sa première retouche esthétique. Elle concerne la face avant, où les pare-chocs chromés s'effacent au profit d'un bouclier en plastique. En 1978, la carrosserie connaît une seconde évolution, qui affecte cette fois la custode. C'en est fini des panneaux de style "arc-boutant", remplacés par une bulle transformant l'arrière de la voiture en fast back. De même, l'habitacle est profondément remanié. Il témoigne de la tendance à l'embourgeoisement de la voiture et de l'accent mis sur le confort. En cette année qui marque le 25e anniversaire du lancement de la Corvette, une édition spéciale "Silver Anniversary" est commercialisée, qui se distingue par sa peinture argent métallisé.
Quatre V8 GM sont utilisées de 1968 à 1982, : les "small blocks", de 327 ci (5360 cm3) et 350 ci (5736 cm3), ainsi que les "big blocks", de 427 ci (6998 cm3) et 454 ci (7441 cm3), qui seront produits jusqu'en 1974. Motorisation de base, le 327 ci (300 ch et 350 ch) est remplacé dès 1969 par le 350 ci, dont les puissances sont identiques. Constituant la monte standard de la voiture, ce dernier sera de loin le plus utilisé. Quant au " big block " de 427 ci, seul en piste en 1968, il offre de 390 ch à 435 ch selon ses versions. Il sera remplacé en 1970 par le nouveau 454 ci, dont la puissance s'étagera de 390 ch à 460 ch.
L'année 1972 marque une rupture importante dans la carrière de la Corvette, qui subit durement le contre-coup des lois fédérales antipollution. Celles-ci entraînent une forte réduction de la puissance sur tous les modèles, le pire étant atteint en 1975 avec l'introduction du pot catalytique. Dans ces conditions, le 350 ci ne développe plus que 165 ch ou 205 ch. A la recherche de chevaux et de moyens propres à économiser le carburant, Chevrolet réintroduit un système d'injection sur le moteur "Cross Fire" en 1982, soit dix-sept ans après l'abandon de cette formule sur la Sting Ray. Bien que crépusculaire au plan de la puissance, la cinquième génération Corvette aura connu, avec 542 861 exemplaires produits, un succès commercial très supérieur à celui de ses aînées.
Très attendue après quinze ans de règne du modèle précédent, la nouvelle Corvette est dévoilée en 1983 (millésime 1984). Ses lignes tendues et particulièrement sobres font également preuve de leur efficacité aérodynamique grâce notamment à son pare-brise très incliné. Perdant de l'embonpoint - ses cotes sont réduites -, la voiture se caractérise aussi par son immense bulle arrière. Motorisation unique, le V8 de 350 ci (5,7 litres) est proposé en plusieurs versions, qui, des 205 ch du début, évolueront jusqu'à 405 ch. Montée en 1989, une boîte de vitesses manuelle ZF à six rapports permettra de diminuer la consommation. Et après dix ans d'interruption, le cabriolet fait son retour en 1986.
Présentée au salon de Detroit en janvier 1997, l'actuelle Corvette est dotée d'un nouveau V8 de 5,7 litres en aluminium. La répartition des masses a fait l'objet d'une sollicitude particulière avec le montage d'une boîte-pont arrière, tandis que le moteur était repoussé vers le centre de la voiture. L'empattement est le plus long de toutes les générations du modèle (2,66 mètres).
En cinquante ans, plus de 1,2 million de Corvette ont été produites. Un score qui méritait bien le lancement en 2002 d'une version " 50e anniversaire ". Belle, puissante et confortable, la Corvette du XXIe siècle se révèle digne du mythe né le 2 juin 1952, quand Harlow Curtice, Président de la General Motors, donna le feu vert à la construction du premier prototype.