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Mondial de Paris 2004
La course à la puissance
Jean-François Destin le 25/09/2004
En dépit d'un contexte difficile, la vitesse et la puissance continuent de faire vendre.
Si vous cherchez la voiture la plus puissante du Mondial de Paris, ne perdez pas de temps. Dirigez-vous directement vers le stand Bugatti dans le Hall 4. Là, trône pour la énième fois dans un salon, la EB 16 Veyron abritant un 16 cylindres de 1001 chevaux. Ce dragster de route, fruit de la mégalomanie de Ferdinand Piëch qui régna sans partage sur le groupe Volkswagen, dispose d’une telle horde qu’aucun ingénieur n’est parvenu jusqu’ici à le mettre au point pour atteindre l’objectif des 400 km/h ! Sans cesse repoussé, le lancement de la Veyron qui devrait intervenir fin 2005 traduit jusqu’à la caricature l’escalade à la puissance mettant aux prises les spécialistes allemands.
Au Mondial de Paris, les visiteurs en quête de sensations fortes vont vibrer devant les silhouettes félines des voitures de sport ou des concept-cars, telles la Ferrari 430 ou la 907 de Peugeot. Car en dépit d’un contexte difficile où l’automobile est accusée de tous les maux (pollution, consommation, encombrement des villes, insécurité, etc...), la vitesse et la puissance continuent de faire vendre. S’ils ont désormais l’interdiction d’en faire état dans leur campagne de publicité, les constructeurs savent que plusieurs centaines de chevaux annoncés et un compteur gradué au delà de 260 km/h entretiennent la passion et confortent l’image de la marque. Une image positive dont bénéficient les modèles de grande diffusion même les plus raisonnables en performances. Avec la M5 V10 de 500 chevaux, une des vedettes du Mondial, BMW a frappé fort en établissant un parallèle évident avec le V10 qui équipe les monoplaces BMW Williams de Formule 1. Histoire aussi de défier les V10 de la Lamborghini Gallardo ou de la Dodge Viper aux puissances quasi identiques.
Face à un renforcement des contrôles de vitesse, aux difficultés de circulation et à l’envolée du prix des carburants, les voitures supervitaminées et rapides constituent aux yeux de certains une provocation. Mais chez BMW, Audi, Mercedes et bien sûr au sein des grandes griffes sportives comme Ferrari, Maserati, Aston Martin ou Porsche, on vous dira qu’aux Etats Unis où la surveillance du trafic ne permet aucun écart de vitesse, les ventes de voitures à hautes performances se maintiennent malgré la crise économique. Même constat en Grande Bretagne où pourtant l’étroitesse du réseau et la lenteur d’un trafic ininterrompu n’incitent pas à la fantaisie.
Il y a une vingtaine d’années, un moteur de 250 chevaux constituait presque un sommet en grande série. Les progrès de l’électronique, de la métallurgie et des systèmes d’injection très sophistiqués profitent aujourd’hui à l’ensemble de la production et le modeste 1600 cm3 de la dernière petite Citroën C2 VTS par exemple sort 125 chevaux, la Renault Mégane RS à la livrée très discrète affichant 225 chevaux avec son 4 cylindres 2 litres. Même inflation des diesel avec, dernier en date, un V6 HDI 2.7l Peugeot/Ford qui délivre plus de 200 chevaux sous le capot de la Jaguar S-Type et de la 607.
Dès lors, on comprend mieux que les marques élitistes, allemandes pour la plupart, continuent de maintenir la distance en concevant des moteurs dépassant allègrement les 400 chevaux. Une escalade induite et entretenue par la rivalité incessante entre les grands groupes et notamment entre BMW, Mercedes et Audi. Comme le souligne Didier Maîtret, Président de BMW France, le savoir-faire du département M, en charge de l’élaboration des modèles de pointe, permet à la marque de se mettre en évidence sur les marchés à fort pouvoir d’achat que sont les émirats, les pays asiatiques, et bientôt la Chine.
Conséquence positive de cette confrontation visant à offrir toujours plus de chevaux que le concurrent : la consommation n’augmente pas au rythme des performances malgré une augmentation des poids. On assiste même au phénomène inverse puisqu’une BMW 760 6 litres V12 de 445 chevaux dépassant les 2 tonnes ne réclame que 13,6l de carburant en moyenne conventionnée. Le résultat d’une maîtrise de la gestion moteur dont profite aussi la dépollution.
Dans l’avenir, y aura t-il, sous l’influence de la commission de Bruxelles, une concertation entre les constructeurs pour fixer des plafonds de puissance ? Didier Maitret ne l’exclut pas mais reste dubitatif. Depuis plusieurs années, la plupart des marques allemandes se sont entendues pour brider électroniquement leurs modèles les plus rapides à 250 km/h. Il n’est pas interdit de penser que la puissance pourrait faire l’objet d’un même accord tacite.