Mondial de l'automobile 2006

La course à la puissance

Gilles Bonnafous le 10/10/2006

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Pourquoi construire des voitures surpuissantes capables de rouler à 250 km/h et plus alors que la vitesse est limitée à 130 ? La question paraît juste. L'affaire est plus complexe.

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Pourquoi construire des voitures surpuissantes, capables de rouler à 250 km/h et plus, alors que la vitesse est limitée dans la plupart des pays développés à 120 ou 130 km/h ?

La question ainsi posée a tout de la pertinence et de la sagesse. Elle apparaît toutefois un peu simpliste, car l’affaire est plus complexe. Un haut niveau de puissance associé à une mécanique de forte cylindrée permet un couple élevé. La souplesse du moteur qui en découle représente un élément essentiel de l’agrément de conduite.

 La course à la puissance  La course à la puissance

Surtout, la puissance est source de sécurité — naturellement, comme pour toute chose, l’abus peut en être dangereux. Le paradoxe n’est qu’apparent. Nous parlons de sécurité dynamique. D’abord, la puissance facilite le dépassement rendant cette manœuvre, la plus dangereuse de la conduite automobile, moins risquée en limitant le temps d’exposition au danger. Autre exemple, il s’avère nécessaire de toujours disposer d’une réserve de puissance pour échapper à un péril brusque. Elle permet d’accélérer vivement afin de se sortir du guêpier.

Mais la sécurité passive a aussi son coût : la prolifération des équipements destinés à protéger les passagers pèse lourd sur la balance. Les voitures ont subi au cours des dernières décennies un alourdissement considérable dû aux différents renforts de structure et à la multiplication des airbags qui tendent à transformer l’habitacle en cocon ouaté. Le recours à des matériaux légers, surtout l’aluminium, ainsi que les matières plastiques (éléments de carrosserie notamment) et le magnésium (en quantité très limitée) compense à peine de nos jours la prise de poids supplémentaire qu’induisent ces équipements. A titre d’exemple, une Clio pèse 1100 kilos (valeur moyenne des différentes versions), soit plus que la R 16, haut de gamme Renault il y a trente ans. La croissance de la puissance se doit de suivre cette évolution sous peine de transformer les automobiles en gastéropodes.

Cela posé, il est un seuil au-delà duquel la course à la puissance peut paraître vaine pour un usage routier — chacun étant libre d’acquérir un bolide pour se faire plaisir sur un circuit. Toutefois, la puissance ne peut être considérée dans l’absolu comme une valeur significative. Ce qui compte, c’est le rapport poids-puissance, qui seul rend compte des performances.

Pour une berline de classe moyenne bien motorisée, le rapport se situe aux alentours de 8 kg/ch. On peut considérer qu’on se situe là à un niveau de sagesse. C’est le cas de la plus rapide des Mégane (hormis la RS), la 2.0 dCi 150 (8,7 kg/ch) et de la BMW 320si, milieu de gamme Série 3 (8,2 kg/ch). A titre de comparaison, le nouveau coupé Mercedes CL 600, somptueuse GT au niveau de performances, de luxe et de sécurité exceptionnel, affiche 4,2 kg/ch (517 ch pour 2,2 tonnes). Quant à la nouvelle Audi R8, concurrence directe des Porsche, elle se prévaut de 3,71 kg/ch.

L’automobile a toujours constitué un achat irrationnel. Pour deux raisons au moins : passion de la belle mécanique et statut social. On n’acquiert pas une voiture comme une machine à laver. Pour longtemps encore ? Le spectre de la voiture bridée à 130 km/h se profile… Sachant que n’importe quel modèle aujourd’hui sur le marché dépasse largement cette limite.

Il est un fait en tout cas. L’automobile doit encore évoluer pour préserver son acceptabilité sociale. Elle doit réduire ses nuisances pour être « citoyenne ». Une puissance « irrationnelle » serait sans doute mieux tolérée si consommation et pollution étaient maîtrisées. Tel est l’actuel défi lancé aux motoristes.

Le débat pose plusieurs questions plus larges, de nature quasi philosophique : grand luxe et hautes performances sont-ils nécessaires ? Quid de la place de la passion et du rêve dans la vie des hommes ? Jusqu’où une société peut accepter les plaisirs individuels ? Et quel prix est-elle disposée à les payer ? Ce sont là les vraies questions que pose le débat sur le bridage des moteurs.

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