Saga Triumph
Fondé par deux Allemands installés en Grande-Bretagne, Triumph attendra 21 ans pour passer de la fabrication de motocyclettes à la construction de voitures.
sommaire :
Les Triumph d'avant guerre
Gilles Bonnafous le 29/11/2004
La première automobile Triumph est fabriquée en 1923, il s’agit du type 10/20 de 1,4 litre. L’année suivante, elle est épaulée par la 13/35, une quatre cylindres de 1,9 litre qui présente la particularité remarquable d’être la première voiture britannique équipée de freins hydrauliques — des Lockheed, sur les quatre roues. Suivront en 1927 la Super Seven, une 832 cm3, puis la Scorpion en 1931, motorisée par un surprenant petit six cylindres de 1,2 litre. En 1932, un moteur Coventry-Climax d’un litre à soupapes d’admission en tête et d’échappement latérales est monté sur la Super Nine. Celle-ci sera rejointe l’année suivante par la Ten, dont le Coventry-Climax de 1100 cm3 développe 33 ch.
Triumph Super Seven, 1931 D.R
Triumph Scorpion, 1932 D.R
La Gloria, qui apparaît en 1934, sera l’une des plus célèbres Triumph. Elle est disponible en deux versions de moteurs, un quatre cylindres 1100 cm3 de 40 ch et un six cylindres 1500 cm3 de 45 ch (puis 55 ch), également des Coventry-Climax. Des dérivés plus performants en seront développés, la Gloria Monte-Carlo (quatre cylindres de 48 ch), la Gloria Vitesse Four (50 ch) et la Gloria Vitesse Six (65 ch).
Rapidement, les Triumph s’illustrent en rallyes, en particulier aux mains expertes de Donald Healey. Dès la fin des années vingt, ce dernier court sur la Super Seven. Sa première victoire, il l’obtient en 1930 dans le rallye de Brighton au volant d’une Super Seven suralimentée. Le rallye de Monte-Carlo devient le terrain de jeu des Triumph, dont les sept machines engagées terminent l’épreuve en 1934. Avant que la Gloria, pilotée par Jack Ridley, remporte en 1935 la classe des voitures jusqu’à 1500 cm3 devant les Salmson, Peugeot et autres Lancia. Il faut dire que Donald Healey, le futur père des Austin Healey, a rejoint Triumph en 1933, dont il deviendra le directeur technique. Avec lui, les Triumph prennent un caractère plus sportif, marchant ainsi sur les plate-bandes des Riley et SS (Standard Swallow, futures Jaguar).
Triumph Gloria berline D.R
Triumph Gloria Monte-Carlo D.R
C’est Donald Healey qui est le créateur de la Dolomite en 1934, une voiture fantastique, peut-être une extravagance mais une machine unique dans l’histoire Triumph. La Dolomite est motorisée par un huit cylindres en ligne de deux litres à double arbre à cames en tête, copie conforme et assumée comme telle du 8 C 2300 Alfa Romeo ! Suralimenté par un compresseur de type Roots, il développe 120 ch à 5500 tr/mn, la transmission étant confiée à une boîte présélective Wilson. Lors d’essais réalisés à Brooklands par Donald Healey et Jack Ridley, la voiture est chronométrée à 177 km/h, tandis que le 400 mètres départ arrêté est couru en 17,8 secondes et le demi-mile en 28,6 secondes.
Triumph Gloria Southern Cross, 1934 D.R
Triumph Dolomite berline D.R
Construite en 1934 et 1935 et proposée à un prix astronomique, la Dolomite Straight Eight ne sera réalisée qu’en trois exemplaires (complets), le moteur étant pour sa part construit à six unités. Engagée au rallye de Monte-Carlo de 1935 et pilotée par Healey, la voiture partie du Nord de la Suède sera accidentée au Danemark dans la collision avec un train… Healey sortira indemne de l’aventure.
A partir de 1937, les moteurs Triumph à soupapes en tête s’ajoutent aux groupes Coventry-Climax. En 1938, la gamme comprend la Gloria 14 (quatre cylindres de 1800 cm3), la Vitesse 14/60 (1800 cm3 et 62 ch) et deux litres (six cylindres et 72 ch). A cet ensemble s’ajoute la Dolomite, un nouveau modèle de l’année, qui n’a rien à voir avec la huit cylindres mais emprunte simplement le nom prestigieux de son illustre aînée. La voiture existe en trois cylindrées, 1500 cm3 et 1800 cm3 (quatre cylindres), et deux litres (six cylindres).
Triumph Dolomite Straight Eight D.R
Triumph Dolomite roadster D.R
Triumph Dolomite cabriolet D.R
Avec sa calandre en forme de chute d’eau inspirée des Hudson 1936, la Dolomite est l’une des plus attachantes Triumph de l’entre-deux-guerres. Son design très réussi, dont la partie arrière évoque les SS, est dû à Walter Belgrove, le styliste de Triumph de 1933 à 1955. La marque vend la voiture sous le slogan « The appeal of quality and good taste », un avis qui ne sera pas partagé par tout le monde. Le décor original de la face avant sera en effet controversé, cette intrusion du goût américain paraissant incongrue dans le contexte de l’Angleterre des années trente (du moins aux yeux de certains esprits conservateurs). Le modèle existe en plusieurs versions de carrosserie, berline, berline Royal — la plus luxueuse Triumph produite jusqu’alors —, cabriolet et roadster. Particulièrement réussi, ce dernier apparaît comme l’une des plus belles voitures anglaises des années trente. Son siège spider à deux places sera repris après la guerre par le roadster 1800.
Triumph fait le ménage dans son offre pour 1939. Exit les Gloria et Vitesse. Si la Dolomite est toujours disponible dans ses trois cylindrées, une nouvelle berline économique est lancée en bas de gamme, la Twelve. Motorisée par un 1500 cm3 et dotée d’une calandre conventionnelle (contrairement à la Dolomite), la voiture illustre le souci de Triumph de proposer un modèle à bas prix pour toucher une clientèle plus large et se sortir des difficultés financières. Mais ces efforts tardifs ne suffiront pas à rétablir une situation obérée depuis des années par les dettes et l’entreprise sera mise en faillite en 1939.