Saga Porsche
Motorlegend vous propose un gros plan sur Porsche, la prestigieuse marque de Stuttgart, qui connaît depuis plusieurs années un brillant renouveau.
sommaire :
PORSCHE 356
Gilles Bonnafous le 23/05/2001
D'origine plébéienne, la première Porsche va s'ériger en un archétype de voiture sportive. De débuts artisanaux au triomphe commercial universel aussi bien qu'à la gloire sportive, où réside le secret d'une telle réussite ?
Originaire des Sudètes, Ferdinand Porsche commence sa carrière en Autriche chez Lohner, puis à l'Austro-Daimler, où il côtoie un autre immense ingénieur, Hans Ledwinka, le père des Tatra. Créateur aux idées originales, il se met à son compte en 1931 en créant son propre bureau d'études. Il travaille alors pour Auto Union et Mercedes-Benz, avant de créer pour le Reich et à la demande de Hitler la Volkswagen Coccinelle. C'est donc en concevant des véhicules pour le compte de ses clients que Ferdinand Porsche a acquis son exceptionnelle réputation.
Ferdinand et Ferry Porsche aux côtés du proto 356. D.R
Premier prototype 356 D.R
Quant à la marque Porsche proprement dite, son développement sera l'œuvre de son fils, Ferry. Du reste, Ferdinand Porsche décédera en janvier 1951. Il n'en reste pas moins que la première Porsche, la 356, doit tout aux idées du célèbre professeur.
La modeste genèse de la 356 apparaît hautement significative et riche d'enseignements. Porsche a su profiter d'un moment privilégié - l'époque de l'après-guerre propice aux idées nouvelles - pour concevoir un modèle sportif dérivé d'une voiture populaire, la Coccinelle. Car, si après le cataclysme mondial l'avenir appartient aux petites voitures économiques, les voitures de sport modernes se feront aussi, et pour une large part, sur cette base. En France, Jean Rédélé sera avec ses Alpine l'un des rares constructeurs de voitures sportives à l'avoir compris.
Le destin hors du commun de la Porsche 356 est aussi l'histoire d'une longue métamorphose. D'origine plébéienne, la première Porsche va s'ériger en un archétype de voiture sportive. De débuts artisanaux au triomphe commercial universel aussi bien qu'à la gloire sportive, où réside le secret d'une telle réussite ? Et comment Stuttgart est-il parvenu à cet Olympe, alors que les Français, bien que proposant des produits voisins, ont échoué (Alpine, DB, René Bonnet et CG) ? D'autant que la 356 a toujours conservé certains défauts de son inspiratrice, moteur bruyant, confort relatif et surtout tenue de route très particulière, voire aléatoire.
La réponse à cette question passe sans doute par son look de sportive pure et dure entièrement tendue vers la performance. Une image crédibilisée par les nombreux succès sportifs glanés sur les pistes et les routes du monde. Au brio des performances s'ajoute une remarquable fiabilité, qui fait de la 356 une voiture utilisable au quotidien.
Ferry Porsche à l'intérieur de la 356 Dodge
Usine Porsche D.R
Mais ces qualités objectives ne suffisent pas à expliquer la passion qu'a suscitée la 356. Nous pensons qu'un tel engouement doit beaucoup à l'originalité, qui la singularise dans tous les aspects de sa conception et qui lui confère une très forte personnalité. La Porsche est essentiellement différente et aucune voiture ne lui ressemble.
Aux Etats-Unis, cette différence prend une ampleur particulière et devient une véritable opposition. Car on ne peut imaginer deux types de voitures plus antinomiques qu'une américaine et une 356. Ainsi parée du charme du contraire, elle va séduire les Américains. Et bien que se situant aux antipodes de l'american way of driving, elle va conquérir le marché d'outre-Atlantique.
Habillé de formes rondes et lisses, le mythe naît sous les traits d'un scarabée. Mais pour sortir d'un style devenu archaïque et redresser une ligne dont on ne peut nier une certaine mollesse, l'évolution stylistique de la 356, parallèle à celle de la Coccinelle, donnera quelques angles à la voiture. Aussi habiles que discrètes, ces retouches sauvegarderont toutefois l'originale et attachante personnalité de la voiture.
Ferdinand et Ferry Porsche devant la table à dessin D.R
Ferry Porsche D.R
L'histoire de la 356 débute en Autriche. Car en 1944, l'activité de Porsche a été déplacée de Stuttgart vers Gmünd, en Carinthie. C'est là que sera conçue la 356. En l'absence de son père incarcéré en France, Ferry Porsche développe en 1947 un roadster à châssis tubulaire et carrosserie en aluminium. La voiture est équipée de l'ensemble moteur et boîte de vitesses de la Coccinelle placé en position centrale arrière. A la Volkswagen, il emprunte aussi de nombreux éléments mécaniques comme la direction et les trains roulants.
Prêt pendant l'été 1948, ce prototype construit à un seul exemplaire ne connaîtra pas de suite, le châssis étant jugé trop coûteux à réaliser. Mais il convient de souligner que l'origine de cette voiture remonte à l'avant-guerre. Dès cette époque, Ferdinand Porsche avait souhaité développer une version sportive de la KdF, future Volkswagen. En attestent deux projets de coupé aérodynamique à moteur central datant de 1938, les types 114 et 64. Ce dernier a même été construit en trois exemplaires pour la course de l'Axe Berlin - Rome de 1939 (annulée pour cause de guerre).
Le second prototype de la 356, qui est aussi le premier coupé, est réalisé, toujours en alliage léger, sur la plate-forme de la Coccinelle. Plus rigide et plus économique, cette dernière a été préférée au châssis tubulaire, tandis que, pour des raisons pratiques, le moteur était placé en porte-à-faux arrière - soit l'architecture de la Volkswagen. Toujours à Gmünd, est réalisée une pré-série fabriquée à la main de 23 coupés et 23 cabriolets qui seront carrossés par différents spécialistes à Vienne et en Suisse (Beutler en particulier). A l'origine, Porsche ne pensait pas fabriquer des voitures en série. Mais rapidement a germé l'idée de démarrer une activité de constructeur. Et c'est en mars 1949, au Salon de Genève, qu'intervient la première présentation publique de la 356. En avril 1950, débute la construction en série du coupé tout acier chez le carrossier Reutter à Zuffenhausen, dans la banlieue nord de Stuttgart.
Moteur boxer 4 cylindres D.R
Porsche 356 American Roadster D.R
La 356 emprunte donc beaucoup à la Coccinelle. Outre sa plate-forme et sa suspension à barres de torsion, elle en reçoit le quatre cylindres à plat refroidi par air dans une cylindrée ramenée à 1086 cm3. Ainsi gréée avec quarante modestes chevaux (140 km/h), la 356/1100 poursuivra sa carrière jusqu'en 1954. Dès avril 1951, est lancée la version 1300 et à l'automne de la même année, apparaît le premier 1500 cm3 de 60 ch.
C'est en octobre 1952 que naît la 1500 Super, dont la puissance, désormais respectable, atteint 70 ch. Evènement majeur, la boîte de vitesses à quatre rapports bénéficie enfin de la fameuse synchronisation Porsche. Enfin, cette année est marquée par l'apparition du légendaire American roadster réalisé à la demande de Max Hoffmann, l'importateur Porsche aux Etats-Unis. Il préfigure le Speedster qui apparaîtra en septembre 1954.
A l'automne 1955, la 356 cède la place à la 356 A. Plus confortable, cette seconde génération s'organise (hors Carrera) autour de deux moteurs, l'ancien 1300 et un nouveau 1600 cm3. Elle se décline en quatre modèles : 1300 de 44 ch, 1300 S et 1600 qui partagent la même puissance de 60 ch, et 1600 S de 75 ch. La 356 A est toujours livrable en coupé, cabriolet et Speedster.
Si les puissances sont encore relativement modestes, on ne peut en dire autant des modèles Carrera, une prestigieuse et très marginale série inaugurée avec la 1500 GS, dont les 100 ch permettent d'atteindre 200 km/h (une mécanique sophistiquée dévoilée au salon de Paris de 1953 sur le spider 550 RS). En 1957, sera introduite une version GT poussée à 110 ch.
Porsche 356 A 1600 Cabriolet D D.R
Porsche 356 B 1600 Roadster D.R
Troisième génération du modèle, la 356 B fait son apparition à l'automne 1959. Elle se singularise par de nombreuses retouches esthétiques, dont la plus importante concerne le relèvement du niveau des pare-chocs. Côté mécanique, le moteur 1300 disparaît, laissant le monopole au 1600 décliné en trois versions : 60 ch, Super 75 (75 ch) et Super 90 (90 ch). Les Carrera connaissent une nouvelle évolution avec une cylindrée portée à deux litres, la Carrera 2 2000 GS voyant sa puissance passer à 130 ch.
Dernière évolution de la lignée, la 356 C, lancée en juillet 1963, correspond pratiquement à la dernière version de la 356 B. Ne subsistent plus que trois versions de moteurs, la 1600 C de 75 ch, la 1600 SC de 95 ch et la Carrera 2, qui trône toujours au sommet.
Porsche 356 C Cabriolet D.R
Porsche 356 Speedster D.R
Ainsi, grâce à une politique de petits pas, qui lui a assuré une lente mais régulière montée en puissance, la 356, née avec 40 ch en 1950, culmine douze ans plus tard à 130 ch avec une cylindrée presque doublée. Le dernier exemplaire de la 356 C quittera la chaîne en avril 1965, soit un an après le lancement de la 911. Mais la 356 se survivra à elle-même à travers ce nouveau modèle qui en constitue une extrapolation.