Saga Morgan
Une Morgan n'est ni une voiture ancienne, ni une réplique. C'est autre chose. En vérité, c'est un cas, échappant à toutes les étiquettes et classifications.
sommaire :
Histoire : Les trois-roues Morgan
Gilles Bonnafous le 31/05/2006
En 1908, HFS Morgan achète un moteur de moto, un bicylindre en V Peugeot de sept chevaux, qu’il monte transversalement sur un trois-roues à châssis tubulaire. Le premier cyclecar Morgan est né.
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La première Morgan porte déjà les traits qui caractériseront pour toujours les productions de la marque : châssis rigide, légèreté (350 kilos) et suspension avant indépendante à guidage vertical, un brevet Morgan. Adoptée par Lancia sur sa révolutionnaire Lambda, cette dernière équipe encore les Morgan d’aujourd’hui à l’exception de l’Aero 8. Autre élément décisif, le rapport poids-puissance très favorable de 90 ch à la tonne offre à ce véhicule intermédiaire entre l’automobile et la moto des accélérations aussi rapides que n’importe quelle voiture du moment. Ce parti pris de légèreté sera le credo de Colin Chapman un demi-siècle plus tard.
Construits dès 1910, soit deux ans avant la création de la Morgan Car Company, les trois-roues sont équipés de moteurs de moto, surtout des bicylindres en V JAP à refroidissement par air. Ils sont dotés de deux vitesses, la transmission finale à la roue arrière se faisant par chaîne. Moyennant supplément, ils recevront également des mécaniques à refroidissement liquide JAP, Blackburne, MAG et Anziani de cylindrées de 1000 cm3 ou 1100 cm3.
Simples mais bien construits, les trois-roues Morgan constituent un moyen de transport bon marché, qui s’adresse aux gens n’ayant pas les moyens de s’offrir une automobile. Ils remportent un vif succès, aiguisé par les nombreux lauriers qu’ils glanent en compétition, courses de côtes et trials, ces épreuves typiquement britanniques, sorte de cross country avec tout ce qu’il faut de boue et de pierres… Ils y font la démonstration de leur remarquable stabilité, bien supérieure aux trois-roues à roue avant unique comme le Reliant Robin. Une qualité qu’ils doivent notamment à leur voie avant large.
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La notoriété de la marque monte en flèche quand Gordon McMinnies, un journaliste de la revue Cyclecar, remporte en 1913 le Grand Prix des cyclecars couru à Amiens. Cet exploit, qui donne naissance au modèle baptisé Grand Prix, vaut à la firme un afflux de commandes, notamment de France, où, à partir de 1919, les Morgan sont construits sous licence par Darmont à Courbevoie. Paul Houel signe également une victoire mémorable sur le circuit de l’Eure en 1919. Les trois-roues battent encore des records de vitesse, à l’image des 168 km/h réalisés en 1924 par un modèle préparé à moteur Blackburne.
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Pour faire face à la demande, surtout dans le contexte de l’après-guerre qui favorise les moyens de transport bon marché, Morgan s’installe dans une nouvelle usine située dans la Pickersleigh Road à Malvern Link. Cinquante véhicules y sont fabriqués par semaine. En 1923, la production atteindra 2400 unités.
Cette situation particulièrement favorable ne va pas résister à la nouvelle concurrence des voitures populaires, dont l’Austin Seven est l’image emblématique. Cela s’ajoutant à la crise économique des années trente, Morgan n’aurait pu subsister sans une baisse drastique de ses prix de vente. La marque pratique aussi la politique des suppléments afin d’afficher une version de base à prix très compétitif.
Les trois-roues Morgan constituent une gamme de modèles couvrant de larges besoins de la clientèle. Une sorte de camionnette commerciale est même disponible. En 40 ans de carrière, ils changeront relativement peu. On note néanmoins quelques progrès techniques, dont les freins à l’avant (en option à partir de 1923), les projecteurs et le démarreur électriques. En 1931, ils reçoivent une transmission à trois vitesses avec marche arrière et un embrayage monodisque en lieu et place du vieux cône. Le modèle Super Sport Aero à moteur culbuté succède en haut de gamme au Grand Prix. A partir de 1934, les Matchless V-twin culbutés ou latéraux, à refroidissement à air ou liquide, se substituent définitivement aux JAP.
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Le dernier chapitre de l’histoire des trois-roues Morgan s’écrit à partir de 1933 avec les modèles motorisés par un quatre cylindres. Après qu’un prototype à moteur Coventry Climax a existé en 1929, c’est finalement un Ford qui est choisi. Il marque le début d’une collaboration qui dure encore de nos jours. Equipé de soupapes latérales, mais d’une culasse spéciale en aluminium à taux de compression plus élevé, ce groupe de 933 cm3 développe 33 ch et permet au Type F de dépasser les 100 km/h. La boîte de vitesses reste à l’arrière et la transmission finale se fait toujours par chaîne.
Le Type F est doté d’un nouveau châssis à longerons en forme de Z, d’un empattement allongé, d’une voie avant élargie et de freins sur les trois roues. Sa proue ressemble à celle d’une automobile avec une calandre conventionnelle entourant le radiateur, le moteur étant monté en arrière de l’essieu avant (et non devant comme sur les V-twin) et disparaissant donc sous un capot classique. Pour la première fois chez Morgan, la carrosserie se voit gratifiée de portes. Les V-twin ne disparaissent pas pour autant, qui continuent à être construits en parallèle du Type F considéré comme un haut de gamme.
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En 1935, le Type F2, construit à côté du premier modèle désormais baptisé F4, reçoit un Ford de 1,2 litre. Ce groupe motorisera également le F Super Sports en 1938. Mais, en 1935, une réforme du gouvernement britannique a porté un coup sévère aux trois-roues en réduisant l’avantage fiscal dont ils bénéficiaient jusqu’alors sur les automobiles. D’où le lancement en 1936 de la première Morgan 4/4. La production des trois-roues tombera à 29 unités en 1939. Après la guerre, ils seront construits au compte-gouttes et uniquement en quatre cylindres. Le dernier sortira d’usine en 1951.
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