Saga Maserati
Créé en 1914 par six frères, Maserati est l'archétype du constructeur de voitures de sport issues de la course. Ce n'est qu'après la Seconde Guerre mondiale que Maserati viendra à la production de GT concurrentes des Ferrari.
sommaire :
Histoire : Maserati en compétition avant-guerre
Gilles Bonnafous le 09/05/2003
Après avoir fait ses premières armes au volant d'une Isotta-Fraschini modifiée, la Tipo Speciale, Alfieri Maserati pilote la Tipo 26 à la Targa Florio de 1926. En ce 25 avril, nous assistons à la première course de la première Maserati, une huit cylindres en ligne (double arbre à cames en tête) suralimentée de 1500 cm3 qui développe 120 ch à 5300 tr/mn. Elle remporte sa catégorie. L'année suivante, toujours en Sicile, la 26 B, évolution en deux litres de son aînée (également construite en version Sport biplace), prend la troisième place de l'épreuve. Les voitures au trident s'imposent dans de nombreuses courses de la péninsule, grâce notamment à Baconin Borzacchini et Ernesto Maserati, ainsi qu'à des pilotes clients comme Diego de Sterlich et surtout Luigi Fagioli. Le palmarès Maserati est lancé. La marque est sacrée championne d'Italie en fin de saison - elle le sera à de nombreuses reprises par la suite.
1926 Tipo 26 D.R
1927 Tipo 26B D.R
En 1928, la 26 R (une 1700 cm3) fait ses débuts au Grand Prix d'Italie, où elle affronte la dure concurrence des Bugatti et Alfa Romeo. C'est deux ans plus tard que Maserati remporte son premier Grand Prix grâce à la V4, une audacieuse monoplace motorisée par un V16 très étroit (25°) obtenu par l'accouplement de deux blocs de 26 B (quatre litres et 280 ch). Apparue à Monza en 1929, elle permet à Borzacchini de remporter le Grand Prix de Tripoli de 1930. A son volant, Fagioli s'imposera à Rome l'année suivante. La V4 s'illustre également en vitesse pure. Le 1er juillet 1929, pilotée par Borzacchini sur le circuit de Crémone, elle bat le record mondial de vitesse de sa catégorie sur dix kilomètres lancés à 246 km/h. L'exploit aura un retentissement considérable et il contribuera à attirer encore plus à la marque de Modène les nombreux gentlemen drivers de l'époque.
1927 Tipo 26B Mille Milles D.R
1929 Tipo V4 D.R
A la puissante V4 s'adjoint en 1930 la 26 M (ou 8 C 2500), le chef-d'œuvre d'Alfieri Maserati. Réalisée en deux versions, Grand Prix et Sport, elle reçoit un huit cylindres à compresseur de 2,5 litres développant 185 ch. Après avoir raté de peu la victoire aux Mille Milles (avec Arcangeli), elle s'impose dans le Grand Prix de Rome de 1930, où triomphe également, dans la catégorie des voiturettes, la petite 26 C de 1100 cm3 (105 ch) pilotée par Alfieri Maserati. Dès lors, les victoires s'enchaînent, d'autant que le grand Achille Varzi, quittant la Scuderia Ferrari où sa coexistence avec Tazio Nuvolari s'avère problématique, vient renforcer l'équipe Maserati. Le Grand Prix de Monza se termine par un triomphe du Trident, qui monopolise le podium (victoire de Varzi). Fruit du réalésage du bloc de la 26 M, la 8 C 2800 (205 ch) s'adjuge le Grand Prix de Monza de 1931 grâce à Fagioli - qui avait dominé le Grand Prix de l'ACF à Montlhéry jusqu'à ce qu'une défaillance des freins ne compromette ses chances.
1930 Tipo 26 M (ou 8 C 2500) D.R
Tipo 26 C (ou 8 C 1100) D.R
Remplaçant la 26 C (ou 8 C 1100), la 1100 4 CTR est lancée à la fin 1931. C'est une voiture agile à la mécanique moins complexe et moins onéreuse pour la clientèle des pilotes que celle de sa devancière (quatre cylindres 1100 cm3 suralimenté de 110 ch). Elle est aussi la dernière Maserati conçue par Alfieri, qui meurt en mars 1932. Mais quelques semaines plus tard, la nouvelle V5 s'impose dans le Grand Prix de Rome (Luigi Fagioli). Il s'agit d'une 16 cylindres dérivée de la V4, un monstre de cinq litres et 330 ch pour à peine plus de 1000 kilos. La suite sera moins heureuse et la voiture, confrontée à l'invincible Alfa Romeo P3 de Tazio Nuvolari (retourné chez l'adversaire de Milan), devra se contenter de places d'honneur. La 4 CTR devient 4 CM (4 CS en version Sport) en 1932. Outre les nombreuses victoires que la voiturette comptera à son actif, elle s'adjugera quatre succès de classe aux Mille Milles, Taruffi et Bertocchi terminant même cinquièmes au scratch en 1934 devant des machines nettement plus puissantes.
1932 Tipo V5 D.R
1932 Maserati 4 CM 1100 D.R
Si Maserati brille avec ses petites 1100, la marque cherche à retrouver sa compétitivité perdue dans la classe supérieure. Tel est l'objectif assigné à la 8 CM pour la saison 1933. Et pour piloter cette nouvelle huit cylindres de trois litres et 220 ch, on fait appel aux as des as que sont Giuseppe Campari et Tazio Nuvolari : le premier gagne le Grand Prix de l'ACF à Montlhéry, le second s'impose dans le Grand Prix de Belgique (à Spa) et à Nice. L'embellie sera de courte durée. Avec la nouvelle réglementation de 1934 (la formule du poids limité à 750 kilos en vigueur jusqu'en 1937), entrent en scène Mercedes et Auto Union, qui, avec les moyens considérables dont ils disposent, ne vont laisser que des miettes à leurs adversaires. Maserati n'obtiendra que des résultats de second plan, comme les deuxièmes places de Philippe Etancelin aux Grands Prix du Maroc, de Montreux et de Nice en 1934 : il connaîtra néanmoins la victoire à Dieppe. En 1935, la participation du Trident aux Grands Prix se limite à celle de la Scuderia Subalpina, créée par le comte Luigi della Chiesa, et dont les pilotes sont Zehender et Etancelin.
GP de Dieppe 1934 : Etancelin sur 8 CM s'apprête à dépasser Chiron sur Alfa Romeo P3. D.R
Usine de Pontevecchio 1933 : autour de la nouvelle 8 CM, de gauche à droite, Ernesto Maserati, Raymo D.R
Pour tenter de contrer l'impressionnante domination allemande, Maserati met au point une voiture moderne à quatre roues indépendantes et à l'aérodynamique sophistiquée, la V8 RI, motorisée par un V8 de 4,8 litres et 320 ch. Elle échouera en raison de problèmes de tenue de route. Les seules victoires de la saison 1936 seront pour Etancelin au Grand Prix de Pau sur la V8 RI et pour Dick Seaman au Grand Prix de Donington sur une 8 CM 2700.
1936 Maserati V8 RI D.R
1935 Maserati V8 RI D.R
Maserati se détourne des Grands Prix. En cette période par contre, la marque accumule les succès dans les courses de 1100 cm3 et 1500 cm3, qui, d'année en année, gagnent en popularité et où Maserati glane des titres de champion d'Italie. Le Trident fait donc porter ses efforts sur cette catégorie, qui devient le fonds de commerce de l'entreprise. Conçue par Ernesto Maserati, la nouvelle 6 CM doit garder à Maserati la position privilégiée que la firme a acquise. Elle reçoit un six cylindres de 1,5 litre et 155 ch. Si son châssis dérive de la V8 RI, avec une suspension avant indépendante à barres de torsion, la 6 CM possède un essieu arrière rigide. La puissance évoluera jusqu'à 175 ch au cours des quatre années de vie du modèle. Après avoir débuté dans la Coupe du Prince Rainier, couru en prélude au Grand Prix de Monaco de 1936, elle se révélera très performante, sa principale rivale étant l'ERA anglaise.
1936 Maserati 6 CM D.R
Le moteur de la maserati 6 CM D.R
Avec le nouveau règlement des Grands Prix instauré en 1938 (4,5 litres atmosphérique ou 3 litres suralimenté), Maserati revient à la formule reine. Une nouvelle monoplace est construite, toujours à roues avant indépendantes et essieu arrière rigide. De son huit cylindres de trois litres à double compresseur sortent 350 ch. Baptisée 8 CTF, elle est intronisée au Grand Prix de Tripoli, conduite par Carlo Felice Trossi et Achille Varzi fraîchement engagés. Les deux pilotes abandonneront, non sans avoir donné une belle réplique aux Mercedes. Par contre, pilotée par Taruffi, la 6 CM gagne en catégorie 1500 cm3. Ce résultat résume ce que sera la saison. Maserati sera la seule marque à opposer une vraie résistance aux surpuissantes machines allemandes, sans toutefois pouvoir s'imposer. En voiturettes, la marque raflera tous les lauriers, ainsi qu'un nouveau titre de champion d'Italie pour Gigi Villoresi.
1938 Maserati 6 CM D.R
Maserati 6 CM D.R
Pour conserver l'avantage sur la concurrence en classe 1500, en particulier face à la redoutable Alfa Romeo 158, Ernesto Maserati conçoit en 1939 la remplaçante de la 6 CM, la 4 CL (pour 4 Cylindres en Ligne). Son moteur moderne (carré, 78 X 78 millimètres) à quatre soupapes par cylindre et compresseur développe 220 ch à 8000 tr/mn pour 630 kilos ‹ le châssis reprend la suspension mixte de la 6 CM. La 4 CL est engagée dans le célèbre Grand Prix de Tripoli de 1939, passé à la formule des voiturettes pour tenter de faire gagner une voiture italienne ! L'affaire est bien engagée, Gigi Villoresi réussissant le meilleur temps des essais au volant d'une voiture à la carrosserie spécialement carénée par les Etablissements Farina. Las ! La fameuse Mercedes W 165 hâtivement réalisée pour la course s'impose dès sa première sortie, réalisant même le doublé avec Hermann Lang et Rudi Caracciola ! Maserati se rattrape dans la péninsule, où, à titre d'exemple, la marque monopolise le plateau de la Targa Florio (victoire de Villoresi). Quant à la 8 CTF passée à 366 ch, elle obtiendra sa meilleure performance de la saison 1939 en prenant une belle troisième place au Grand Prix d'Allemagne.
Maserati 4 CL 1500 D.R
1938 Maserati 8 CTF D.R
La même année, la 8 CTF connaîtra une gloire inattendue aux 500 Miles d'Indianapolis. Vendue outre-Atlantique et rebaptisée " Boyle Special ", une voiture, pilotée par Wilbur Shaw, s'impose dans la reine des épreuves américaines. Il s'agit même de la première victoire d'une machine européenne sur le célèbre ovale depuis le succès de Peugeot. A la surprise générale, Wilbur Shaw récidivera l'année suivante, faisant de Maserati le seul constructeur italien à avoir réussi telle prouesse. De plus, l'exploit faillit bien être renouvelé en 1941, ce qui aurait constitué une première dans l'histoire d'Indianapolis - la 8 CTF abandonnant sur rupture d'une roue…
Maserati 8 CTF D.R
Maserati 8 CTF D.R