Saga Ferrari
Des modestes débuts de 1947 aux 12 titres de Formule 1 Pilotes remportés à ce jour, le mérite de cet itinéraire d'exception revient à un homme, Enzo Ferrari, créateur de la marque aux 5000 victoires.
sommaire :
FERRARI 2 Plus 2
Gilles Bonnafous le 28/11/2002
Si, au cours des années cinquante, quelques Ferrari - des commandes spéciales - furent dotées d'un espace (exigu) derrière les sièges, c'est à partir de 1960, avec la 250 GTE, que les 2 + 2 devinrent une tradition de la marque. Bien que ces " familiales " soient regardées aujourd'hui avec condescendance par les puristes, elles apparurent vite comme une spécialité de Maranello. Mieux, le succès considérable qu'elles rencontrèrent en fit les vaches à lait du cheval cabré. A titre d'exemples, la 250 GTE et la 330 GT 2 + 2 ont représenté à l'époque plus de 50% de la production de la firme.
En 1960, la première apparition de la 250 GTE a pour cadre les 24 Heures du Mans, où l'un des prototypes apparaît comme voiture de la direction de course (pace car). Un important travail a été réalisé pour adapter la 250 GT à sa nouvelle vocation. En particulier pour dégager l'espace tout en conservant le même empattement de 2,60 mètres. A cette fin, on a développé un nouveau châssis, où le moteur est avancé de vingt centimètres et les voies élargies. La longueur gagne trente centimètres. La voiture est motorisée par la dernière évolution du V12 de la 250 GT (240 ch à 7000 tr/mn), tandis que la boîte de vitesses à quatre rapports reçoit un overdrive électrique Laycock de Normanville. Quant à la tenue de route, elle s'avère tout à fait excellente malgré son caractère sous vireur dû à l'avancement du moteur.
Ferrari 250 GTE 1961 D.R
Ferrari 250 GTE 1961 D.R
Le passage au gabarit 2 + 2 a été remarquablement réussi par Pinin Farina et la 250 GTE est une merveille d'équilibre. Grâce à un traitement habile, elle a gardé un profil racé malgré la prise d'embonpoint et la hauteur de la partie postérieure du pavillon. Ainsi, la ligne de toit horizontale, nécessaire au confort des passagers arrière, est-elle compensée par le dessin plongeant des vitres latérales qui fait illusion. A l'intérieur, les sièges arrière offrent deux places supplémentaires pour des adultes de taille moyenne.
Exposée au salon de Paris de 1960, la 250 GTE connaîtra un très grand succès, permettant à Ferrari de toucher une nouvelle clientèle. En 1961, la gamme 250 GT est ainsi constituée de quatre modèles : berlinette (en deux versions, course et route), GTE, cabriolet Pinin Farina et spider California. Mais près de 70% des ventes Ferrari de l'année reviendront à la GTE !
Ferrari 250 GTE 1964 D.R
Ferrari 250 GTE 1964 D.R
Construite à 950 exemplaires, la 250 GTE s'efface à la fin 1963 devant la 330 America, qui cache un moteur de 4 litres sous la même carrosserie. Produite à une vingtaine d'exemplaires pendant quelques semaines, cette dernière cède aussitôt la place à la 330 GT 2 + 2.
Présentée à la presse en janvier 1964 à Maranello, la 330 GT 2 + 2 a la redoutable tâche de succéder à un best seller. La voiture est profondément renouvelée. L'empattement est allongé de cinq centimètres (2,65 mètres) et le moteur de quatre litres est l'héritier du 400 SA, mais profondément remanié. Pour supporter la puissance, qui passe à 300 ch, la transmission a été renforcée, l'overdrive Laycock de Normanville étant désormais débranché lorsque la quatrième est désengagée.
Ferrari 330 GT 1964 D.R
Ferrari 330 GT 1964 D.R
Avec une ligne plus galbée, mais aussi plus massive, le design de la 330 GT apparaît moins convaincant que celui de sa devancière. La face avant cède à la mode des quatre phares, une tendance très en vogue à cette époque et qui vient d'outre-Atlantique, où elle a été introduite en 1958. Par contre, l'habitacle gagne en confort grâce à l'espace arrière allongé d'une dizaine de centimètres.
En 1965, la voiture subit une cure de modernisation technique : l'overdrive Laycock est abandonné au profit d'une nouvelle boîte de vitesses à cinq rapports synchronisés. Quelques retouches esthétiques accompagnent ce progrès, dont on retiendra l'abandon des quatre projecteurs. Parallèlement, de nouvelles roues en alliage léger remplacent les classiques Borrani à rayons (qui demeurent en option). Et pour améliorer le confort du conducteur comme celui des passagers, la 330 GT peut être équipée d'une bourgeoise direction assistée ainsi que d'un conditionnement d'air.
La carrière de la 330 GT prend fin en 1967 avec le lancement de la 365 GT 2 + 2 au salon de Paris. En l'espace de quatre ans, elle a été fabriquée à un millier d'exemplaires, confirmant ainsi le succès de la formule 2 + 2 inaugurée par la 250 GTE.
Ferrari 330 GT 1966 D.R
Ferrari 330 GT 1966 D.R
Une réussite que va prolonger la 365 GT 2 + 2 avec des avancées dans le domaine du confort, plus raffiné, et des performances, encore plus brillantes. Car pour " familiales " qu'elles soient, pour reprendre la raillerie de certains esprits moqueurs mais peu pertinents, les Ferrari 2 + 2 n'ont rien de voitures de pères de famille. Elles restent des Ferrari, c'est-à-dire des GT à hautes performances.
Avec sa ligne fine et élancée, la 365 GT 2 + 2 possède une allure nettement plus sportive que ses devancières. Son design emprunte à la fois à la 500 Superfast - en particulier le masque avant pointu - et à la 330 GTC spéciale réalisée pour la Cour de Belgique et exposée par Pininfarina au salon de Bruxelles de 1967 - dont trois copies seront exécutées. Dotée d'un important porte-à-faux arrière, la voiture atteint les cinq mètres de longueur !
Ferrari 365 GT 1967 D.R
Ferrari 365 GT 1968 D.R
Cette superbe GT inaugure par ailleurs un nouveau moteur, qui équipera par la suite la 365 GTC. Porté à 4,4 litres par réalésage, le V12 gagne vingt chevaux (320 ch). Mais c'est l'agrément de conduite qui a été recherché en priorité avec un couple qui fait un bond en avant, passant de 33,2 mkg à 37 mkg. La vitesse de pointe s'établit à 240 km/h. La boîte de vitesses à cinq rapports est identique à celle de la 330 GT seconde version - la voiture est équipée d'un différentiel autobloquant.
Si elle conserve le même empattement que sa devancière, la 365 GT 2 + 2 reçoit, pour la première fois sur une Ferrari 2 + 2, une suspension à quatre roues indépendantes. Il s'agit du système adopté en 1964 sur les GTB et GTS et repris sur la GTC, complété par un dispositif oléopneumatique assurant une assiette constante quelle que soit la charge (selon que les places arrière sont occupées ou non). Autres premières, la direction assistée et l'air conditionné sont désormais montés en série, tous équipements fort appréciés aux Etats-Unis, marché capital pour Maranello.
Cédant la place sur les chaînes de montage à la 365 GTC/4 au début de 1971, la 365 GT 2 + 2 aura été construite à 800 exemplaires en un peu plus de trois ans (soit plus de 50% de la production Ferrari). Ce n'est qu'au salon de Paris de l'année suivante qu'apparaîtra sa remplaçante, la 365 GT4.
Ferrari 365 GT 1969 D.R
Ferrari 365 GT 1969 D.R
Après une interruption de 18 mois de la production des Ferrari 2 + 2, la 365 GT4 comble le vide laissé par l'arrêt de la production de la 365 GT. Techniquement, la voiture dérive étroitement de la 365 GTC/4 - seule différence notable, l'empattement a été allongé de vingt centimètres. Elle en reprend le V12 de 4,4 litres à quatre arbres à cames en tête (un seul arbre à cames en tête par rangée de cylindres équipait les précédents moteurs), d'où l'appellation 365 GT4 2 + 2. L'alimentation est maintenant confiée à six carburateurs double corps Weber placés en position horizontale, laquelle autorise le dessin d'un capot plongeant.
Si, par rapport à la 365 GT, la voiture est plus courte de vingt centimètres, l'empattement a été allongé de cinq centimètres (à 2,70 mètres) pour une meilleure aisance aux places arrière. La 365 GT4 est ainsi la plus spacieuse des Ferrari 2 + 2. En fait, on se trouve en présence d'une véritable quatre places ! Esthétiquement, la voiture apparaît comme un modèle d'équilibre, mais aux lignes souples de la 365 GT 2 + 2 succède un design plus anguleux et géométrique, à l'image du pavillon droit qui améliore la garde au toit des passagers arrière. Grâce à la forte inclinaison du pare-brise et à la discrétion des montants de custode, Pininfarina a réussi à gommer le volume du pavillon, tandis que les flancs sont allégés par une moulure courant le long de la caisse. Avec environ 500 unités, la production de la 365 GT4 a fortement chuté, la voiture n'ayant pas été homologuée sur le marché américain.
Ferrari 365 GT4 1972 D.R
Ferrari 400 1976 D.R
Révélée au salon de Paris de 1976 en même temps que la BB 512, la 400 constitue un événement considérable s'agissant d'une Ferrari. Pour la première fois, une voiture au cheval cabré reçoit une transmission automatique - mais la voiture reste disponible en boîte mécanique à cinq rapports sous l'appellation 400 GT. Le choix de Maranello s'est porté sur l'excellente Turbo Hydramatic à trois rapports construite par la General Motors. Pour tenir compte de cette nouvelle transmission, le V12 a été amendé. Porté à 4,8 litres par allongement de la course, il offre de l'ordre de 340 ch (comme sur la 365 GT4), mais le couple passe de 43 mkg à la valeur considérable de 48 mkg ! Les performances des 400 Automatic et 400 GT s'avèrent très voisines, la première ne concédant que peu à la seconde.
A quelques détails près, dont un spoiler à l'avant, la carrosserie demeure inchangée. A l'intérieur, les sièges redessinés permettent d'accroître encore l'habitabilité. 501 exemplaires de la 400 seront construits, dont 354 versions en boîte automatique.
Nouvelle étape décisive en 1979 avec le lancement de la 400 i équipée de l'injection. Fini les superbes batteries de Weber double corps, qui équipaient les Ferrari de route depuis leur naissance ! Place à la modernité avec l'implantation du système mécanique Bosch K-Jetronic (injection indirecte). Pour autant, l'injection ne représente pas une découverte pour Maranello, laquelle alimente ses Formule 1 depuis 1963 et ses Prototypes depuis 1966.
Ferrari 400i 1980 D.R
Ferrari 400i 1984 D.R
Le recours à cette technique s'explique uniquement par des impératifs liés la dépollution. A cet avantage, s'ajoutent un silence en progrès, une meilleure souplesse à bas régime et un entretien simplifié. En revanche, la puissance chute de trente chevaux et les performances (surtout les accélérations) s'avèrent en net retrait. Et ce ne sont pas les cinq chevaux que la voiture gagne à la fin de 1982 qui modifient le tableau - signalons que la 400 i est toujours disponible au choix en boîte automatique ou mécanique.
La 400 i connaîtra le succès, puisque 1294 exemplaires en seront construits jusqu'en 1984. Avec elle prend fin la génération 400 après 1809 voitures produites (2334 en incluant la 365 GT4).
Pour fêter le cinquantième anniversaire de sa création, Pininfarina présente au salon de Turin de 1980 la Pinin, la première Ferrari à quatre portes. Une remarquable étude équipée d'un moteur 12 cylindres boxer. Alors que d'aucuns espéraient la mise en production par Ferrari de ce superbe prototype, c'est la 412 qui fait son apparition au salon de Genève en mars 1985. Maranello a décidé de faire du neuf avec du vieux, la voiture reprenant la carrosserie de la 400.
Côté mécanique, on prolonge la vie du vieux V12. Outre l'augmentation de sa cylindrée à cinq litres, ce dernier a été retravaillé et doté de l'allumage électronique Marelli. La puissance retrouvée de 340 ch et le couple de 46 mkg permettent aux performances de se rapprocher de celles de la 400 avant l'introduction de l'injection. La vraie nouveauté est à chercher dans le système de freinage, qui pour la première fois sur une Ferrari adopte l'antiblocage ABS (Bosch).
Concept car Ferrari Pinin 1980 D.R
Ferrari 412 1986
Identifiable à ses nouvelles roues et un coffre à bagages rehaussé, la 412 est la dernière Ferrari à moteur avant jusqu'au lancement de la 456.
Dédaignées par les puristes et laissées pour compte de la cote, les 2 + 2 au cheval cabré constituent d'excellentes opportunités pour les collectionneurs. Elles permettent d'acquérir de superbes Ferrari V12 pour un prix relativement modeste, celui d'un modèle contemporain de milieu de gamme pour la série 400/412. Après quoi, il convient évidemment d'assurer pour ce qui est de la consommation (30 litres aux 100 kilomètres en conduite sportive), de l'entretien et des réparations…