Saga Facel Vega
Le lancement en 1954 de la marque Facel Véga apparait comme un défi à la raison. Jean Daninos rêve de doter la France d’une automobile sportive de prestige. C’est peu dire que le contexte se prête mal à une telle initiative.
sommaire :
Histoire : Historique Facel Vega
Gilles Bonnafous le 26/01/2004
C’est chez Citroën que Jean Daninos entame sa carrière en 1928, en tant que stagiaire. Au Quai de Javel, il va se familiariser avec la technique de la carrosserie tout acier de l’américain Budd qu’a importée André Citroën, une expérience qui s’avèrera décisive pour le futur industriel. Suite à la reprise du constructeur par Michelin, Jean Daninos quitte le double chevron et part chez l’avionneur Morane-Saulnier. Là, il se spécialise dans le travail de l’acier inoxydable et de l’alliage léger pour l'industrie aéronautique.
Homme d’entreprise, Jean Daninos crée un bureau d’études qui travaille en sous-traitance pour les sociétés aéronautiques Farman, Stamp et Bronzavia — société dont il deviendra directeur technique en 1936. Trois ans plus tard, il crée la société FACEL, initiales de Forges et Ateliers de Construction d’Eure-et-Loir, qu’il installe à Dreux. La firme se consacre à la fabrication de pièces de carrosserie pour l’aviation.
Vega 1954 D.R
FV 1 D.R
Au début de la Seconde Guerre mondiale, l’entreprise produit un gazogène, qui acquerra une excellente réputation. La paix retrouvée et Jean Daninos revenu des Etats-Unis où il s’était exilé, Facel se tourne vers l’automobile et travaille pour Panhard (fabrication de la carrosserie en aluminium de la Dyna), puis pour Simca (la 8 Sport suivie des Océane et Plein-Ciel) et Ford France (les Comète et Monte-Carlo).
Après avoir fabriqué des carrosseries en sous-traitance, Jean Daninos décide de réaliser son rêve, construire une automobile de sport et de prestige pour son propre compte. Ainsi naît en 1954 le premier coupé Facel Véga (FV), dont la version définitive entamera sa carrière commerciale l’année suivante (FV1). Faute de pouvoir disposer d’un moteur français noble et puissant, l’âme de la Facel est un énorme V8 d’origine Chrysler. Le lancement de cette nouveau-née hybride se heurte au scepticisme de la presse spécialisée, qui doute de la capacité technique de ce carrossier à s’ériger en constructeur. Ces craintes se dissiperont devant le sérieux du travail et la qualité de fabrication des voitures.
La FV 1 sera suivie de plusieurs dérivés, FV 2, FV 3 et FV 4, dont la HK 500 apparaît en 1958 comme l’ultime évolution. Tous ces modèles sont largement exportés (près des trois-quarts de la production). La relève de la HK 500 est assurée au salon de Paris de 1961 par la magnifique Facel 2, dont la carrière sera malheureusement écourtée par les difficultés financières de la marque.
HK 500 D.R
Facel 2 D.R
Après le succès rencontré par les coupés, l’Excellence trouve sa genèse dans le souhait de l'Etat de doter les cortèges de la République d'une berline de prestige française, laquelle fait défaut depuis le retrait des marques tricolores de haut de gamme. Mais avec sa silhouette sportive et sa formule américaine "hardtop", l'Excellence ressemble plus à un coupé allongé qu’à une limousine officielle. Motorisée par le Chrysler Typhoon, qui délivrera jusqu’à 360 ch SAE, elle revendique le titre honorifique de berline la plus rapide du monde. Pourtant, ce sera un échec commercial, d’autant que la voiture sera chassée des cortèges de la Vème République naissante en raison de sa personnalité « atlantiste », qui déplaisait fort au Général…
Il est clair que vu leur prix de vente et leur niveau de consommation, les grosses Facel V8 concernent, en dehors de quelques happy few hexagonaux, une clientèle majoritairement étrangère. Souhaitant toucher une clientèle véritablement française, Jean Daninos décide d’élargir sa gamme vers le bas. Dévoilée en 1959, la Facellia répond à cet objectif avec pour mission de s’attaquer notamment aux Alfa Romeo et Porsche 356. Si son design reprend fidèlement le style de la HK 500, la voiture adopte le gabarit européen. En somme, c’est une HK en réduction.
La Facellia séduit le public lors de sa présentation, mais les clients vont vite déchanter. La fragilité du quatre cylindres Pont à Mousson, qui la motorise, va définitivement grever la réputation de la petite Facel. Elle entraînera même la chute de la firme, la prise en charge de la garantie coûtant une fortune à Facel. Lancée en 1963 avec la fiable mécanique Volvo de 1,8 litre, la Facel III arrivera trop tard.
Pour tenter de redorer le blason de la marque écorné par les problèmes liés au lancement de la Facellia, et bien que peu porté sur la compétition, Jean Daninos décide de réaliser une Facel de course à moteur central. L’objectif est de prendre part aux 24 Heures du Mans. Développé pour la circonstance, le V8 Chrysler de 6400 cm3 développe 465 ch à 6200 tr/mn. Il est accolé à une boîte de vitesses avec pont intégré dessinée en Italie. Equipée de freins à disques Dunlop, la voiture doit atteindre les 330 km/h. Hélas, le prototype ne pourra être terminé, il sera démonté et ses éléments mécaniques restitués aux fournisseurs.
Facellia D.R
Facel 6 D.R
La trésorerie de l’entreprise ayant été engloutie en 1961 par le remplacement des moteurs de la Facellia, Facel est mis en liquidation judiciaire en juillet 1962. Après un an d'administration provisoire, le liquidateur confie la société en location-gérance à la Sferma, une filiale de Sud-Aviation. Mais en octobre 1964, cette dernière se voit refuser de poursuivre la gérance par l'Administration. Jean Daninos tente alors une opération de dernière chance avec Rover qui aboutit à un accord, Rover envisageant de prendre le relais de la Sferma. Mais cette solution ne recevra pas l’aval des autorités.
Les Facel Vega seront exposées pour la dernière fois au salon de Paris de 1964. Toutefois, personne ne sera autorisé à prendre des commandes et la firme fermera ses portes définitivement le 31 octobre de la même année.