Saga Bugatti
Mécanicien de génie et constructeur avant-gardiste, Ettore Bugatti donnera naissance à de nombreux chefs-d’œuvre.
sommaire :
BUGATTI Type 59
Gilles Bonnafous le 31/07/2006
Ultime évolution des légendaires purs sangs d’Ettore Bugatti, la Bugatti Type 59 est la dernière vraie Bugatti de course. Elle apparaît aussi comme l’une des plus belles monoplaces jamais construites. Hélas, sa carrière ne sera pas aussi brillante que son aspect.
La Bugatti Type 59 est l’instrument du dernier combat de Bugatti contre ses adversaires de toujours, Maserati et Alfa Romeo, auxquels il faut désormais ajouter, en ce milieu des années trente, les machines allemandes. La marque a consenti un effort important pour son développement. De gros investissements ont été réalisés à un moment où la situation financière de la firme est mauvaise et où l’entreprise est mobilisée par les autorails.
Le prototype avec Varzi et Ettore Bugatti D.R.
Monaco 1934 D.R.
Conçue pour la nouvelle formule des voitures de course, qui en limite le poids à 750 kilos — la cylindrée étant libre et les machines pouvant être dotées ou non d’un compresseur —, la Type 59 est une voiture profondément renouvelée. Son châssis est plus large que celui de la 51 et il a été allégé. Si les trains roulants demeurent dans la tradition Bugatti avec un essieu antérieur tubulaire et une suspension arrière par ressorts quart-elliptiques, l’essieu avant est coupé en son milieu, les deux moitiés étant reliées par un manchon.
Abaissé pour améliorer le centre de gravité, le moteur est un huit cylindres de 2,8 litres à six paliers et lubrification par carter sec. Les deux arbres à cames en tête sont entraînés par une cascade de pignons (deux soupapes par cylindre). L’alimentation est confiée à deux carburateurs Zenith inversés et un compresseur. Mais, en raison de la garde au sol réduite de la voiture, le sens de rotation de ce dernier est inversé pour pouvoir monter les carburateurs au-dessus. La puissance développée est de 250 ch. La boîte possède quatre rapports et le pont reçoit une double démultiplication pour abaisser l’arbre de transmission. Les freins sont toujours à câbles.
Trois 59 au GP de l'ACF 1934 D.R.
Nuvolari au GP d'Espagne D.R.
A partir du Grand Prix de Monaco de 1934, la cylindrée sera portée à 3,3 litres par réalésage (3257 cm3), le huit cylindres offrant alors les mêmes cotes que celui de la 57 (72 x 100 mm) — les deux mécaniques présentent du reste de nombreuses analogies.
Si elle reprend globalement la ligne classique des monoplaces Bugatti, la Bugatti Type 59 s’en distingue notamment par son échappement latéral, sa suspension arrière et ses nouvelles roues. De magnifiques et fort coûteuses roues aux fins rayons en corde de piano, dont la jante et les tambours incorporés sont réalisés en aluminium.
Six voitures sont construites, dont quatre seront ultérieurement vendues (Bugatti a besoin d’argent) à des pilotes privés britanniques (Brian Lewis, lord Howe, Charles Martin et Lindsay Eccles), l’usine n’en conservant alors que deux.
Lorsque l’écurie sera dissoute, une sera acquise par le roi Léopold de Belgique, ami d’Ettore Bugatti.
D.R.
D.R.
Il était prévu de faire débuter la Bugatti Type 59 au Grand Prix de l’ACF, mais elle n’est pas prête. C’est en septembre 1933 au Grand Prix d’Espagne, couru à Saint-Sébastien, qu’elle connaît le baptême du feu. Elle y fait une piètre prestation.
La puissance de la 59 va augmenter pour résister, sans y réussir, aux Alfa Romeo et surtout aux Mercedes et Auto Union. Bugatti engage la voiture équipée du nouveau moteur 50 B, qui peut développer jusqu’à 400 ch. Ainsi gréée, elle est alignée pour la première fois au Grand Prix de l’ACF de 1935. Pilotée par Robert Benoist, elle est surclassée par les Mercedes.
La 59 recevra trois versions du 50 B : 3 litres avec compresseur, 4,5 litres atmosphérique et 4,7 litres suralimenté. C’est avec cette dernière variante que Jean-Pierre Wimille, au volant d’une voiture à la carrosserie modifiée, termine deuxième de la Coupe Vanderbilt courue aux Etats-Unis en 1936. Il en reprendra les commandes après la guerre dans la Coupe des Prisonniers disputée en septembre 1945 au Bois de Boulogne. Le même Jean-Pierre Wimille prend part à la fameuse course du Million avec une 4,5 litres atmosphérique. L’échec sera au rendez-vous à Montlhéry et le million de francs ira à Delahaye grâce à sa douze cylindres.
Bien que modernisée, la Bugatti Type 59 n’a pu lutter contre la concurrence. Elle était foncièrement handicapée par une conception dépassée face aux modernes et surpuissantes Flèches d’Argent Mercedes et Auto-Union financées par le régime nazi. En 1934, elle n’a pu glaner que deux victoires avec Dreyfus en Belgique et Wimille en Algérie. La carrière de la 59 s’arrêtera en 1936, sans plus de succès.
Wimille avec la 59 à moteur 50 B D.R.