Saga Austin Healey
Née dans l’Angleterre de l’après-guerre, l’Austin Healey a pour mission de partir à la chasse aux devises, c’est-à-dire aux dollars.
sommaire :
Histoire : Historique Austin Healey
Gilles Bonnafous le 19/04/2004
Donald Healey voit le jour en 1898 en Cornouaille. Dès son plus jeune âge, il se passionne pour la mécanique. Après avoir participé au début des années vingt à des courses locales, il devient pilote d’usine chez Invicta en 1930. Pilote mais aussi essayeur, il n’hésite pas à modifier les machines pour les rendre plus compétitives. L’année suivante, il remporte le rallye de Monte-Carlo sur une Invicta surbaissée. Devenu ingénieur, il entre en 1933 chez Riley, puis en 1934 chez Triumph, dont il deviendra directeur technique.
Donald Healey D.R
Roadster Westland 1948 D.R
C'est chez Humber, où il a été engagé au début de la guerre, que Donald Healey rencontre ceux avec qui il réalisera la première Healey : Sammy Sampietro, un Italien qui a travaillé chez Alfa Romeo et Maserati, et Ben Bowden, un styliste qui sort de chez Pinin Farina. James Watt, ami de Donald Healey, se joint au trio, qui se réunit le soir pour dresser les plans d’une voiture de sport.
Construit par Westland, un concessionnaire Humber, le prototype de la Healey est présenté à la presse le 6 janvier 1946. Il s’agit d’un tourer équipé d’un moteur Riley, un quatre cylindres double arbre de 2,4 litres développant 104 ch. Un coach dérivé est réalisé par Elliot au mois d’octobre. Les deux voitures, qui sont ornées d’une calandre originale en forme de cerf-volant, dépassent les cent miles à l’heure. Il ne reste plus qu’à les fabriquer. Elles le seront à Warwick, et ce jusqu’en 1950, dans l’usine que possède Wally Allen, un ami de Donald Healey. Ce dernier a réussi à se procurer les matières premières nécessaires à la production, qui, en cette période de pénurie, sont contingentées et réservées aux entreprises qui exportent.
Aussitôt, Donald Healey engage ses voitures en compétition, où elles se font remarquer à la Targa Florio en 1947 (troisième place). Au vu de ce résultat encourageant, on décide d’extrapoler du tourer Westland une version réservée à la course et dotée d’une carrosserie en aluminium. C’est la Silverstone, qui se taillera un joli palmarès. En 1949, afin d’en améliorer les performances mais aussi pour attirer les Américains et leurs dollars, une Silverstone est équipée d’un moteur Cadillac. Peu après, lors d’un voyage aux Etats-Unis, Donald Healey rencontre le directeur de Nash avec qui il convient d’une collaboration. Celle-ci donne naissance en 1951 à la Nash-Healey, un cabriolet dessiné par Pinin Farina et motorisé par le six cylindres « Dual Jetfire » de 3,8 litres équipant l’Ambassador, qui développe 82 ch. Originale, chère et moyennement performante, la Nash-Healey sera construite à 506 exemplaires en quatre ans.
Silverstone à Silverstone D.R
Nash-Healey D.R
Donald Healey souhaite construire un roadster très sportif et d’un prix abordable, qui, contrairement aux Westland, Elliot et Nash-Healey, lui assurerait une large diffusion. Il lui manque juste un moteur et un réseau de distribution… Healey prend langue avec Leonard Lord, le patron de la British Motor Corporation créée en 1952 par la fusion d'Austin et du groupe Nuffield. Un accord est rapidement signé. La voiture recevra le quatre cylindres Austin de 2,6 litres (90 ch) et sera distribuée par les concessionnaires Austin. Elle s’appellera Austin Healey. Après que vingt exemplaires d’avant série ont été réalisés en aluminium, la grande aventure débute en 1952 au salon de Londres, dont l’Austin Healey 100 constitue l’une des vedettes.
A l’image de toutes les voitures de sport britanniques de l’époque, l’Austin Healey est essentiellement conçue pour l’exportation, surtout le marché américain. C’est la raison pour laquelle Donald Healey amène sa voiture à Bonneville pour réaliser des records sur la piste du Lac Salé. Le 9 septembre 1953, une 100 préparée atteint 228 km/h, pulvérisant le précédent record de la catégorie (201 km/h) établi par une Triumph TR2. Dans la foulée, une série de records d’endurance sont battus dont ceux des 24 heures et des 5000 kilomètres (104 km/h). L’année suivante, une 100 équipée d’un compresseur et portée à 224 ch réalise 307 km/h.
L’Austin Healey 100 connaît une première évolution en 1955 avec l’adoption du train arrière de la Morris Minor et d’une boîte de vitesses à quatre rapports. Une variante plus performante, la 100 M, voit son moteur porté à 110 ch. L’année suivante marque un tournant avec l’apparition du premier modèle à six cylindres : c’est la 100 Six, dont le moteur de 2,6 litres (102 ch) est d’origine Morris. Sa carrosserie allongée et ornée d’une nouvelle calandre ovale fait de la voiture une 2 + 2.
Prototype Austin-Healey 100 D.R
Austin-Healey 3000 MK III D.R
C’est en juillet 1959 que l’Austin Healey 3000 voit le jour, premier modèle d’une génération dont le six cylindres est porté à trois litres (124 ch). Le sauvage roadster anglais, rugueux et spartiate, des débuts s’est mué, avec la 3000 Mk III, en un cabriolet luxueux et confortable. Un embourgeoisement qui va de pair avec celui de la clientèle.
Au terme d’une carrière de quinze ans, la dernière 3000 sort de la chaîne d’Abingdon en janvier 1968. Certes la voiture accuse son âge. Surtout, les Etats-Unis, qui ont fait son succès (80% de la production a été exportée vers le Nouveau Monde), causent aussi sa fin, l’Austin Healey ne pouvant satisfaire les normes antipollution entrant en vigueur en 1968.
Entre temps, la « Big Healey » s’est vu adjoindre une petite sœur, la Sprite, motorisée par un 950 cm3. Lancée avec une carrosserie esthétiquement discutable mais fort originale, la voiture rentrera dans le rang de la normalisation BMC, à côté de son clone la MG Midget— d’où le sobriquet de Spridget…
Austin-Healey Sprite D.R
Austin-Healey Sprite MK II D.R
Des projets voient le jour pour assurer une succession à la 3000. On essaie de faire du neuf avec du vieux. Trois prototypes équipés d’une carrosserie élargie sont réalisés en 1967. Ils reçoivent un six cylindres Rolls-Royce de quatre litres et 170 ch. Mais les coûts de fabrication sont jugés excessifs par Lord Stokes, le nouveau président de la BMLC (ex BMC), aux yeux duquel Donald Healey est tombé en disgrâce. L’abandon du projet scelle la fin définitive de la « Big Healey ».
Installée dans une position intermédiaire entre les Triumph TR3, MGA et Sunbeam Alpine d’une part, et les Jaguar XK en haut de gamme, l’Austin Healey a été diffusée à 73 000 exemplaires (toutes variantes confondues). Un volume remarquable compte tenu de l’époque et du niveau de prix. Outre qu’elle a servi de (superbe) locomotive à la poussiéreuse gamme Austin, elle a été une icône de la grande époque des roadsters anglais. Sa silhouette intemporelle restera attachée aux folles soirées tropéziennes et de la Rive Gauche, chères à Françoise Sagan, comme aux vedettes yéyé des sixties, à l’image de Richard Anthony qui posséda une 3000. Son succès a tenu aussi à l’engouement qu’elle suscita auprès des militaires américains installés sur les bases européennes de l’US Air Force.