Saga Alpine A 110
Depuis le 15 septembre 2001, Jean Rédélé, le père des Alpine, a donné son nom à une rue de la commune de Martin-Eglise, située à côté de Dieppe, où naquît en 1952 la première berlinette. Retour sur un modèle d'exception et une des plus belles sagas du sport automobile français.
sommaire :
Histoire : Gloire et fin
Martine Rénier le 10/08/2005
La gloire et la fin
Andruet et Biche au Rallye de Monte Carlo 1973 D.R.
Nicolas au Rallye de Monte Carlo 1973. D.R.
A partir de 1973, Jacques Cheinisse, Directeur du service de course, se retrouve chapeauté par Terramorsi, c'est la fin d'une période. De grands changements vont intervenir et des "têtes vont tomber". Cela étant, 1973 sera LA grande année d'Alpine, qui remportera le Championnat du Monde des Rallyes.
La nouvelle Berlinette 1800 reçoit les suspensions de l'A310, dévoilée en mars 1971. Alpine courra 8 épreuves sur les 13 du tout nouveau Championnat du Monde. Andruet et Biche commencent en fanfare en remportant le Monte-Carlo.
Puis, au fil de la saison, les victoires s'accumulent et Alpine prend le large. L'apothéose aura lieu en Corse. Nicolas, Piot et Thérier réalisent un triplé historique qui permettra à la firme dieppoise de s'adjuger le titre avec 155 points, devant Fiat (89) et Ford (76).
Les retombées commerciales sont fantastiques. Les commandes affluent. C'est l'euphorie...mais hélas, 1973 marque aussi le premier choc pétrolier et la limitation de vitesse sur autoroute. Des évènements qui pèseront lourd dans l'avenir de la Berlinette.
Alpine A 110 1600 SC de 1974 D.R.
Alpine A 110 1300 D.R.
Au salon 1973 apparaît un nouveau modèle, la 1600 SC (SI pour l'export où elle reçoit l'injection). Les suspensions AR et ses jantes sont celles de l'A310 et la cylindrée passe à 1605 cm3 pour 140 ch. La tenue de route est améliorée et la 1600 SC atteint 210 km/h en pointe. Elle côtoie au catalogue la 1800 Groupe 4 de 170 ch destinée aux "clients compétition". A partir de 1974 les Berlinettes perdent leur appellation Tour de France et la "85" devient la 1300.
Titre mondial en poche, en 1974 Alpine va se lancer à la conquête des rallyes africains. La Berlinette remporte l'une de ses plus belles victoires au Maroc, avec un Nicolas impérial sur ce terrain peu favorable à l'Alpine. Cette victoire compense l'échec cuisant du Safari Rally.
La marque n'a plus rien à prouver en rallye, elle se tourne alors vers le circuit et les protos. Cela dit, les nombreux clients qui vont continuer à courir sur la Berlinette écriront les dernières pages de la fabuleuse Histoire d'Alpine.
Le millésime 1975 ne subit que de légères modifications esthétiques. L'usine propose désormais 3 modèles: 1300, 1600 SC & 1800 Gr 4, plus une version "usine Groupe 3" de la 1600 SC.
Au salon de Paris 1975 apparaît l'A110 1600 SX à moteur 1647 cm3 de R16 TX de 95 ch. Les autres versions disparaissent et la gamme ne compte plus que 2 modèles : 1300 & 1600 SX. Les puissances s'expriment désormais en chevaux DIN. La 1300 de 68 ch DIN correspond à 81 ch SAE et les 140 ch SAE des 1600 SC-SI valent désormais 126 ch DIN. La déception devant les maigres 95 ch de la 1600 SX n'en est que plus cruelle...
Au millésime 1977, la 1600 SX reste seule survivante: la 1300 a disparu. Pour sa dernière année de production, la Berlinette reçoit les nouvelles jantes alliage de l'A310 V6.
En juillet 1977, la dernière A110 quitte la chaîne de montage. Elle a été commandée par un employé de Dieppe, Limondin, qui l'a choisie...verte ! Pour Alpine, la belle aventure bleue est finie.
Alpine A 110 1600 SX D.R.
La dernière Alpine sortie de l'usine en juillet 1977 D.R.
L'Alpine et la compétition
Raconter l'histoire de la Berlinette en compétition prendrait un livre en plusieurs volumes, tant les victoires et les anecdotes attachées à l'auto sont nombreuses et variées.
Tant de pilotes, devenus plus tard de véritables stars des rallyes, se sont succédés à son volant que vouloir tous les énumérer serait "mission impossible". Citons tout de même les légendaires: Thérier (surnommé l'Acrobate en raison de son pilotage particulièrement spectaculaire), Andruet, Larrousse, Vinatier, Cheinisse, Ragnotti, Fréquelin, Rosinski, Anderson, Nicolas, Pescarolo et même une certaine... Michèle Mouton, sans oublier Marianne Hoepfner, Charlotte Verney car l'Alpine a aussi passionné les filles !
1969 : Patrick Depailler, Grandsire, Jean-Claude Andruet D.R.
N'oublions pas les privés courant avec leurs propres deniers, qui ont apporté à Dieppe tant de victoires sur un plateau d'argent. Parmi eux : Jacques Henry, Serge Laurent (ou "Kicifrot") Maurice Nusbaumer, Francis Vincent et Bob Neyret, créateur de l'écurie féminine Aseptogyl, pépinière de nouveaux talents en jupons. Que ceux qui ont été oubliés veuillent bien nous pardonner...
Sous toutes les couleurs et toutes les latitudes, on a ainsi pu voir la Berlinette dans toutes les positions imaginables, toujours à l'attaque et dans le top ten au scratch. A vrai dire, cette auto fabuleuse au poids-plume, à la mécanique simplissime (mais affûtée) et au comportement ludique était très facile à conduire. Quant à aller très vite, c'était possible...il suffisait d'être motivé !
Sachez encore que jusqu'au début des années 80, l'A110 a continué à briller en compétition au mains d'amateurs surdoués, en rallye, rallycross ou course de côte. Aujourd'hui, la Berlinette revit en VHC grâce à des fanatiques qui contribuent à entretenir le fameux "esprit Alpine". Un esprit dont n'est pas dépourvu le team VS, dont les Berlinettes 1300 S comptent parmi les meilleures des plateaux VHC.
Jean-Pierre Nicolas et Jean Vinatier en 1969, Jacques Cheinisse en 1984 D.R.
Comment les reconnaître : A106 et A108
Alpine A106
La première Rédélé (1954) avait une plateforme de 4CV, une carrosserie en aluminium et ne pesait que 550 kg. Dès 1955, gràce aux frères Chappe, l'Alpine A106 hérite d'une carrosserie en plastique sur une plateforme de 4CV renforcée (empattement : 2,10 m, voies AV/AR : 1,22 m).
Le moteur est le 4 cylindres en ligne 747 cm3 (54,5 x 80) de la 4CV, en version 21 ch ou 30 ch pour le "1062" et en version 38 ch pour le "1063". Soupapes en tête par culbuteurs et refroidissement liquide. La transmission s'effectue aux roues AR par l'intermédiaire d'une boîte 3, 4 ou 5 rapports et d'un embrayage monodisque à sec. Elle existe en coupé et en cabriolet.
Cabriolet A 106 de 1958 D.R.
Cabriolet Chappé D.R.
Alpine A108
L'A108 (1958) reçoit le moteur 845 cm3 de la Dauphine Gordini (type 1080 d'où son nom). Grâce à une culasse redessinée à soupapes inclinées il avoue 37 ch et est couplé à une boîte 4. En parallèle, Alpine propose un 904 cm3 (réalésé par Mignotet) développant 53 ch à 6200 tr/mn. La plateforme est légèrement rallongée pour pouvoir accueillir la mécanique. Le coach hérite des jantes Renault 4CV / Dauphine.
En 1960, le rapport volumétrique de l'A106 de base (27 ch) passe de 9 à 9,4, ce qui donne 48 ch dans la Mille Miles Spéciale. L'A108 998 cm3 (1960) développe 68 ch à 6250 tr/mn, taux de compression 9,7 : 1 et boîte 5 vitesses. En cours d'année, elle reçoit le châssis-poutre. A chaque extrémité de cette poutre cylindrique sont fixées 2 structures tubulaires supportant, d'un côté le train AV et, de l'autre, le moteur placé en porte-à-faux arrière de l'essieu. L'ensemble pèse à peine 30 kg, dont 10 kg pour la poutre seule. La coque en résine et fibre de verre vient se sceller sur cette base, ce qui accroît la rigidité de l'ensemble. De son côté, le "2+2" est construit autour du châssis-poutre allongé de 7 cm et l'empattement de 2,17 m. La coque est boulonnée au châssis et non scellée.
On reconnaît la Berlinette Tour de France (salon de Paris 1960) à son nouvel avant profilé à pavillon plus bas, pare-brise incliné et ligne fuyante, comme les cabriolet et coupé. Côté moteurs, le 845 cm3 est porté à 58 ch (version compétition) et le 904 cm3 à 55 ch au lieu de 50. Pas de changement au millésime suivant, mis à part l'abandon de l'A106. En 1963, une A108 de 50 ch remplace les versions 40 ch et 58 ch. En 1964 l'A108 adopte une direction plus directe, un radiateur AV, une suspension Mille Miles et une boîte 4 en série.
Sur demande, le 998 cm3 reçoit une culasse hémisphérique à 1 ou 2 carburateurs. L'A110 est livrable avec le moteur 1108 cm3 (70 x 72) 55 ch des R8 Major et Caravelle, avec culasse rabotée et arbre à cames spécial donnant 66 ch à 6500 tr/mn et couplé à une boîte 4 synchronisée. Une version "80" à culasse hémisphérique est livrable sur demande. En 1965, l'A108 est équipée de freins à disque. La version 40 ch disparaît du catalogue, tout comme le coupé sport et le 2+2.
En 1966 l'A108 à moteur 3 paliers disparaît définitivement.
Alpine A 108 de 1963 D.R.
Alpine GT 4 de 1965 D.R.
Comment les reconnaître : A110
Alpine A110
La Berlinette A110 Tour de France sort en 1963. Il s'agit d'une A108 avec un nouveau capot moteur. Les ouïes latérales font place à des prises sur les ailes AR, le montant de custode est affiné et le dessin du passage de roue est plus sobre. Sous le capot, on trouve le 956 cm3 (65 x 72) à 5 paliers des R8, Floride S et Caravelle, développant 51 ch (cabriolet, coupé & GT4) ou 55 ch (Berlinette). Elle possède une boîte 4 et 4 freins à disques. Les options sont nombreuses : suspension renforcée, direction directe, phares antibrouillard, boîte 5, etc. En parallèle, Alpine propose une version "80", plus une 1100 cm3 sur demande, qui ne sortiront des chaînes qu'en 1964 et aussi un cabriolet A 110.
Le coupé GT4 dérivé du 2+2 arbore une partie arrière moins carrée. Son empattement gagne 10 cm (2,27 m). Alpine propose 2 versions "poussées" de l'A110 : la "85" (85 ch) avec grosses soupapes et double carbu et le "100" compétition à mécanique 1108 cm3 de R8 Gordini, avec culasse redessinée, chambre de combustion hémisphérique et 2 carbus horizontaux qui lui donnent 95 ch. Cette "100" adopte la suspension Mille Miles à 4 amortisseurs AR, le radiateur d'huile, la transmission renforcée et la direction directe. En option, boîte 5 et radiateur avant.
Dès juin 1965, Alpine propose une A110 1300 de 115 ch dont le bloc de R8 G a été porté à 1296 cm3 (75,7 x 72). L'équipement de cette 1300 est identique à celui de la "100". Extérieurement, on reconnaît la 1300 aux prises d'air sous les phares. Sur la planche de bord, un manomètre d'huile, un témoin de température et un ampèremètre prennent place entre compte-tours et tachymètre. La boîte 5 est en option mais les 1300 boîte 4 sont rarissimes...
Alpine A 110 cabriolet de 1966 D.R.
En 1966, la Berlinette adopte des entrées d'air à 2 barrettes chromées. Précision : les appellations varient d'une année sur l'autre et selon les catalogues. La Standard peut ainsi devenir Normale et la Spéciale se changer en Préparée ou Compétition...
En 1967, la 1296 gagne 5 ch (120 ch), devenant du même coup 1300 Super et une 1300 G à 1255 cm3 (90 ch) signé Gordini pointe le bout de son capot. Livrée de série en boîte 4, elle a presque toujours l'option 5 vitesses.
La Berlinette 1500 apparaît. Le moteur Renault-Lotus 1470 cm3 (76 x 81) à carbu double corps délivre 90 ch, la boîte est à 4 rapports et le radiateur d'eau a émigré à l'AV. Le catalogue propose aussi une version Mignotet "GTH" sur base 1149 cm3.
Le millésime 1967 est identifiable au losange Renault placé sur le museau et aux phares à iode additionnels intégrés dans le capot avant. Les Berlinettes 1967 ne possédant pas cette option très réussie sont aussi rares que les juments vertes !
Au millésime 1968 la Berlinette adopte de plus gros phares au plexiglas fixés par 3 vis et les optiques à iode sont désormais montées en série. A l'avant, les 3 ouïes d'aération sont remplacées par une ouverture unique. Sur les côtés, le petit clignotant, devenu rond, est surmonté d'un A fléché. Les passages de roues élargis abritent des jantes larges et la baguette latérale chromée a été raccourcie. C'est surtout à cela qu'on reconnaît les A110 à partir du millésime 1968. La "70" garde encore un temps son capot plat sans phares à iode et ses passages de roues arrière plats.
En 1968, 60% des Berlinettes vendues sont des 1300.
Les doubles optiques de l'A110 1300 D.R.
Amédé Gordini et Jean Rédélé D.R.
Comment les reconnaître ?
En 1969 la 1500 disparaît, aussi vite qu'elle est apparue, remplacée par la 1600 à moteur 1565 cm3 (R16 TS) de 92 ch. La boîte est à 4 rapports et la 5ème est en option. La 1108 "100" disparaît du catalogue en cours d'année, tout comme le cabriolet et la GT4.
1970 : plus qu'un seul modèle au catalogue: la Berlinette A110 Tour de France. Alpine lance la version de base "85" à moteur 1289 cm3 de 81 ch (R12 TS). Les 1300 & 1300 Super deviennent 1300 G & 1300 S. La 1600 passe de 92 à 102 ch. Elle est épaulée par la 1600 S de 138 ch (215 km/h), avec soupapes d'admission agrandies & rapport volumétrique de 11,25 (au lieu de 8,6), réglages d'arbre à cames et 2 carbus Weber 45 DCOE. La boîte est (enfin!) à 5 rapports. Toutes les Berlinettes (sauf la "85") ont le radiateur à l'AV. D'où la prise d'air sous le pare-chocs.
1971 : la 1600 disparaît au profit de la 1600 S. Toutes les versions (sauf "85") reçoivent des jantes Delta Mics. Ce millésime est identifiable aux clignotants AV sur l'aile et non plus sur le pare-chocs.
La 1600 S groupe 4 est livrable en cylindrée 1596 cm3 (77,8 x 84), avec soupapes d'admission élargies, rapport volumétrique de 11,25 et 2 Weber double-corps horizontaux. Elle affiche 172 ch SAE (155 ch DIN) à 7000 tr/mn. Jantes AV de 7 pouces AV et AR de 9 pouces, radiateur d'huile AR et caisse allégée à 685 kg.
1972 : la gamme A110 se simplifie. Les 1300 G & 1300 S disparaissent.
1973 : La 1600 hérite du 4 cylindres 1605 cm3 de 126 ch DIN (140 ch SAE) de l'A310 et d'une boîte 5.
Alpine A 110 1600 SC de 1974 D.R.
Alpine A 110 1600 SC de 1974 D.R.
1974 : Les Berlinettes perdent leur appellation Tour de France et la "85" devient "1300".
La 1600 s'équipe d'un panneau AR démontable qui facilite l'accès à la mécanique. La 1600 se chausse en série des jantes A310, proposées en option sur la 1300. Les clignotants rectangulaires AV font place à ceux de la Citroën Dyane. Des boutons-poussoirs remplacent les poignées de portes, tandis qu'un appel de phares et un warning font leur apparition. Des aérateurs prennent place sur le capot AR, de chaque côté des charnières. Précision: à l'export, la 1600 SC reçoit l'injection et s'appelle SI.
1975 : ancrages de remorquage, rappels de clignotants d'ailes et butoirs en caoutchouc sur les pare-chocs AR, font maintenant partie de l'équipement de la Berlinette. La 1600 SC reçoit un indicateur de chute de pression de freinage, un carrossage AV négatif (1,4° au lieu de 0) et une géométrie de suspension AR inédite.
En mars, la 1300 s'agrémente d'un volant tulipé garni de cuir et, en juin, elle reçoit à son tour la jupe AR démontable et les passages de roues élargis. Le catalogue propose également une préparation groupe 3 "usine" sur la 1600 SC (ou SI) avec boîte rallye et radiateur AV.
1976 : Plus que 2 versions au catalogue. La 1300 de 68 ch et la 1600 SX de 95 ch.
En effet, au salon de Paris 75 est apparue la 1600 SX, à moteur 1647 cm3 de R16 TX. L'alimentation est assurée par un carbu double-corps Weber et les 5 rapports sont tous synchronisés. Sa commercialisation ne débutera que début 1976. Ses écopes d'ailes AR, identiques à celles de la SC, la différencient de la version 1300.
Les 1300 & 1600 SX millésime 1976 se repèrent à leur absence de logos sur les ailes AV, leur baguette chromée sur le capot AV et leur nouvelle plaque de police plate -et non plus angulaire- encadrée par 2 butoirs en caoutchouc (en mai seulement sur la 1300), ainsi qu'à leurs flancs dépourvus de baguettes chromées. Sans oublier les nouveaux monogrammes de capot AR.
Désormais, les puissances sont exprimées en chevaux DIN et non plus SAE. Les 68 ch DIN de la 1300 correspondent donc à 81 ch SAE, les 140 ch SAE des 1600 SC-SI ne valent plus que 126 ch DIN et les pauvres 95 ch DIN de la nouvelle SX font pâle figure...
1977 : C'est la dernière année de production de l'Alpine A 110. Le modèle 1300 est abandonné au profit de la seule 1600 SX. Celle-ci hérite de nouvelles jantes alliage analogues à celles de l'A 310 V6. Les entrées d'air au-dessus du pare-chocs sont supprimées, tout comme les enjoliveurs sur les écopes d'ailes AR. A l'intérieur, on note l'apparition d'un garnissage inédit sur les sièges AV. En juillet, la dernière Berlinette sort des chaînes de Dieppe.
Les volumes de production
Pendant les années 50, la fabrication des Alpine est très artisanale. Il est difficile de parler de série. Certains chiffres d'archives optimistes parlent de 180 unités par an et de 650 exemplaires produits entre 1955 et 1960. Il est vraisemblable que, pour des besoins d'homologation, l'usine a prétendu fabriquer plus de voitures qu'en réalité (moins de 300 pendant cette période).
A partir de 1960, et surtout de 1963 avec l'A110 TDF, la production ne cesse d'augmenter. En 1967, on passe de 159 Berlinette à 249. En 1969, la production totale atteint 636 exemplaires (le double de 1968). Les meilleures années (1970-1972), Alpine fabriquera environ 1 300 A110 par an. En 1974, la production Alpine enregistre une chute drastique, passant de 1 300 à moins de 1 000 voitures par an.
Alpine A 110 de 1973 fabriquée au Mexique D.R.
Alpine A 110 de 1973 fabriquée en Espagne D.R.
A la production française, il faut ajouter celle du Mexique (environ 300 A110 956 cm3 plus quelques cabriolets & GT4), celle du Brésil (1500 Interlagos de 1962 à 1966) et celle de l'Espagne via la FASA, filiale de Renault qui, dès 1963, a fabriqué des A108 puis des A110 1100 & 1300. L'arrêt de la production espagnole est intervenu fin 1977.
Enfin, de 1968 à 1970, la Bulgarie a construit environ 200 Berlinettes A110 1108 cm3, les "Bulgaralpine".
Ce tableau de production est à prendre avec réserve, surtout pour la période 1955-1971, où les homologations généraient un optimisme débordant. Pour la période 1955-1961, il n'existe aucun document précis et les chiffres indiqués ci-dessous ne sont qu'une estimation établie à partir des souvenirs des anciens d'Alpine et d'informations recoupées sur les moules et les livres de livraison des moteurs.
Au total moins de 8 000 Berlinettes A110 ont été construites en 15 ans (on parle de 7 872).
Identification
Une Alpine doit comporter 3 plaques d'identification.
Les numéros de carrosserie et d'équipement figurent sur une plaque ovale portant les indications suivantes : X = type du véhicule, Y = code du pays (100 pour la France), Z = numéro de carrosserie (visuel 1).
Visuel 1 D.R.
Visuel 2 D.R.
Dans le compartiment avant une plaque identifie le nom du fabricant de la peinture (F), la nature de la laque (L) et le coloris (C). Exemple : une Alpine peinte en Valentine polyuréthane blanc gardénia sera référencée 5 - 3 - 6.
F = Fabricants :
1 - Max Meyer
2 - Rinshed Mason (RM)
3 - Verilac
4 - Duco
5 - Valentine
6 - Renault
L = Nature des laques:
1 - Cellusosique
2 - Glycérophtalique
3 - Polyuréthane
4 - Polyuréthane acrylique
5 - Acrylique poly-vernis
6 - Acrylique plus vernis
Les codes de peinture (C) vont de 1 à 36 + les N°: 34S, 308, 356, 460 & 907. Soit 40 références en tout.
Le numéro de série est frappé sur une plaque en losange (rectangulaire en Allemagne) comportant les indications du visuel 2.
Voici les numéros de série et identifications de 1965 à 1977 D.R.
Essai : Berlinette A 110 Tour de France 1600 S
Ayant eu la chance de courir au volant de l'incontournable Berlinette A110, voici quelques impressions brutes et "direct-live" de la version 1600 SC. Courir en Alpine 1600 SC était un vrai bonheur. Les autres ne cessaient de bricoler leurs carbus ou leur échappement, mais le privilège de rouler en Alpine groupe 3 était, justement, de n'avoir quasiment jamais à intervenir sur la mécanique. Un petit tour de tournevis sur les carbus, une vérification de la suspension, des pneus et de l'échappement et le tour était joué. Quel régal, surtout si l'on sortait d'une Groupe 2 (ou 4) capricieuse !
Un habitacle "cosy"
Quand on partait pour le Tour Auto ou le Monte Carlo, le plus important c'était... les oreillers ! Ça vous étonne? Pourtant, vu les dizaines d'heures passées dans l'auto pendant le parcours routier, le confort revêtait une importance cruciale. Il fallait pouvoir dormir tranquille, pendant que l'autre conduisait, afin d'être en forme pour la spéciale suivante. D'où les oreillers. Ajoutez à cela quelques impedimentæ incontournables (bouteilles d'eau, barres énergétiques, blousons, etc), le cartable dans lequel s'entassaient les notes des spéciales (et parfois du routier) et vous aurez une idée de ce qu'il fallait emmener dans un habitacle plutôt exigü. Ne parlons pas des nounours et gri-gris, à l'époque indispensables !
Pour ces épreuves, le siège baquet n'était guère recommandé : comment y dormir ? On se contentait des sièges d'origine, avec "housses-baquet" afin d'être maintenus dans les virages...
Le départ du Tour Auto ressemblait donc à un caravansérail hétéroclite. L'intérieur des autos, aménagé selon les desideratæ de chacun, était la proie des badauds qui se demandaient à quoi tout cela pouvait bien servir. Sur la route, on découvrait que l'A110 était plutôt confortable pour une voiture de course et au bout d'une semaine de cohabitation, on l'avait adoptée. J'ai dormi des heures entières, les genoux sur le menton et la tête coincée contre le montant de porte (d'où l'oreiller!) et j'y ai fait mes plus beaux rêves de victoire ! A l'arrivée au contrôle horaire, on sortait un peu frippé mais, après un bon café pris avec les commissaires, on était d'attaque pour la spéciale suivante. C'était ça aussi, l'ambiance des rallyes...
Evidemment, il fallait commencer par faire le gros dos et rentrer tête et épaules, avant de se couler derrière le volant, au ras du bitume, en prenant garde à ne pas heurter le déflecteur de la tête ! Une fois installé, on se trouvait face à un ensemble compte-tours/tachymètre agrémenté de quelques manos. A portée de main, un court levier de vitesses recouvert de cuir, comme le volant. Devant le co-pilote, une planche en alu brossé, sur laquelle on s'empressait de fixer un lecteur de cartes et un tripmaster. Ambiance course garantie. Dans votre dos, le 4 cylindres 1600 déclenchait une débauche de décibels. Que dire des versions groupe 4 qui nécessitaient des haut-parleurs pour pouvoir communiquer...
Assistance au rallye du Portugal en 1973 D.R.
Rallye de Monte Carlo 1971 D.R.
Un vrai vélo !
Côté mécanique, que des interventions de routine : plaquettes de freins, pneus, niveaux d'huile et d'eau, réglage des carbus, etc. De temps en temps, un flotteur de carbu percé nécessitait un "raffistolage" ( à la Seccotine! ) mais c'était bien-là le bout du monde... L'A 110 groupe 3 faisait preuve d'une fiabilité mécanique à toute épreuve (sans jeu de mots). Ainsi, on pouvait enchaîner un "Moulinon" et un "Burzet" sans même changer les plaquettes, pour peu qu'on ait choisi des Ferodo DS11 super-dures ! A l'arrivée sur le circuit suivant, il suffisait de vérifier les niveaux et de rajouter de la pression aux XAS Formule France et le tour était joué.
Au volant, la puissance débarquait de façon progressive, sans la moindre brutalité. L'Alpine était aussi facile à conduire qu'un vélo ! Sur le sec, elle s'embarquait dans des glissades toujours franches et sans surprise et, sur le mouillé, sa conception "tout à l'arrière" nécessitait un doigté plus subtil, mais son poids-plume finissait (presque) toujours par la remettre dans le droit chemin, même sur les bosses les plus piégeuses.
Son agilité et sa facilité étaient telles que l'on sortait parfois de ses godasses en se prenant pour Thérier ou Andruet. "Ça passe ou ça casse", c'était la devise !
Avant d'en finir avec ce panégérique de l'A110 1600 SC, n'oublions qu'elle consommait moins de 12 litres en utilisation intensive. A une époque où le super coûtait à peine le prix d'une baguette, imaginez...
Terminons par son prix (environ 33 000 F) et le coût total d'une saison de rallyes, catégorie "national"... De quoi vous donner quelques boutons, non?
Si les 1300 S & G ont marqué les années 60, la 1600 SC est sans doute la plus aboutie des A 110 et sans doute celle qui a généré le plus d'excellents souvenirs aux coureurs en herbe des années 70.
Il est grand temps qu'elle revive à travers le VHC !
Rallye de Monte Carlo 1975 D.R.
D.R.