Saga Alfa Romeo
Avec la Saga Alfa Romeo, Motorlegend vous propose de visiter la légende d'une firme qui a écrit quelques-unes des plus belles pages de l'histoire de l'automobile et qui a suscité l'attachement de millions de passionnés, fous des Chevaux de feu.
sommaire :
Interview de Jean-François Serre
Gilles Bonnafous le 28/01/2002
Quelle est aujourd'hui la situation d'Alfa Romeo en termes de ventes, quelle est son image, son positionnement stratégique et quel est le profil de l'Alfiste de 2002 ? Quel est l'avenir de la marque dans le cadre des accords Fiat-General Motors ? Quelles seront les Alfa Romeo de demain ? Nous avons posé toutes ces questions à Jean-François Serre, Chef de produit Alfa Romeo chez Fiat France.
Motorlegend : Pouvez-vous nous brosser un historique rapide des ventes Alfa Romeo dans l'hexagone depuis trente ans ?
Jean-François Serre : Dans l'histoire de la marque, les volumes de ventes les plus importants datent des années 70 et du début des années 80, avec l'Alfasud et ses dérivés et sans oublier les coupés Sprint et GTV, dont la part était loin d'être négligeable. Notre meilleur score sur le marché français fut obtenu en 1982 avec 31 800 immatriculations, ce qui représentait une part de marché de 1,5%.
Puis commença une longue et difficile période de turbulences pour Alfa Romeo. L'érosion progressive des ventes aboutit au plus mauvais score atteint en 1997, avec à peine 6 200 voitures pour une part de 0,3%. Si cette pénible situation était imputable à des modèles manifestement en retrait, la marque subissait également le contrecoup de la montée en puissance de BMW, dont la présence en France était très modeste en 1982, et d'Audi, quasiment absent à cette époque.
Alfa Romeo Alfasud Alfa Romeo
Alfa Romeo 145 Alfa Romeo
Motorlegend : Avec la renaissance d'Alfa Romeo amorcée par la 156 et poursuivie par la 147, quelle est aujourd'hui la situation des ventes sur le marché français ? Et quels sont vos objectifs pour demain ?
Jean-François Serre : L'année 1997 a marqué le nouveau départ d'Alfa Romeo avec le lancement de la 156 au mois d'octobre. Elue voiture de l'année 1998, la 156 a relancé la marque du point de vue commercial comme en termes d'image sur tous les marchés. Dès lors, chaque nouvelle année a vu le lancement d'un nouveau modèle : la 166 à la fin 1998, qui a repositionné Alfa Romeo sur le haut de gamme, la Sportwagon en mai 1999, dérivé original et spécifique de la 156, enfin la 147 au salon de Paris 2000. Aboutissement du nouveau design Alfa Romeo, cette dernière entre dans le segment de marché le plus important en Europe, celui sur lequel les constructeurs réalisent le plus gros de leurs volumes.
Les ventes montent régulièrement avec 12 300 véhicules diffusés en France en 1999 (0,6% du marché) et 19 471 en 2001, soit une part de marché de 0,9%. Pour 2002, nous nous sommes donné l'objectif ambitieux d'atteindre 1,1% du marché (23 000 voitures). Au plan mondial, nous comptons doubler les volumes d'ici à 2006 et dépasser ainsi le cap des 500 000 véhicules par an (contre 225 000 l'an dernier).
Alfa Romeo 156 Alfa Romeo
Jean-François Serre Motorlegend.com
Pour atteindre ces objectifs, nous bénéficions d'une refonte de la 156, d'une gamme désormais complète pour la 147 (apparition d'une version 5 portes et du JTD de 115 ch). Dans un avenir proche, Alfa Romeo va encore élargir les motorisations essence et diesel aussi bien sur la 147 que sur la 156, avec des groupes plus puissants, dont le nouveau V6 3,2 litres de la GTA.
Motorlegend : Quel est aujourd'hui le taux de fidélisation de votre clientèle ?
Jean-François Serre : De nos jours, la clientèle s'avère très versatile. Nous le voyons aux reprises effectuées dans le réseau, par exemple sur la 147 : nous reprenons des Golf, des 206 et des petits diesels, mais aussi des cabriolets, des RAV 4 et des 4 x 4 de plus grand gabarit comme des Opel Frontera. Nous avons progressé en termes de fidélisation, passant de 35% en 1995 à 45% actuellement. Pour ce qui est du taux de conquête, il s'est également amélioré (de 59% à 64%).
Motorlegend : Quel est l'avenir des GTV et Spider ?
Jean-François Serre : Ce sont des modèles forts en termes d'image, des archétypes des Alfa Romeo telles qu'on les aime avec leurs partis pris caractéristiques, notamment sur le plan esthétique. Bien que nées en 1995, les GTV et Spider n'ont pas vieilli dans leur design. Elles ont vocation à perdurer encore plusieurs années, car leurs programmes de remplacement sont liés au retour de la marque aux Etats-Unis. Or ces programmes sont longs à mettre en place, ils nécessitent des adaptations aussi bien quant à la philosophie des voitures que du point de vue de leur gabarit et de leurs motorisations. Les remplaçantes ne verront pas le jour avant 2004 ou 2005. En attendant, nous maintenons leur présence dans la gamme malgré des volumes modestes, car elles collent parfaitement à l'esprit Alfa Romeo.
Alfa Romeo Spider Alfa Romeo
Alfa Romeo GTV Alfa Romeo
Motorlegend : Le nouveau moteur 3,2 litres et la transmission Selespeed leur iraient très bien…
Jean-François Serre : Il est encore trop tôt pour en parler. Quant à leurs remplaçantes, largement destinées au marché d'outre-Atlantique, on peut envisager de les doter de mécaniques américaines ou de créer de nouveaux moteurs dans le cadre de programmes développés en commun avec la General Motors.
Alfa Romeo 147 Motorlegend : Verra-t-on dans un avenir proche le lancement d'une petite Alfa Romeo ?
Jean-François Serre : L'objectif assigné à Alfa Romeo est de devenir un acteur incontournable du segment haut de gamme et de concurrencer des marques à la réputation aussi établie que BMW ou Audi. Ceci implique de proposer des modèles au minimum du segment C, c'est-à-dire la 147. Par conséquent, une petite Alfa Romeo n'entre pas dans nos axes de développement. Nous pensons doubler les volumes en multipliant les offres et en développant nos marchés plutôt qu'en ajoutant un petit véhicule qui risquerait de diluer l'image d'Alfa Romeo.
Alfa Romeo 147 Alfa Romeo
Alfa Romeo Sportwagon Alfa Romeo
Motorlegend : Par contre un SUV entrerait parfaitement dans cette stratégie, surtout dans la perspective du retour sur le marché américain ?
Jean-François Serre : Effectivement, c'est tout à fait le type de modèle envisageable pour l'avenir. A l'inverse, le monospace n'entre pas dans la philosophie d'Alfa Romeo.
Motorlegend : Alfa Romeo n'est-elle pas aujourd'hui la marque qui affiche la meilleure santé au sein du groupe Fiat ?
Jean-François Serre : Commercialement oui, même si les choses évoluent vite. Nous savons qu'aujourd'hui le succès d'une marque repose beaucoup sur un modèle. L'exercice consiste à en proposer plusieurs d'excellente qualité, et en même temps. Les 156 et 147 sont deux modèles exceptionnels et les résultats ne se sont pas fait attendre, les ventes ayant largement progressé depuis cinq ans. Il est donc vrai qu'Alfa Romeo a actuellement le vent en poupe dans le groupe Fiat et que la marque a les plus grandes facultés d'évolution et de développement. Parce que son image est très forte et parce que, marque spécialiste, elle est moins concurrencée par les constructeurs généralistes. Mais plus on grimpe dans la hiérarchie et plus c'est difficile, car nos challengers occupent des positions extrêmement solides et ils bénéficient d'une image inaltérable : je veux parler du trio allemand Mercedes, BMW et Audi. Nous avons maintenant recollé à ce groupe, ce qui nous crée des obligations très fortes en termes de qualité, de design, de communication, etc. En même temps, cela nous renforce et nous protège relativement de certaines attaques.
Par ailleurs, les déclarations récentes du nouveau responsable de Fiat Auto affirmant la volonté de donner à Alfa Romeo les moyens de se développer dans une relative indépendance sont des signes qui renforcent la confiance que l'on doit avoir dans l'avenir de la marque. Toutefois, il convient d'être prudent. Rien n'est jamais acquis. L'actualité automobile va très vite, à l'image des changements d'organisation qu'on a vus récemment. La vérité d'un jour n'est pas celle du lendemain et les situations se renversent rapidement. A nous d'être vigilants.
Alfa Romeo 166 Alfa Romeo
Alfa Romeo
Motorlegend : Sous la pression des nécessités du marché, les nouvelles Alfa Romeo n'ont-elles pas perdu une part de leur âme ?
Jean-François Serre : Avant le renouvellement d'Alfa Romeo, les modèles avaient un caractère si affirmé que la clientèle était composée d'hommes qui aimaient les voitures sportives offrant un rapport prix-prestations très agressif. Le développement de la marque à partir de la 156 impliquait d'élargir la clientèle et de proposer des véhicules moins spécifiques dans leur utilisation. Ainsi, la 156 se veut aussi relativement familiale. Toutefois, la définition de nos voitures est toujours axée sur le plaisir de conduire, d'où des choix techniques onéreux comme le train avant de la 156 à double triangulation. De cette démarche, nous avons recueilli de larges bénéfices car la 156 est aujourd'hui reconnue comme l'une des voitures qui tient le mieux la route et qui est la plus agréable à conduire. Les Alfa Romeo se situent à mi-chemin entre passion et raison, elles offrent un excellent confort acoustique et de suspension et elles peuvent être utilisées tous les jours.
Alfa Romeo
Alfa Romeo 156 Alfa Romeo
Motorlegend : Quelle est aujourd'hui le profil du client Alfa Romeo ? Quels sont son origine socio-professionnelle et son âge ? Connaît-il l'âme et le passé de la marque ? En un mot, est-il toujours un Alfiste ?
Jean-François Serre : Notre clientèle est constituée de CSP + (cadres et professions libérales). La 147 apparaît encore plus typée de ce point de vue que la 156. Ainsi, bien que son positionnement tarifaire soit assez élevé, il ne pose guère de problèmes. Il est vrai que la voiture a été lancée à un moment où l'image de la marque était en pleine remontée. Le produit se veut également plus haut de gamme, ce qui n'était pas le cas de la 156. Par rapport à nos concurrents BMW et Audi, notre clientèle est plus jeune, de l'ordre de cinq à sept ans. L'âge moyen de l'acquéreur d'une 156 est de 45 ans, alors qu'il dépasse la cinquantaine pour une BMW série 3.
Par ailleurs, grâce à l'élégance de sa ligne, la 147 attire beaucoup les femmes. C'est d'ailleurs une tradition pour les compactes Alfa Romeo : ainsi, la clientèle féminine de la 145 était-elle montée jusqu'à 45%. Malgré la communication très virile qui fut celle de son lancement, la 147 se flatte aujourd'hui d'une clientèle composée à 30% de femmes, un chiffre très supérieur aux Allemandes du même segment. On peut y voir également un lien avec l'évolution de la communication Alfa Romeo, qui se féminise à travers les thèmes de l'élégance, de la mode, un côté assez show off. Tout en gardant une image de virilité, traditionnelle à la marque Alfa Romeo, la 147 apparaît ainsi comme l'une des voitures les plus féminisées du segment C.
Alfa Romeo 147
Alfa Romeo 147
Motorlegend : Quelle est aujourd'hui l'image d'Alfa Romeo ?
Jean-François Serre : La notoriété et la reconnaissance d'Alfa Romeo progressent chaque année. Nous sommes aidés en cela par le passé glorieux de la marque, même si les enquêtes réalisées révèlent que les défauts du passé marquent encore la conscience du public : manque de fiabilité, avis défavorable de l'entourage, faible densité du réseau (alors que nous disposons actuellement de 230 points de vente en France !). Les points forts sont les performances, le design et la fidélité à la marque qui reste forte. Nous progressons en technologie embarquée, sécurité et tenue de route. Il est vrai que toutes les innovations du groupe Fiat passent en priorité par Alfa Romeo : common rail, VDC et Selespeed.
Motorlegend : Quel est le positionnement stratégique d'Alfa Romeo au sein du groupe Fiat et par rapport à la concurrence ?
Jean-François Serre : La position d'Alfa Romeo au sein du groupe Fiat est aujourd'hui claire, ce qui n'était pas le cas lorsque Fiat a repris la marque en 1986. La répartition des rôles supposait alors un choix difficile. Depuis 1979, Fiat possédait Lancia, dont le passé sportif était indéniable.
Alfa Romeo GTV
Alfa Romeo GTV
Motorlegend : Dans les années 50, Lancia courait même en F1 et, du reste, Ferrari lui doit beaucoup !
Jean-François Serre : Tout à fait, mais Lancia possédait en même temps une image luxueuse et bourgeoise qu'Alfa Romeo n'a jamais vraiment mise en avant, même avant la guerre où les 8 C et 6 C étaient des Grand Tourisme d'exception. Le positionnement s'est donc fait de la manière suivante : à Alfa Romeo l'image sportive, à Lancia le luxe. Le renouvellement de notre gamme s'est donc inscrit dans cette logique. Mais au cours des années 90, la sportivité pure et dure a passé de mode, son image s'est dégradée pour apparaître dépassée. Sous la pression conjuguée des écologistes et de la peur du gendarme, nous avons fait évoluer cette notion et l'on a parlé de " sportivité maîtrisée " en mettant l'accent sur les moyens technologiques de nature à " civiliser " la fougue de la marque et de ses produits. Tel est l'axe qui a d'abord été développé sur la 156 et la 166.
Un second axe est apparu pour différencier Alfa Romeo des marques allemandes, mettant en valeur le charme et la séduction. La technologie froide, chère à Audi, paraît incompatible avec notre latinité. Alfa Romeo veut charmer par les lignes de ses voitures, mais aussi par sa communication, qui se féminise en liaison avec la mode et les lieux branchés. Nous sommes passés aujourd'hui à la notion de " sportivité évoluée ". En nous éloignant du " Cuore Sportivo " pur et dur, nous visons un équilibre entre la fibre sportive, sans sombrer dans le passéisme, et la modernité. En résumé, une sorte de sportivité branchée.
Alfa Romeo Spider Alfa Romeo
Alfa Romeo
Motorlegend : Quelle est la part des motorisations diesel dans les ventes Alfa Romeo ?
Jean-François Serre : Alfa Romeo a été la première marque à commercialiser le common rail en 1997. Avec des rendements remarquables : 105 ch pour le 1,9 litre et 136 ch pour le 2,4 litres. Aujourd'hui, 55% des ventes sont réalisées en diesel, une proportion modeste par rapport à nos concurrents. Vu notre image sportive, notre clientèle continue à choisir pour une bonne part les moteurs à essence.
Motorlegend : Quelles perspectives ouvrent à Alfa Romeo les accords avec la General Motors ?
Jean-François Serre : Dans ses banques d'organes, la General Motors dispose de moteurs puissants et de grosses transmissions. Ce sont les outils dont Alfa Romeo a besoin pour tirer son image vers le haut. C'est pour nous un avantage important. Le grand challenge de la marque sera le retour aux Etats-Unis, où sa réputation y est demeurée assez forte - la dernière Alfa Romeo exportée outre-Atlantique fut la 164. Ce come-back sera pour Alfa Romeo le moyen de dynamiser les volumes en même temps qu'un gage de crédibilité indéniable...
Moteur diesel 2,4 Litres JTD Alfa Romeo
Moteur V6 3 Litres Alfa Romeo