Oldsmobile Toronado
L’Oldsmobile Toronado s’inscrit dans la tradition américaine de la traction avant.
sommaire :
Histoire : Les traction avant américaines
Gilles Bonnafous le 28/02/2005
Si la France joué un rôle décisif dans l’industrialisation des voitures à traction avant et dans leur généralisation à partir des années soixante, on se saurait oublier que les Etats-Unis ont également été une terre d’élection des automobiles conçues selon cette technique. Audace et avant-garde n’ont pas été l’apanage de l’Europe et, dans les années vingt et trente, l’innovation technologique a aussi marqué l’industrie automobile américaine. Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que la technique est devenue le parent pauvre du design.
Lancée en 1966, l’Oldsmobile Toronado s’inscrit dans ce mouvement en relançant la traction avant outre-Atlantique. Premier modèle américain de l’après-guerre ainsi construit et premier de la General Motors, elle joue un rôle historique de premier plan. Elle apparaît en effet comme la pionnière de la vague qui touchera l’automobile de l’oncle Sam et la convertira à la traction.
Oldsmobile Toronado 1966 D.R.
Dès 1904, apparaît aux Etats-Unis une imposante voiture de course à moteur transversal réalisé par Walter Christie. Avec la suppression de l'arbre de transmission, qui permet d'abaisser le centre de gravité de la voiture, la traction ne laisse pas indifférents les constructeurs de machines de compétition. Avec les années vingt, les choses deviennent plus sérieuses. Harry Miller réalise en 1924 une magnifique huit cylindres à deux arbres à cames en tête de deux litres (puis 1500 cm3), avec les tambours de frein placés en sortie de pont.
C'est en novembre 1929 qu’est lancée la première traction construite, si l'on peut dire, en série. Il s'agit de la Cord L 29 (pour son année de naissance), une huit cylindres en ligne équipée d'un Lycoming latéral de 4,9 litres et 125 ch. Disponible en cabriolet, berline et berline découvrable, cette magnifique voiture attirera également les grands carrossiers comme Le Baron ou Alexis de Sakhnoffsky. Elle fera admirer sa ligne surbaissée dans les concours d’élégance européens, notamment à Monaco en 1930. Victime de la crise économique, la Cord L 29 sera retirée à la fin de 1931 après que 5000 exemplaires environ auront été produits.
Christie de Grand Prix D.R.
Cord L 29 berline découvrable D.R.
Cord L 29 coupé D.R.
Ruxton D.R.
Produite en 1930 et 1931, la belle Ruxton est fabriquée dans l'usine Moon et Kissel. Equipée d'un huit cylindres Continental de 5,5 litres, sa diffusion sera confidentielle (moins de 500 exemplaires). On mentionnera également un superbe prototype Gardner présenté en 1930.
Mais le modèle phare de la période est la Cord 810. Offrant traction avant et structure autoportante (absence de châssis), solutions techniques très en avance sur leur temps, la baby Duesenberg d’Errett Loban Cord mérite de figurer au panthéon des modèles d’avant-garde. Projetée Duesenberg, la voiture deviendra Cord quand il sera décidé d’en faire une traction pour en abaisser la silhouette.
Cord 812 G. Bonnafous
Cord 812 G. Bonnafous
Lancée en 1935, où elle est la vedette du salon de New York, la Cord 810 devient 812 l’année suivante avec quelques modifications de détail. Aisément identifiable à ses sorties d’échappement souples en inox inspirées de la Duesenberg SJ, la version à compresseur est introduite à titre d’option en novembre 1936. Elle fait de la Cord 812 la plus performante des voitures américaines de l’époque. Ses 170 ch sont délivrés par un V8 à soupapes latérales suralimenté de 4730 cm3 conçu spécialement pour la voiture par Lycoming, le motoriste intégré au groupe Cord. Commandée au volant, la transmission à quatre rapports est dotée d’une présélection électro-pneumatique Bendix, une technique assimilable à la boîte Wilson. Lente et accrocheuse, elle constitue toutefois le talon d’Achille du modèle.
Cord 812 G. Bonnafous
Cord 812 G. Bonnafous
Due au talent de Gordon Buehrig, la ligne anti-conformiste de la Cord 810/812 traduit le parti pris technologique de ses géniteurs. Dépouillée et dépourvue de toute surcharge chromée, elle est le fier et avant-gardiste reflet de la haute exigence d’Errett Loban Cord — une audace qui voulait étonner le monde mais se révélera financièrement suicidaire. La face avant ultra-moderne arbore une calandre futuriste et, originale trouvaille stylistique, le fameux coffin nose, ce capot en forme de cercueil taillé en étrave. Quant aux phares rétractables, ils ajoutent un trait moderniste supplémentaire qui concourt à faire de la Cord 810 un ovni des années trente.
Oldsmobile Toronado 1966 D.R.
Trois décennies plus tard, l’Oldsmobile Toronado se veut l’héritière de cette tradition faite de technique sophistiquée alliée au luxe d’un haut de gamme. Avec un design d’une grande pureté et des lignes libérées de toute surcharge, elle reste esthétiquement fidèle à l’esprit de la Cord. De plus, les stylistes de la General Motors ne se sont pas privés de quelques clins d’œil à la création de Gordon Buehrig, à l’image des phares rétractables, du décor de la calandre barrée de fines lamelles comme les persiennes de la Cord, des passages de roues fortement renflés comme les ailes de cette dernière, ou encore des enjoliveurs. Si elle ne revêt pas le caractère révolutionnaire de sa lointaine devancière, la Toronado fait preuve d’une grande originalité, qui lui vaudra l’accueil enthousiaste de la presse spécialisée comme du public.