Le sorcier Abarth
Préparateur-constructeur de grand talent, Carlo Abarth a, pour l'essentiel, lié son destin à Fiat.
sommaire :
Histoire : Historique Abarth
Gilles Bonnafous le 15/06/2003
Carlo Abarth appartient à la petite cohorte des préparateurs-constructeurs de grand talent, qui, à l'image d'Amédée Gordini avec Renault, liera, pour l'essentiel, son destin à un grand constructeur, Fiat en l'occurrence. Autre point commun avec Gordini, Abarth est un émigré.
D'origine autrichienne, Karl Abarth naît à Vienne le 15 novembre 1908. Son signe astrologique est donc le scorpion, dont il fera le logo de sa marque quand il réalisera des voitures à l'agressivité mordante, venimeuses comme les piqûres de l'animal. Passionné de mécanique, le jeune homme entre à 19 ans chez le constructeur autrichien de motos MT (Motor Thun). Il devient vite coureur motocycliste, en particulier sur Sunbeam et FN, mettant au point un side-car novateur.
Karl Abarth à 20 ans D.R
Carlo Abarth D.R
En 1938, le régime fasciste italien vient chercher le pilote de renom, qu'il est devenu, pour courir en Italie. En effet, son père, qui réside à Merano, a opté pour la nationalité italienne - dont peut profiter le fils. Mais la guerre survient. Après avoir passé le temps des hostilités en Slovénie, près de Ljubliana, il revient en 1945 en Italie et s'installe à Merano. C'est là qu'il devient Carlo Abarth. La connaissance de Ferry Porsche lui permet de devenir concessionnaire de la marque naissante de Stuttgart. Puis il collabore avec Piero Dusio qui vient de créer Cisitalia. Abarth partage l'aventure de cette petite marque, qui crée la fameuse 202 et où il côtoie Tazio Nuvolari.
C'est en 1949 qu'est fondée la société Abarth, qui, outre une activité de préparateur, va se faire une brillante réputation en fabriquant des équipements permettant de gonfler des moteurs de série : collecteurs, soupapes, leviers de vitesse adaptables au volant et surtout les fameux pots d'échappement, dont la production totale atteindra, le 31 juillet 1971, trois millions et demi d'unités pour 345 types de véhicules.
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Des cendres de Cisitalia, Abarth tire en 1949 la 204 A, une voiture de sport équipée d'un quatre cylindres de 1089 cm3 et 83 ch d'origine Fiat.
Cette voiture rapide atteint les 190 km/h. Au volant d'un roadster 204 A, Nuvolari remporte la victoire dans la course de côte de Palerme-Monte Pellegrino. La voiture suscite une nouvelle activité, la transformation de voitures de série. En 1951, sort la 205 A, une jolie berlinette de luxe de 1,2 litre (65 ch) carrossée par Vignale. Elle précède d'un an la 1500 au moteur dérivé de la 1400 Fiat et pour laquelle Scaglione dessine une audacieuse carrosserie aérodynamique dans l'esprit des BAT (mais sans les ailerons !). Abarth collabore alors avec les meilleurs carrossiers et stylistes italiens (Pinin Farina, Ghia, Zagato, Bertone, Boano, Allemano, Viotti et Scaglione). En 1954, Abarth s'attaque au quatre cylindres 1900 Alfa Romeo, qu'il modifie et dont il ne tire pas moins de 135 ch - soit l'excellent rendement pour l'époque de près de 70 ch au litre. Carrossé par Ghia, le coupé Abarth Alfa 2000 a fort belle allure.
Le roadster 204 A : Tazio Nuvolari (dans la voiture) en visite en mars 1950 chez Carlo Abarth (à droite). D.R
Abarth 1500 D.R
Le lancement de la Fiat 600 va permettre à Abarth de prendre, à partir de 1956, une dimension supérieure. Les berlines dérivées de la puce de Turin (750, 850 TC et 1000) vont devenir le cheval de bataille d'Abarth, dont elles constitueront l'un des plus grands succès. Déclinées en un grand nombre de variantes, elles trusteront de nombreuses victoires. Abarth fera de même avec la Fiat 500, dont les extrapolations, Abarth 595 et 695, contribueront également à la popularité du Scorpion.
C'est à partir de la 750 que Carlo Abarth se lance dans la construction d'une voiture de record. Dessinée par Scaglione et construite par Bertone, la machine roule à 192 km/h pour seulement 47 ch. En 1956, elle couvre 3743,64 kilomètres en 24 heures à la moyenne de 155,98 km/h. L'année suivante, Abarth remet le couvert avec une voiture due au crayon de Pinin Farina et équipée d'un moteur de 1100 cm3 dérivé du double arbre de l'Alfa Romeo Giulietta. Avec 78 ch (260 km/h), elle bat à Monza plusieurs records de vitesse, dont les 500 kilomètres et les 1000 kilomètres. Deux mois plus tard, en juillet 1957, une nouvelle 750, également dessinée par Pinin Farina, améliore les performances de la 750 version Bertone. En 1958, une dernière machine de record de 500 cm3 est réalisée par Zagato.
Coupé Abarth Alfa 2000 carrossé par Ghia D.R
Abarth 750 Bertone de record 1956 D.R
A partir de 1957, la Fiat 600 est également à la base des superbes berlinettes Zagato, dont certaines sont dotées du célèbre toit à double bulle cher au carrossier. Ce sera d'abord la 750 GT, puis les Bialbero (750, 700, 850 et 1000), sans oublier la minuscule 500 GT, un vrai jouet d'adulte. Avec le début des années soixante, apparaîtront les Abarth Simca 1300 et 2000, plus Abarth que Simca. Le Scorpion aura moins de succès avec Porsche, qui ne sera guère satisfait du niveau de finition de la 356 GTL Carrera Abarth dotée d'une belle carrosserie en aluminium. 21 exemplaires seulement en seront construits.
Porsche 356 Carrera GTL D.R
Fiat Abarth OT 1000 Coupé 1964 D.R
Lancée par Fiat en 1964, la 850 est vite ensorcelée, donnant naissance à l'Abarth OT 850, une version assez sage accompagnée de plusieurs variantes plus méchantes : OT 850/135 (40 ch et 135 km/h), OT 850/150 (53 ch et 150 km/h) et OT 1000 (982 cm3, 54 ch et 150 km/h). Abarth va même jusqu'à monter un moteur de 1600 cm3 dans la petite populaire Fiat ! Monstrueuse avec ses ailes élargies, sa prise d'air à l'avant pour le radiateur d'huile et ses roues surdimensionnées, l'OT 1600 reçoit une mécanique de compétition à deux arbres à cames en tête et deux carburateurs Weber. Résultat : 154 ch à 7600 tr/mn pour un poids de seulement 760 kg, d'où une vitesse de 220 km/h. Malgré le montage d'un becquet aérodynamique à l'arrière, c'est peu dire que l'objet s'avère délicat à piloter… Mais le design médiocre de la berline 850 nuira au succès de ses dérivés. Meilleur sera le destin des séduisants coupé et spider 850 : OT 1000 (62 ch et 160 km/h), OTR 1000 (74 ch et 170 km/h) reconnaissables à leur radiateur d'huile à l'avant, OTS 1000, intermédiaire entre les deux précédents (68 ch) et OTSS 1000 au taux de compression de 12,5 à 1 !
Fiat Abarth OT 1000 Spider Bertone 1965 D.R
Fiat Abarth OTS 1000 groupe 3 1968 D.R
En 1966, alors que sort un coupé 1300 reprenant le moteur de la Fiat 124 (75 ch et 170 km/h), Abarth révèle, au salon de la voiture de course de Turin, l'OT 2000, la plus puissante de ses Fiat transformées. La mécanique, une version tempérée à 185 ch du deux litres Abarth, entraîne le coupé à 240 km/h. Comme toutes les Fiat transformées par le Scorpion, le châssis a été modifié, ainsi que les suspensions et le freinage.
Fiat Abarth OT 2000 1966 D.R
Le V12 6 litres D.R
En 1967, Carlo Abarth finalise le rêve qu'il mûrissait depuis des années, construire un gros moteur qui équiperait une voiture capable de concurrencer les prototypes les plus puissants, Ferrari 330 P3 et P4 ou Ford GT 40. Hélas, le superbe V12 Abarth de six litres et 610 ch sera rendu caduc par la modification du règlement décidé par la FIA au lendemain des 24 Heures du Mans et qui limite la cylindrée des prototypes à trois litres. Une catastrophe pour Abarth, qui a investi beaucoup d'argent dans le projet.
La fin des années soixante est l'époque des barquettes Abarth alignées notamment en courses de côte (1000 SP, 2000 Sport Spider, etc.). Mais des difficultés financières et le moindre succès des modèles extrapolés de la 850 conduisent en 1971 à l'intégration d'Abarth par Fiat. Le groupe de Turin en fait son département sportif en gommant peu à peu le logo au scorpion. En quinze ans, de 1956 à 1971, les Abarth ont remporté pas moins de 7300 victoires dans toutes sortes d'épreuves. Bien que réputées pour leur fragilité, les Abarth, qui, exception faite des berlines dérivées des Fiat 600 et 500, ont connu une diffusion assez confidentielle, laissent le souvenir de machines attachantes aux mécaniques brillantes.
Barquette Abarth 1000 SP à Monza en 1968 D.R
Barquette Abarth 2000 sport spider D.R