La Carrosserie Touring
Si elle est l’une des plus talentueuses carrosseries italiennes, Touring est aussi l’une des plus anciennes.
sommaire :
Histoire : Historique de la Carrosserie Touring
Gilles Bonnafous le 03/01/2005
Contrairement à ce que l’on observe souvent à cette époque, le fondateur de la Carrosserie Touring ne sort pas de l’atelier. Né en 1882, Felice Bianchi Anderloni est issu d’une famille de la haute bourgeoisie romaine, installée ensuite à Milan. Ce n’est qu’à l’âge de 44 ans qu’il s’installera comme carrossier.
Entré à 22 ans chez Isotta Fraschini — il est apparenté aux deux familles Isotta et Fraschini —, Felice Bianchi Anderloni y exerce les activités de pilote d’essai, avant de devenir directeur des essais. C’est pour lui l’occasion de se former aux techniques de la prestigieuse firme, ainsi qu’à celles des carrossiers Sala et Castagna qui habillent les célèbres châssis réalisés dans les ateliers de la via Monte Rosa. Il participe également à des courses et, comme gentleman driver, se fait un nom dans la bonne société milanaise. Cette expérience, ainsi que la connaissance du milieu des voitures de luxe lui seront fort utiles par la suite. De même, il comprend à cette époque l’importance que revêt la légèreté d’une voiture.
Fiat 520 transformable D.R
Fiat 520 transformable D.R
Suite à un différend l’opposant, au début des années vingt, à la nouvelle direction d’Isotta Fraschini, Felice Bianchi Anderloni travaille avec Peugeot, dont il fait courir les petites 5 CV en 1924 et 1925. Mais l’homme aspire à créer sa propre entreprise afin d’exprimer librement ses dons d’artiste. Associé à son ami Gaetano Ponzoni, un avocat passionné d’automobile, il achète en 1926 la carrosserie Falco située à Milan et dirigée par Vittorio Ascari, frère du pilote Antonio.
Touring acquiert de suite la licence Weymann pour la Lombardie, une technique française qui permet d’alléger les voitures. Grâce aux relations que Felice Bianchi Anderloni possède dans le milieu industriel milanais, l’entreprise connaît un démarrage heureux. L’élégance raffinée des carrosseries Touring lui vaut la clientèle des riches Lombards et des têtes couronnées. Les succès dans les concours d’élégance ne tardent pas, notamment à Milan dès 1927.
Ferrari 815 1940 D.R
Bristol 401 Superleggera1947 D.R
La Carrosserie Touring noue des liens privilégiés avec Alfa Romeo et la complicité que les deux entreprises lombardes développeront ne se démentira jamais. Elle trouve une superbe expression avec les berlinettes légères sur châssis 6C 1750 GT qui s’illustrent aux Mille Milles. Quant au spider Flying Star présenté au concours d’élégance de la Villa d’Este en 1931, il constitue une date dans l’histoire de la carrosserie italienne.
La croisade que mène Felice Bianchi Anderloni contre le poids aboutit au dépôt du brevet « Superleggera » et à la présentation de la première voiture ainsi réalisée au salon de Milan de 1937. Les Touring aérodynamiques de la seconde moitié des années trente — époque où naissent de nombreux chefs-d’œuvre — conjuguent élégance et performances.
Véhicule électrique 1941 D.R
Isotta Fraschini Monterosa 1947 D.R
Sous le régime fasciste, Touring voit son nom italianisé en « Stabilimenti Turinga » ! Pendant la guerre, l’entreprise fabrique des véhicules militaires, des pièces détachées pour l’aviation, ainsi que des prototypes de voitures électriques.
Redevenue Touring, la firme perd son fondateur en 1948, auquel succède son fils, Carlo Felice Bianchi Anderloni, qui a hérité du talent de son père. La période de l’après-guerre voit éclore de nombreux chefs-d’œuvre, au premier rang desquels figure l’Alfa Romeo Villa d’Este, œuvre majeure du design automobile qui va fortement influencer les créations à venir de la maison. Ces succès ouvrent à des contrats de coopération avec des marques étrangères comme Bristol, Pegaso ou Hudson. Un peu plus tard, ce sera le tour d’Aston Martin, dont les DB seront construites sous licence en Angleterre.
Hudson coupé 1953 D.R
Pegaso Z 102 1954 D.R
Période faste, les années cinquante et soixante apportent des commandes importantes avec la production de modèles construits à plusieurs milliers d’exemplaires : Maserati 3500 GT coupé, Alfa Romeo 2000 cabriolet, Lancia Flaminia coupé et cabriolet. Touring doit accroître ses capacités de fabrication. La firme quitte le vieil atelier de la via Ludovico di Breme pour une nouvelle usine à Nova Milanese. D’autant qu’un nouveau contrat est signé avec Rootes en 1961 pour la construction de la Sunbeam Alpine.
Mais la situation va se retourner rapidement. L’annulation de l’accord Rootes et les difficultés financières liées au poids excessif des investissements, auxquelles s’ajoutent des problèmes liés à la main-d’œuvre, conduisent à la mise sous contrôle judiciaire de l’entreprise en 1964.
Ferrari 212 1953 D.R
Prototype Maserati 3500 1960 D.R
La Carrosserie Touring se retrouve prisonnière et victime de ses méthodes de construction raffinées mais coûteuses et nécessitant une main-d’œuvre hautement qualifiée. Accumulé pendant quarante ans, le savoir faire sophistiqué de la maison et le soin artisanal qu’elle apporte à la finition s’accommodent mal de la production en série.
Hélas, de nombreuses tentatives de redressement échoueront pour sauver une entreprise digne d’être inscrite au patrimoine mondial de l’automobile. L’activité cessera en 1967, mettant un terme (à l’exception de Zagato) à la tradition lombarde des grands carrossiers.
Aston Martin DBS 1966 D.R
Lamborghini 400 GTV Flying Star II 1966 D.R