La Carrosserie Touring
Si elle est l’une des plus talentueuses carrosseries italiennes, Touring est aussi l’une des plus anciennes.
sommaire :
BMW 328 Mille Milles
Gilles Bonnafous le 05/01/2005
En 1939, les Mille Milles ayant été annulées suite à la catastrophe survenue l’année précédente (causée par l’accident de la Lancia Aprilia de l’équipage Bruzzo-Mignanego), ce sont les 24 Heures du Mans qui concentrent l’attention du monde de la course automobile. Malgré la guerre qui menace, on y attend les équipes allemandes et italiennes.
Dans cette perspective, Alfa Romeo et BMW ont, chacun de leur côté, commandé une berlinette aérodynamique à Touring. Les deux voitures sont basées sur des modèles commercialisés, la 2500 SS pour la firme milanaise et la 328 pour Munich.
La berlinette BMW 328 Touring de compétition D.R
La berlinette BMW 328 Touring de compétition D.R
Réalisées chacune à un seul exemplaire, les deux carrosseries Touring sont, à la calandre et quelques détails près, strictement identiques ! Bien sûr, les châssis étant différents, les proportions ne sont pas les mêmes — la 328 est plus étroite.
Très innovante, la carrosserie dessinée par Touring est rigoureusement ponton. Probablement inspirée des tanks Bugatti du Grand Prix de Tours 1923, cette forme dite à « aile épaisse », c’est-à-dire à flancs lisses, est aussi le fruit de l’évolution stylistique des années trente. Le pavillon fuselé s’avère assez proche des berlinettes civiles contemporaines et Touring a renoncé à la poupe haute et tronquée de la 8C 1900 B des 24 Heures du Mans 1938. Extrêmement légère et très profilée (Cx de 0,26), la berlinette Touring est capable de 230 km/h. Une remarquable performance pour une deux litres (et supérieure à celle de l’Alfa Romeo 2500 SS).
La berlinette BMW 328 Touring de compétition D.R
L’Alfa Romeo 2500 SS berlinette Touring de compétition au design identique D.R
La 328 est terminée au mois de mai 1939, juste avant les 24 Heures. La course va offrir à BMW un beau succès. Pilotée par Max von Schaumburg-Lippe et Fritz Wenscher, la berlinette Touring remporte la catégorie deux litres et termine cinquième au général derrière des voitures de cylindrée très supérieure (Bugatti 57, Delage et deux Lagonda 4,5 litres). Elle se classe également deuxième à l’indice de performance derrière la Simca 8 d’Amédée Gordini. Trois voitures ont été engagées, les deux autres construites à Munich dont un coupé, qui ne gagne pas à la comparaison avec la création de Touring… Toutes les machines ont terminé l’épreuve, prouvant la fiabilité de la mécanique 328.
La 328 Touring aux Mille Milles de 1940 D.R
La 328 Touring aux Mille Milles de 1940 D.R
Le second engagement de la 328 Superleggera a pour cadre les Mille Milles qui se déroulent en avril 1940. Le gouvernement ayant interdit les compétitions sur routes ouvertes, la course se déroule sur un circuit fermé peu sélectif, tracé en triangle entre Brescia, Crémone et Mantoue. Elle a été rebaptisée Gran Premio di Brescia delle Mille Miglia. Le règlement a également été modifié : la course est réservée aux voitures de tourisme et à celles dites « Sport National », ce qui exclut l’usage des compresseurs.
L’épreuve va voir la confrontation entre berlinettes et spiders. Plat et rectiligne, le circuit doit théoriquement avantager les voitures fermées à la meilleure aérodynamique. Touring est convaincu de la supériorité de sa berlinette. La course va confirmer le bien fondé de ce jugement.
La 328 Touring aux Mille Milles de 1940 D.R
Le coupé BMW 328 de compétition carrossé à Munich. On voit la différence… D.R
Alfa Romeo, qui a battu BMW en Libye l’année précédente, a sous-estimé les capacités de la marque allemande, surtout après la performance des voitures de Munich aux 24 Heures du Mans 1939. La firme milanaise va être humiliée sur son terrain. Les 328 vont totalement dominer la course. La berlinette Touring de l’équipage Fritz Huschke von Hanstein-Walter Bäumer triomphe à la moyenne record de 166,7 km/h — la vitesse maximum atteinte par la voiture étant de 224 km/h. Elle relègue la meilleure Alfa Romeo, celle de Nino Farina, a quinze minutes et demie.
Modèles d’étude du spider BMW 328 Touring D.R
La maquette de soufflerie du spider BMW 328 Touring D.R
La comparaison est encore plus probante à l’intérieur de l’équipe bavaroise, la 328 Touring battant largement les autres voitures de l’écurie BMW (spiders et coupés carrossés à Munich). Ces dernières terminent aux troisième, cinquième et sixième places. Le triomphe BMW est aussi celui de Touring et la publicité engendrée par cet exploit est de nature à ouvrir le marché international à la carrosserie milanaise. La guerre va contrarier ces espoirs et différer l’expansion internationale de l’entreprise au lendemain du conflit.
Pour le moins heureux de sa collaboration avec Touring, BMW décide de confier à cette dernière la réalisation d’un spider. Le prototype est prêt à la fin 1940. Il a fait l’objet d’une étude aérodynamique poussée et les essais de soufflerie effectués en Allemagne révèlent un Cx de 0,25. Le dessous de la voiture est entièrement caréné, ainsi que les roues arrière. Haut de 95 centimètres seulement, le spider Touring ne pèse que 644 kilos, la carrosserie ne dépassant pas 80 kilos. Le premier exemplaire sera construit au début 1941. Evidemment, la guerre mettra un terme au projet. Cette remarquable voiture servira ensuite de base au spider Veritas. Elle est aujourd’hui conservée au Musée BMW de Munich.
Le spider BMW 328 Touring de compétition D.R
Le spider BMW 328 Touring de compétition D.R