La Carrosserie Ghia
Avec Giugiaro, Touring, Pininfarina et Bertone, Ghia est l’autre grand de la carrosserie italienne. C’est aussi l’une des plus anciennes maisons de la péninsule.
sommaire :
Histoire : Les Ghia de Luigi Segre
Gilles Bonnafous le 21/03/2005
La Deuxième Guerre mondiale faillit être fatale à la carrosserie Ghia, dont l’usine turinoise fut détruite par les bombardements. D’autant que Giacinto Ghia meurt subitement en 1944. Après une querelle d’héritiers, la direction de l’entreprise revient à Mario Felice Boano, désigné dans son testament par le fondateur de l’entreprise. En 1946, à l’âge de 43 ans, Boano entend donner à la vieille maison un nouvel élan.
Alfa Romeo 6C 2500 SS, 1950 D.R.
Alfa Romeo 6C 2500 SS Boano D.R.
De 1947 à 1952, Ghia réalise des modèles sur châssis Fiat 1100 et 1500, Alfa Romeo 6C 2500 SS et 1900, ainsi que sur la Lancia Aurelia. En cette période où éclot la carrosserie ponton, Mario Boano livre sa propre interprétation du nouveau style, un rien provocante. C’est la naissance d’un style flamboyant, dont les ondulations de la ligne de caisse et les roues entièrement carénées (y compris à l’avant) rappellent les étonnantes créations du français Figoni-Falaschi. Dans un genre plus classique et plus sage, Ghia est l’auteur du dessin originel de la magnifique Lancia B 20. Selon certaines sources, la carrosserie aurait également participé au coupé Alfa Romeo Giulietta Sprint dessiné et construit par Bertone.
En ce début des années cinquante, où se développe la production de masse, les maisons italiennes ont pris conscience que l’époque des carrosseries construites à l’unité pour des particuliers est révolue. Pour survivre, ils se rapprochent des grands constructeurs, dont ils se font les sous-traitants. Pinin Farina et Bertone travaillent pour Alfa Romeo et Lancia (Giulietta Spider et Sprint, Aurelia B24). Touring le fera avec Maserati (coupé 3500 GT) et Alfa Romeo (cabriolet 2000), puis avec Lancia (coupé et cabriolet Flaminia) et Aston Martin (DB4 et DB5).
Fiat 1500 Boano, 1946 D.R.
Lancia Aurelia, 1951 D.R.
Tous ont également les yeux tournés vers les Etats-Unis, où se situe le grand marché de l’automobile. Bertone collaborera avec Arnolt, Pinin Farina avec Nash, puis plus tard avec Cadillac. C’est par l’intermédiaire de Fiat que Mario Boano rencontre les dirigeants de Chrysler. Ainsi, naîtra une période particulièrement féconde de l’histoire Ghia. Fruit d’une étroite collaboration avec Virgil Exner, le patron du design du géant de Detroit, les Chrysler-Ghia — de brillants prototypes ainsi que quelques modèles construits en petites séries — étonneront par leur caractère novateur, voire futuriste.
Lancia B20 D.R.
Dodge Fire Arrow D.R.
Mais l’artisan principal du développement des relations avec Chrysler a été Luigi Segre. Engagé en 1950 par Mario Boano comme associé minoritaire, cet ingénieur a reçu le poste de directeur commercial. Toutefois, les relations entre les deux hommes tourneront à l’aigre et Segre prendra le dessus sur Boano, qui quittera l’entreprise dès 1953. Disposant du champ libre, Luigi Segre pourra marquer profondément de son empreinte l’histoire de Ghia.
Boano parti, Segre se met en quête de nouveaux talents pour signer les créations de la maison. Ceux-ci ne manquent pas à Turin : Michelotti, Frua ou Mario Savonuzzi, qui a travaillé pour Cisitalia et que Segre fait venir chez Ghia. Il sera l’auteur de modèles de très grande qualité comme le coupé Supersonic réalisé sur une Alfa Romeo Conrero pour un client suisse participant aux Mille Milles de 1953. Cette splendide voiture servira de prototype aux Supersonic constuites sur châssis Fiat 8V, Aston Martin Mk II et Jaguar XK 120. Savonuzzi signera également la Gilda, une création décisive dans l’histoire de la carrosserie.
Jaguar XK 120 Supersonic D.R.
Fiat 8V Supersonic D.R.
Si la complicité avec Chrysler se poursuivra jusqu’à la fin des années soixante, la collaboration avec les constructeurs italiens s’avèrera beaucoup plus mince : pas de modèles sur base avec Lancia, Ferrari ou Maserati, mis à part quelques prototypes sans lendemain. Une seule exception, Fiat, avec le beau coupé 2300 S, dont le dessin original et plein de caractère est dû à Tom Tjaarda, un jeune designer américain arrivé chez Ghia en 1959. Et si la Ghia 1500 GT, une voiture à la ligne séduisante, a été commercialisée par la carrosserie elle-même, elle est motorisée par un quatre cylindres Fiat de 1,5 litre.
Chrysler Coupé d'Elegance D.R.
Fiat 500 Jolly D.R.
On ne saurait oublier que, si la carrosserie Ghia est universellement connue du grand public, elle le doit à un modèle tout à fait plébéien et massivement diffusé, la célèbre Volkswagen Karmann-Ghia. Lancée en 1955, cette dernière connaîtra 18 ans de succès et saura traverser les décennies avec bonheur. Avec elle, Ghia aura réussi la gageure de créer un modèle élégant et d’allure sportive sur une base de Coccinelle…
La collaboration avec la Régie Renault ne connaîtra pas le même succès. Après qu’un cabriolet Frégate présenté au salon de Paris fut demeuré sans suite, de nouveaux contacts seront pris entre les deux firmes à la fin des années cinquante. Ils donneront naissance à une voiture très audacieuse, à cabine avancée et poste de pilotage en porte-à-faux avant. Ce prototype à moteur arrière basé sur la Dauphine sera repris par Renault sur le projet 900. Ghia en tirera le concept car Selene.
Après la mort de Luigi Segre en 1963, Ghia se rapprochera de l’Italo-argentin Alessandro De Tomaso, qui prendra le contrôle de la carrosserie en 1967.
Fiat 2300 S D.R.
Volkswagen Karmann-Ghia D.R.