La Carrosserie Ghia
Avec Giugiaro, Touring, Pininfarina et Bertone, Ghia est l’autre grand de la carrosserie italienne. C’est aussi l’une des plus anciennes maisons de la péninsule.
sommaire :
Histoire : La période Giacinto Ghia
Gilles Bonnafous le 18/03/2005
Avec Giugiaro-Italdesign, Touring, Pininfarina et Bertone, Ghia est l’autre grand de la carrosserie italienne. C’est également l’une des plus anciennes maisons de la péninsule, dont l’histoire foisonnante et complexe, voire chaotique, apparaît d’une grande richesse. Un parcours étonnant qui prend l’allure d’un roman, où, de Mario Revelli à Giorgietto Giugiaro en passant par Michelotti, Frua, Boano et Exner, se croisent quelques-uns des plus grands créateurs du design automobile. Avec pour conséquence une production en forme d’inventaire à la Prévert, où voisinent des modèles aussi divers que la Maserati Ghibli, la Volkswagen Karmann-Ghia ou les Chrysler construites en collaboration avec Detroit.
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Giacinto Ghia D.R.
Giacinto Ghia naît à Turin en 1887. Très jeune, il commence à travailler chez les tout premiers constructeurs automobiles, où, au fil des années, il acquerra une précieuse expérience technique. Dès l’âge de treize ans, il est l’un des nombreux enfants-ouvriers que l’on rencontre dans les ateliers de l’industrie turinoise, alors à ses débuts. En 1910, il est entré chez Rapid, la marque créée par Giovanni Battista Ceirano, un pionnier de l’automobile italienne. Giacinto Ghia franchit rapidement les échelons et on le retrouve, en 1914, pilote essayeur chez Diatto. C’est dans l’exercice de cette fonction qu’il est victime d’un grave accident. Sa vie professionnelle en sera bouleversée. Ne pouvant poursuivre cette activité, il décide, avec la complicité d’un membre de la famille Ceirano, très influente à Turin, d’ouvrir une carrosserie artisanale. Nous sommes en pleine Guerre mondiale et le modeste atelier réalise ses premières carrosseries sur des châssis Scat, Itala et Diatto.
Giacinto Ghia (au volant) D.R.
Au lendemain du conflit, Giacinto Ghia saura profiter du boom de l’automobile et faire prospérer ses affaires. Au cours des années vingt, les voitures de sport deviennent la caractéristique de la griffe Ghia — tout comme Enzo Ferrari, le patron a participé en 1919 à la Targa Florio au volant d’une Diatto préparée par l’usine. Si l’entreprise s’est constitué une clientèle de riches particuliers, elle répond également aux commandes des usines elles-mêmes, Scat, Fiat, Lancia et Spa. En 1921, Ghia réalise une série de carrosseries sportives de type torpille sur le châssis Fiat 501 S. Inspiré de la voiture de Grand Prix Tipo 805, ce modèle marque le début d’une longue et fructueuse coopération avec la grande firme turinoise.
Fiat 501 S, 1924 D.R.
Itala 65, 1932 D.R.
Ce partenariat n’exclut pas d’autres collaborations. A la Foire de Milan 1925, Ghia expose une Alfa Romeo RLSS à côté d’une Fiat 519. Les salons suivants verront de superbes Lancia (Lambda Gran Sport) et Itala, tandis que la belle Alfa Romeo 6C 1500 S victorieuse de sa catégorie aux Mille Milles 1929 sort également des ateliers de Giacinto Ghia.
C’est l’époque où l’on découvre les carrosseries souples, mieux à même de supporter les contraintes de torsion auxquels sont soumises les voitures, dont les performances vont croissant. Le système le plus connu est celui mis au point par le Français Weymann. Pour sa part, Ghia adopte le procédé Triplex, un revêtement en simili-crocodile.
Alfa Romeo 6C 1500, 1929 D.R.
Fiat 508 S, 1933 D.R.
Fiat Ardita aerodynamique, 1933 D.R.
Dans le domaine du design, l’un des personnages clés de l’époque est, en Italie, le comte Mario Revelli de Beaumont. Remarquable concepteur et designer au style novateur, ce dernier ne se lie à aucune entreprise, travaillant comme consultant pour utiliser un terme d’aujourd’hui. Aristocrate en vue à Turin, ami de Giovanni et Pinin Farina, et de Viotti, Revelli est l’auteur de carrosseries d’avant garde au style audacieux créées pour une clientèle d’élite et présentées dans les concours d’élégance et les salons automobiles.
Ghia entretient des relations privilégiées avec Revelli, qui exercera une profonde influence sur le style de la maison au cours des années trente. Les riches clients s’adressent directement à Revelli, qui fait réaliser les voitures chez Ghia. Parmi les commandes les plus prestigieuses, on citera l’Isotta-Fraschini du duc de Bergame et la Fiat 525 de la princesse de Pistoia-Aremberg, qui sera exposée au salon de l’automobile de Rome en 1929 (le seul qu’ait jamais connu la capitale italienne).
Avec le milieu des années trente, la carrosserie Ghia atteint sa pleine maturité. C’est elle qui crée la "Coppa d'Oro" en 1933 sur la base de la Fiat 508 S. Ce spider apparaît comme le parfait exemple de la voiture de sport légère de cette époque, à la ligne élégante et au prix abordable. Sa popularité est née d’une course (la Coppa d'Oro) organisée par le parti fasciste pour concurrencer les Mille Milles (sans succès !). Il sera produit par Fiat de 1934 à 1937.
Fiat 508 S Coppa d'Oro, 1933 D.R.
Lancia Aprilia aérodynamique 1934 D.R.
Profondément marquée par l’influence de l’aviation, alors en plein essor, l’automobile des années trente connaît la vogue du style aérodynamique. Le talent de Mario Revelli s’y exprime particulièrement et Ghia signe notamment de superbes réalisations sur des châssis Lancia Augusta et Fiat 2500 Ardita et Ardita Sport. Présentées au salon de Milan, ces voitures s’illustrent également dans les concours d’élégance.
Mais avec l’arrivée de la guerre, le luxe n’est plus de mise. Ghia se voit reconverti à la production de bicyclettes…
Fiat Ardita, 1934 D.R.
Fiat 1500 aerodynamique, 1938 D.R.