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Rétromobile 2003
L'Etoile Filante
Gilles Bonnafous le 17/02/2003
L'Etoile Filante naît à une époque où les constructeurs recherchent déjà des solutions alternatives au moteur conventionnel à essence. Elle témoigne aussi de la capacité d'innovation de Renault.
Au début des années cinquante, les grands constructeurs automobiles prospectent déjà l'ensemble des techniques et des carburants alternatifs au moteur à essence. Ils travaillent notamment sur des projets de voitures à turbine, domaine où la General Motors et Fiat possède une longueur d'avance.
Si l'on sait de nos jours le caractère irréaliste de l'application de la turbine à gaz à l'automobile, la démonstration n'est pas faite à l'époque. Or cette technique présente de nombreux avantages : possibilité d'utiliser plusieurs types de combustibles à coût réduit, économie de poids, absence de boîte de vitesses et d'embrayage, etc.
L'Etoile Filante se veut un instrument de travail de la Régie Renault destiné à conduire des recherches sur l'adaptation de la turbine à gaz à l'automobile. En aucun cas, il ne s'agit d'un prototype. Si le projet naît en 1954 sous la présidence de Pierre Lefaucheux, la paternité de l'idée revient à M. Szydlowski, créateur et patron de Turboméca. Ce dernier a développé la TURMO 1, une petite turbomachine de 270 ch, pour un programme lancé par l'Etat et destiné à équiper un char. Le projet n'aboutira pas, mais cette turbine servira à motoriser l'Etoile Filante.
Vraie voiture dotée d'une transmission, l'Etoile Filante est fort éloignée des monstres américains équipés de réacteurs, qui s'apparentent plus à des avions terrestres qu'à des automobiles. Dépourvue de boîte de vitesses, rendue inutile grâce au couple maximum obtenu dès le démarrage, elle reçoit un réducteur-pont à trois étages abaissant la vitesse de rotation de 28 000 tr/mn pour la turbine à 2500 tr/mn pour les roues.
Constitué d'un treillis tubulaire, le châssis est équipé d'un train avant à parallélogramme longitudinal, tandis qu'un essieu brisé prend place à l'arrière (roues indépendantes). La suspension est dotée de barres de torsion et quatre disques logés à l'intérieur de la voiture assurent le freinage. Dessinée à la direction des Etudes de Rueil, la carrosserie fait l'objet d'une étude aérodynamique à la soufflerie Eiffel. Sa réalisation en polyester stratifié représente un travail complexe eu égard aux impératifs conjugués de résistance, de rigidité et de légèreté. Les ailerons placés à l'arrière ont pour fonction d'assurer la stabilité à haute vitesse.
Révélée en février 1956, l'Etoile Filante est essayée à Reims et Monza. Le 22 juin, en présence de Pierre Dreyfus, la présentation à la presse a pour cadre l'autodrome de Montlhéry. Ingénieur pilote à la Régie, Jean Hébert effectue une démonstration au cours de laquelle la voiture atteint la vitesse de 210 km/h.
Aucune piste européenne n'étant adaptée à la tentative de record, Renault part pour les Etats-Unis. C'est la célèbre croûte du Lac Salé, situé à Bonneville aux confins de l'Utah et du Nevada, qui est retenue. Un lieu mythique de la vitesse qui, dans sa riche histoire, a vu tomber autant de records que s'envoler d'ambitions présomptueuses… L'affaire est rondement menée : les essais de mise au point sont réalisés en une seule journée et les parcours durent à peine quatre heures. Le 5 septembre 1956, bien que n'ayant parcouru que 500 kilomètres depuis sa fabrication, l'Etoile Filante bat quatre records internationaux. 32 ans après René Thomas et sa Delage, la France réapparaît au palmarès de la vitesse pure. Le lendemain, il est prévu de remettre l'Etoile Filante en piste pour améliorer le record. En effet, la voiture semble capable de faire beaucoup mieux, Jean Hébert ayant atteint les 322 km/h sur le trajet retour. Hélas, un incident est survenu qui a endommagé la turbine. Renault ne disposant pas de machine de rechange, on en restera là.
Après son retour triomphal en France, l'Etoile Filante est exposée au salon de Paris. Vedette du stand Renault, elle est offerte à la curiosité du public sur un podium tournant. Par la suite, elle participe à de nombreuses démonstrations. Dans un rôle de star, elle se " produit " notamment à Montlhéry et aux 24 Heures du Mans de 1957.
Bien que le potentiel de l'Etoile Filante parût supérieur aux 309 km/h réalisés - Jean Hébert a écrit dans un rapport remis à l'époque qu'elle était capable de 330 km/h -, la voiture est aujourd'hui toujours détentrice du record de sa catégorie, celle des automobiles spéciales à moteur à turbine - à ne pas confondre avec les véhicules, essentiellement américains, à réaction pure.
LES RECORDS BATTUS
Le kilomètre : 306,9 km/h
Le mile : 307,7 km/h
Les 5 kilomètres : 308,850 km/h
Les 5 miles : 280,8 km/h
Avec 309 km/h de vitesse maximum, l'Etoile Filante bat nettement l'ancien record de la catégorie des voitures à turbine de moins de 1000 kilos qui s'établissait à 243 km/h.