Centenaire de la General Motors
"Ce qui est bon pour la General Motors est bon pour les Etats-Unis". Cette célèbre formule illustre la puissance de la première entreprise planétaire, symbole archétypique de l’Amérique triomphante.
sommaire :
Histoire : L'age d'or du design : Harley Earl et Bill Mitchell
Gilles Bonnafous le 27/03/2008
Conçu par Alfred Sloan comme un instrument commercial, le design doit inciter les consommateurs américains à renouveler fréquemment leur voiture. Pour stimuler la demande, Sloan a inventé le concept d'obsolescence planifiée, qui consiste à modifier le design des modèles à un rythme accéléré. Appliqué dès les années trente, ce principe, qui crée un besoin artificiel, sera mis en pratique de manière absolue à partir de 1955. C’est alors à un rythme annuel que se fera le renouvellement des modèles. Dans cette période, il sera aussi l’antidote à une relative saturation du marché.
L’architecte de cette politique sera Harley Earl. Sa carrière débute à la General Motors avec le dessin de la LaSalle 1927, dont la ligne profilée de la maquette a séduit Alfred Sloan et Lawrence P. Fisher, le patron de Cadillac. La LaSalle 1927 (le premier modèle de la marque) peut être considérée comme une étape importante du design américain moderne.
Buick Le Sabre : D.R.
Cadillac 1949 D.R.
Appelé à la tête de la « Art and Color Section », qui deviendra ultérieurement la Direction du style de la General Motors, Earl va, pendant trente ans, régner en maître absolu non seulement du style de la compagnie mais du design automobile américain. Star de la Motor City, il sera doté d’un pouvoir considérable au sein de la General Motors, dont il sera vice-président. Parmi ses réalisations d’avant guerre, citons la ligne de la Buick 1936, une des plus belles voitures yankees de l’époque.
Earl est également l’auteur de la Buick Y-Job, qui inaugure, en 1939, la tradition des show-cars. Utilisée par lui-même comme véhicule personnel, la Y-Job revêt une grande importance historique. Elle fait partie de ces concept cars qui préfigurent les tendances de style — ainsi que les solutions techniques —appliquées ensuite sur les modèles de série. Elle influencera clairement le design des modèles Buick de 1942 et donc de l'après-guerre. Tel ne sera pas le cas de tous les show-cars de la General Motors. Certains, à l’image des Firebirds I, II et III, qui pastichent les jets de l’aviation américaine, étant totalement irréalistes et relevant même du pur délire. Heureuse époque où les constructeurs investissaient des budgets considérables dans des gestes gratuits et extravagants — mais porteurs d’image, un peu à la manière des défilés de mode d’aujourd’hui.
Harley Earl et la Firebird II D.R.
Firebird III D.R.
En cette période flamboyante qui voit un déluge de chromes, l’esthétique des voitures se transforme profondément. Harley Earl se trouve à l'origine de nombreux éléments stylistiques, qui caractériseront l'automobile américaine de l’après-guerre. En particulier les ailerons, sous toutes leurs dimensions et formes (verticaux sur les Cadillac, horizontaux chez Buick et Chevrolet).
Passionné d’aéronautique, Earl s’est beaucoup inspiré de l’aviation. Apparus sur les Cadillac de 1948, les premiers ailerons reprennent les dérives du chasseur Lockheed P-38 Lightning de la Seconde Guerre mondiale. Ils atteindront leur paroxysme en 1959, toujours chez Cadillac. Les butoirs de pare-chocs en forme d'obus relèvent du même esprit. Le design évolue également grâce aux innovations technologiques, notamment aux progrès réalisés dans la fabrication du verre, qui autorisent les pare-brises panoramiques, des formes impossibles auparavant.
Chevrolet 1959 D.R.
Motorama de Boston, 1956 D.R.
Vitrine du design de la General Motors, le Motorama, inventé par la compagnie, est un salon itinérant qui, entre 1949 et 1961, sillonne les Etats-Unis d’Est en Ouest. Version onirique de la caravane publicitaire, ce show présente les concept cars du groupe dans des mises en scène à l’américaine associant spectacles musicaux, danse et haute couture. En créant auprès du public une insatisfaction permanente devant les voitures du futur, le Motorama se révèle comme un instrument privilégié de la politique de vieillissement artificiel des modèles. Son succès est considérable, les visiteurs se comptant en millions sur l’ensemble de la tournée. Certaines innovations présentées là, à l’image du régulateur de vitesse, seront ensuite appliquées à la série.
En 1959, William L. Mitchell succède à Harley Earl. Adepte d’un style plus posé, plus sage, mieux en phase avec l’évolution des goûts des consommateurs, Mitchell va calmer le jeu. Et rapidement mettre un terme aux excès et aux délires, notamment en rabotant les ailerons. Toutefois, les vestiges de ces appendices, qui auront fait couler beaucoup d’encre, demeureront sur certains modèles de la General Motors jusqu'à la fin des années soixante.
Oldsmobile Rocket D.R.
Pontiac 1959 D.R.