Mercedes-Benz Heritage
Mercedes-Benz met son ambitieuse politique patrimoniale au service de ses nouveaux modèles. Musée flamboyant, Classic Center élitiste, réserves richissimes : voyage au cœur du sanctuaire de Stuttgart.
sommaire :
MERCEDES W196
Gilles Bonnafous le 20/08/2007
La scène se passe dans un coin de l’atelier du Classic Center. Une scène presque banale dans ce lieu habitué à recevoir des machines de légende venues bénéficier de quelques soins ou subir un check-up avant une sortie sous les feux de la rampe d’un événement de grande notoriété.
Deux exemplaires de la mythique W 196 sont installés sur deux postes de travail. L’une attend que l’on s’occupe d’elle, l’autre, dénudée après qu’on l’a dépourvue de sa carrosserie, montre les atours de sa mécanique sophistiquée. Il faut savoir que la W 196 est l’une des monoplaces les plus titrées et les plus glorieuses de l’histoire de la compétition automobile. Rarement, un modèle aura dominé à ce point la concurrence. En face, sagement rangés, deux autres monstres sacrés attendent leur tour. Il s’agit de deux Flèches d’argent des années trente, une W 125 et une W 154…
Gilles Bonnafous
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La première W 196 porte le numéro de châssis 8. Elle revient de Berlin, où elle a été pilotée le week-end précédent par Lewis Hamilton lors de la Fashion Week, une nouvelle manifestation de mode organisée du 12 au 15 juillet à la Porte de Brandebourg et dont Mercedes est l’un des partenaires. Le palmarès de cette voiture compte une victoire au Grand Prix de Belgique de 1955 avec Fangio.
Elle a pour voisine le numéro de châssis 13, qui s’offre une remise en route après une immobilisation. Une journée de travail pour son mécanicien, notamment consacrée à une intervention sur les freins.
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Les soins étant terminés, le mécanicien, aidé par un collègue, fait le plein du réservoir. La voiture est ensuite poussée à l’extérieur de l’atelier, où un démarreur électrique introduit dans sa poupe lance le huit cylindres dans un rugissement assourdissant et une forte odeur d’huile de ricin. Le mécanicien fait alors monter la température du moteur pendant cinq minutes à 3000 tr/mn, avant d’enclencher le premier des cinq rapports.
C’est ainsi qu’il nous est donné d’assister au spectacle incroyable d’une W 196 faisant plusieurs allers et retours à vive allure dans une rue du quartier ! On songe à Fangio qui, au volant de ce châssis n°13, remporta le Grand Prix des Pays-Bas en 1955, avant de prendre la deuxième place du Grand Prix de Grande-Bretagne…
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En 1954, la W 196 marque le retour de Mercedes-Benz dans l’univers des monoplaces après une longue absence — depuis 1939 avec la W 154. Elle a été développée pour le nouveau règlement de la Formule 1 entré en vigueur la même année (2500 cm3 atmosphérique ou 750 cm3 avec compresseur).
Quinze châssis seront fabriqués de la W 196, y compris le prototype jamais engagé en course. Jusqu’à huit voitures seront amenées par la marque sur certains Grands Prix, quatre étant réellement engagées. La W 196 existe en deux versions, l’une à roues apparentes, l’autre carénée pour les circuits rapides comme Reims, Monza ou l’Avus à Berlin. Plus agile sur les circuits sinueux, la version classique à roues ouvertes sera retenue la plupart du temps. La collection Mercedes compte aujourd’hui six exemplaires, quatre à roues apparentes, dont deux sont exposées au musée, et deux carénées.
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Construite sur un châssis tubulaire réalisé en deux empattements de 2,21 mètres et 2,35 mètres, la W 196 est motorisée par un huit cylindres en ligne de 2,5 litres à injection directe Bosch — un trois litres existe pour la formule libre (GP de Buenos-Aires). Cette superbe mécanique développe 257 ch à 8250 tr/mn en 1954 pour atteindre la puissance de 290 ch à 8700 tr/mn en 1955. Ainsi gréée, la W 196 dépasse les 280 km/h pour atteindre les 300 km/h en version aérodynamique. Son poids à vide est de 650 kilos — 700 kilos pour la voiture carénée.
La W 196 s’impose d’emblée dès sa première sortie, enlevant les deux premières places du Grand Prix de France (ACF) de 1954 disputé à Reims. Les nombreuses victoires qu’elle remportera ensuite vont faire la gloire de cette monoplace. A son volant, Juan Manuel Fangio s’adjuge à deux reprises le titre mondial des pilotes (1954 et 1955).
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Sur les douze Grands Prix disputés en championnat du monde de Formule 1 au cours des saisons 1954 et 1955, la W 196 glane neuf victoires, huit pole position et neuf meilleurs tours en course. Une domination totale complétée par quatre doublés (France 1954, Belgique, Pays Bas et Italie 1955) et un quadruplé (Grande-Bretagne 1955). A ces neuf victoires, il convient d'ajouter le triplé réalisé au Grand Prix de Berlin en 1954 et le doublé du Grand Prix de Buenos-Aires l’année suivante.
C’est bien sûr Fangio qui récolte pratiquement tous les lauriers avec neuf succès : France, Allemagne, Suisse et Italie en 1954, Argentine, Buenos-Aires, Belgique, Pays-Bas et Italie en 1955. Une seule victoire pour Stirling Moss (GP de Grande-Bretagne 1955) et Karl Kling (GP de Berlin 1954). Trois autres pilotes prendront également le volant de la W 196 : Herrmann Lang (Allemagne 1954/abandon), André Simon (Monaco 1955/abandon), Piero Taruffi (deuxième place au GP d’Italie et quatrième à celui de Grande-Bretagne en 1955) et Hans Herrmann (troisième en Suisse et quatrième en Italie en 1954, quatrième en Argentine en 1955).
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