Mercedes-Benz Heritage
Mercedes-Benz met son ambitieuse politique patrimoniale au service de ses nouveaux modèles. Musée flamboyant, Classic Center élitiste, réserves richissimes : voyage au cœur du sanctuaire de Stuttgart.
sommaire :
Les réserves
Gilles Bonnafous le 23/08/2007
C’est dans un extraordinaire périple dans le temps et 120 ans d’histoire de la marque à l’étoile que plonge la visite des réserves de Mercedes-Benz Heritage. Cette inoubliable caverne d’Ali Baba a pour cadre deux grands halls discrets et proches du Classic Center. Des garages qui ne sont naturellement pas accessibles au public et auxquels Mercedes souhaite garder un caractère de confidentialité pour des raisons de sécurité. Un contraste saisissant entre la banalité du flacon et l’ivresse prodiguée par le contenu…
Abritées sous des housses noires, les voitures offrent leurs silhouettes fantomatiques au visiteur tout excité par le mystère de ce qu’il va découvrir en levant le voile ! Un geste qui, à maintes reprises, révèle une merveille qui, dans une vente aux enchères, partirait à plusieurs millions d’euros…
W196 carénée Gilles Bonnafous
Mercedes de GP de 1906 Gilles Bonnafous
De l’ordre de 300 véhicules prennent place en ces lieux magiques, dont beaucoup ont été restaurés par le Classic Center. Car les réserves n’ont rien d’un mouroir. Loin d’être immobile, la collection Mercedes vit et bouge. Les voitures quittent les réserves et y reviennent après avoir pris part à des manifestations d’automobiles de collection, où elles représentent la marque à l’étoile, ainsi qu’à des événements médiatiques. Elles sont également prêtées à différents musées pour être exposées et sont louées à des particuliers et à des entreprises dans le cadre des Classic Events. Une cinquantaine de véhicules sont toujours prêts à prendre la route.
Les autres voitures ont vocation à être restaurées. Elles attendent leur tour. Quelques-unes toutefois ne le seront jamais, car Mercedes souhaite leur conserver leur état d’origine.
500 K Gilles Bonnafous
Mercedes de 1904 Gilles Bonnafous
On trouve de tout dans les réserves : quelques Maybach, dont une V12 Zeppelin, des « safety cars » AMG qui trouvent là un havre de paix, même des camions de compétition…
Au rayon des ancêtres, des modèles des marques Daimler et Benz — plusieurs répliques du tricycle de Karl Benz de 1886 et une Benz 8/28 HP —, et des Mercedes, une de 1904, une Simplex 35 ch et une machine de Grand Prix à six cylindres séparés.
Maybach Zeppelin V12 Gilles Bonnafous
Mercedes Simplex Gilles Bonnafous
Les vedettes des années trente sont les surpuissantes S et SS, puis 500 K et 540 K, dont une « Spezial roadster », le summum en la matière. Non loin de cette icône Mercedes d’avant guerre prête à dévorer le macadam, une épave de 540 K repose sur des chandelles. Complète, la voiture est conservée pour l’instant dans l’état où elle a été trouvée. De la même époque, mais aux antipodes de ces sommets, un plus modeste mais original « roadster sport » Type 150 de 1935 exposé dans le précédent musée.
Mercedes 540 K « Spezial roadster » Gilles Bonnafous
Mercedes SSK Gilles Bonnafous
Le modèle le plus abondant est la 300 SL, représentée par une dizaine d’exemplaires et un châssis (un autre est exposé au musée), ainsi que par la première version de course de 1952 qui s’est illustrée à la Carrera Panamericana. Une demi-douzaine de 600 illustrent les différentes versions du modèle (normale, limousines Pullman, landaulets dont celui à six portes), plus un corbillard… La plus monstrueuse est une limousine de parade de la République Fédérale Allemande fabriquée à deux exemplaires en 1965 — le second est exposé au musée à côté d’une 300 de Konrad Adenauer.
300 SL Gilles Bonnafous
300 SL de la Carrera Panamericana Gilles Bonnafous
Pavillon surélevé, caisse blindée, pare-brise et vitres à l’épreuve des balles, ouverture pneumatique des portes (impossibles à ouvrir sinon compte tenu de leur poids)… Avec près de cinq tonnes, la voiture ne pouvait dépasser 80 km/h à l’époque en raison des pneus ¬— aujourd’hui elle peut se permettre 100 km/h grâce aux progrès réalisés par les manufacturiers. Pendant trente ans, ce char républicain a accueilli les rois, présidents et Premiers ministres en visite officielle (Willy Brandt, Brejnev, etc.). L’Etat allemand n’a jamais été propriétaire des deux 600 de parade, qui ont toujours appartenu à Mercedes. Elles lui étaient prêtées quand de besoin et transportées de Stuttgart à Bonn sur un camion.
une 600, limousine de parade de la RFA Gilles Bonnafous
Répliques du tricycle de Karl Benz de1886 Gilles Bonnafous
Singulier contrepoint que la bien modeste berline W 123 : la raison de sa présence dans de brillantissime aréopage tient à son histoire hors du commun. Il s’agit d’un taxi grec qui a parcouru pas moins de 4,6 millions de kilomètres. Son propriétaire s’en est servi pendant 26 ans…
Berlines DTM, Sport-prototypes, monoplaces de F1 et Indy car… Mais des machines de compétition, les plus exceptionnelles restent les Flèches d’Argent des années trente, dont la W 165, la petite 1500 cm3 qui s’illustra au Grand Prix de Tripoli de 1939. Avec un coup de cœur tout particulier pour une W 25 non restaurée, émouvante dans son authenticité qui ne cache rien des affres du temps et ses blessures témoins d’une vie menée à 300 à l’heure…
W165 Tripoli Gilles Bonnafous
Indy car Gilles Bonnafous
La seconde W 196 carénée que possède Mercedes et qui a été entièrement restaurée au terme de cinq ans de travail fait partie des incroyables trésors qui se cachent sous les bâches noires frappées de l’étoile. Et que dire de l’une des deux 300 SLR Uhlenhaut de 1955 fabriquées — la seconde est exposée au musée ? Modèle aussi inouï qu’extravagant, la 300 SLR W 196S était une Formule 1 de route…
W25 Gilles Bonnafous
300 SLR Uhlenhaut Gilles Bonnafous