Le désamour pour le diesel est-il justifié ?
Cédric Morançais le 13/02/2017
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Un bond de 17 ans en arrière
Les ventes de voitures diesel qui représentent moins d’une immatriculation sur deux dans l’Hexagone, cela n’était plus arrivé depuis l’an 2000. Pourtant, en janvier, seuls 47,8% des voitures mises en circulation dans notre pays se nourrissent de gasoil. Loin d’être un accident, ce chiffre montre une tendance de fond, qui a débuté en 2012 mais a été accentuée par une succession d’annonces peu réjouissantes. La première salve a été tirée par l’Organisation Mondiale de la Santé, en 2012. Cette année-là, cet organisme classe le diesel parmi les cancérogènes certains pour l’humain.
La véritable bombe, c’est le scandale Volkswagen. En septembre 2015, une ONG américaine démontre que certains modèles TDI vendus aux Etats-Unis par le géant allemand sont dotés d’un logiciel leur permettant de détecter les moments où ils subissent un test d’homologation. Ils activent alors au maximum leurs dispositifs de dépollution. Mais, en dehors de ces phases, ces véhicules dépassent très largement les normes, entrainant une pollution conséquente. Rapidement, d’autres constructeurs sont soupçonnés d’avoir recours à de tels stratagèmes, provoquant l’ouverture de nombreux dossiers judiciaires dans plusieurs pays. Des dossiers aujourd’hui toujours en cours.
L’occasion est alors trop belle pour certains politiques peu au fait de la chose automobile de mettre en accusation ce carburant longtemps favorisé. Suivant les déclarations des uns et des autres, on parle ainsi de restrictions de circulation, voire d’une interdiction totale de ces autos à l’horizon 2025. De quoi, effectivement, inquiéter les automobilistes sur le point d’acquérir une nouvelle voiture.
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Trop d’incertitudes
Les automobilistes qui repassent à l’essence le font-ils pour des raisons de santé publique ? Il est permis d’en douter pour une part non-négligeable d’entre eux. Les problèmes soulevés récemment posent, en effet, des problèmes plus concrets au quotidien. A commencer par tout ce qui concerne le porte-monnaie des propriétaires. C’est, évidemment, un point crucial car l’achat d’un véhicule diesel était principalement motivé par les économies réalisées sur le budget carburant. Au fil du temps, l’écart entre le sans-plomb et le gasoil tend toutefois à s’amenuiser. La volonté de certains politiques est d’ailleurs d’arriver, dans les prochaines années, à une fiscalité identique entre ces deux carburants. Plus cher à produire, le gasoil devrait donc être plus couteux à la pompe le jour où cette égalité sera devenue réalité. En parallèle, l’écart entre les prix de vente d’un modèle essence et son équivalent diesel ne cesse d’augmenter. Aujourd’hui, il faut compter, en moyenne, de 2 000 € à 3 000 €. Une hausse due à l’obligation, pour les dCi, HDi et autres TDI, de se doter de systèmes de dépollution toujours plus chers permettant de satisfaire à des normes toujours plus contraignantes. Et si ces dispositifs grèvent les factures d’achat, ils ont aussi une incidence sur le budget d’usage, notamment ceux qui utilisent de l’AdBlue, ce dérivé d’urée qui nécessite des appoints réguliers. En quelques années, l’entretien d’un véhicule diesel a, lui aussi, augmenté, ces blocs réclamant des consommables, notamment des lubrifiants, toujours plus pointus et donc plus chers. Dans le même temps, la revente des voitures diesel se complique et entraine une baisse des cours sur le marché de la seconde main. Récupérer, lors de la revente, le surcoût consenti à l’achat devient désormais mission impossible. Voiture plus dispendieuse à l’achat, plus couteuse à l’usage mais qui se revend moins cher, voilà une équation qui rend impossible, pour une grande partie des conducteurs français, l’amortissement de ce type d’auto.
En parallèle, la complexification de ce type de moteur est allée de concert avec une baisse de leur fiabilité. Vanne EGR encrassée, turbo grippé, filtre à particules obstrué, injecteur hors-service : la liste de ces nouveaux griefs est longue. A chacune de ces pannes est associée une facture coûteuse : tablez sur 400 à 600 € pour une vanne EGR, de 1 500 à 2 500 € pour un turbo, jusqu’à 1 200 € pour un filtre à particules et de 600 à 1 000 € pour un seul injecteur. Sans oublier les problèmes liés à l’immobilisation de la voiture durant ces réparations.
Les automobilistes qui vivent dans les grandes villes s’inquiètent également de la possible interdiction de circuler de leur auto. L’arrivée de la vignette Crit’Air à Paris, et bientôt dans une vingtaine d’autres agglomérations françaises, perturbe déjà la vie de milliers de nos concitoyens. En effet, à date de mise en circulation égale, certains diesel peuvent se voir interdit de circuler tandis que les essence ne subiront aucun restriction. Et même si elles sont non-fondées, les volontés de certains de nos dirigeants d’interdire, à terme, totalement les voitures utilisant ce carburant sur le territoire français ne peuvent qu’inquiéter quelqu’un sur le point de choisir une nouvelle voiture avec la perspective de la conserver le plus longtemps possible.
Une technologie qui conserve son intérêt dans certains cas
Enterrer le diesel sans autre forme de procès serait prématuré. Tout d’abord parce que ces moteurs n’ont jamais été aussi propres qu’aujourd’hui. Certes, les écologistes rétorqueront qu’une voiture électrique fait encore mieux en ce domaine, mais cette dernière n’est toujours pas adaptée à certains usages. Les normes Euro, de plus en plus contraignantes, ont, en effet, obligé les constructeurs à faire toujours plus d’efforts sur leurs modèles diesel. En moins de 25 ans (les premières normes Euro sont entrées en vigueur en 1993), les rejets maximum autorisés de monoxyde de carbone (CO) ont été divisés par plus de cinq (500 mg/km contre 2 720) et ceux des particules en masse par 31 (4.5 mg/km contre 140). En parallèle, deux nouvelles contraintes sont apparues. La première concerne les oxydes d’azotes, les fameux NOx, et est désormais fixé à 80 mg/km maximum. La seconde fixe le nombre maximal de particules rejetées par kilomètre à 6,1. Avec cet ensemble de limites, les diesel neufs sont désormais à un niveau de rejets très proches de celui des moteurs essence les plus performants en ce domaine. Autre nouveauté, ces niveaux devraient rester très bas durant toute la durée de vie d’une voiture. En effet, l’entrée en vigueur d’un nouveau test de pollution, prévue pour 2019, obligera les modèles ne satisfaisant plus à ces normes à passer par la case atelier pour une remise en conformité. Le plus souvent, il s’agira de pallier aux conséquences de l’encrassement de la mécanique, ce qui pourra aller de la régénération forcée du filtre à particules au remplacement de certains éléments couteux (injecteurs, filtre à particules…).
Economiquement, le diesel se justifie également toujours pour les gros rouleurs. Sur autoroute, leur consommation moindre fait que, même en considérant, qu’un jour, sans-plomb et gasoil seront au même tarif, un trajet routier ou autoroutier sera toujours moins coûteux en diesel. En prime, ce genre d’usage réduit très fortement le risque de connaitre une panne dispendieuse à condition, toutefois, de respecter quelques règles destinées à préserver la mécanique (attendre que le moteur soit bien chaud avant de dépasser les 2 500 tr/mn avec un moteur diesel, le laisser au minimum 30 secondes au ralenti avant de le couper après un trajet réalisé à vitesse soutenue afin de laisser le temps au turbo de redescendre en régime…). De plus, pour les entreprises, la fiscalité touchant ce type de voiture reste encore largement favorable. La possibilité progressive de récupérer la TVA sur le sans-plomb, un privilège aujourd’hui réservé au gasoil, réduira cet avantage, mais tant que la TVS restera calculée sur les rejets de CO2, le diesel en conservera une très grosse partie.