Centenaire de la Coupe Gordon Bennett
150 ancêtres et vétérans étaient rassemblés en Auvergne pour faire revivre la Coupe Gordon Bennett, l'ancêtre des Grands Prix automobiles.
sommaire :
Histoire : Historique de la Coupe Gordon Bennett
Gilles Bonnafous le 13/06/2005
On imagine mal aujourd’hui le rayonnement qui a été celui de la Coupe Gordon Bennett au début du siècle dernier. En novembre 1899, James Gordon Bennett, le richissime propriétaire du journal New York Herald, ancêtre de l’International Herald Tribune, propose aux automobile-clubs des huit grands pays industrialisés d’organiser un Prix international, où les nations seront représentées par leurs constructeurs automobiles. Le règlement prévoit trois voitures au maximum par pays, la nation victorieuse organisant l’épreuve l’année suivante.
La coupe Gordon Bennett D.R.
James Gordon Bennett D.R.
En quelques années, la Coupe Gordon Bennett deviendra un événement considérable, aux puissants enjeux économiques et politiques. En cette époque de chauvinisme exacerbé, les nations viendront se mesurer, chacune d’entre elles tentant d’affirmer sa supériorité technique et de faire valoir son influence sur l’industrie automobile. Ces premières courses marqueront également la naissance des grandes compétitions automobiles internationales, notamment les futurs Grands Prix.
La Coupe Gordon Bennett connaît des débuts difficiles. La première se tient en France en juin 1900 sur le parcours Paris-Lyon, mais elle ne rassemble que cinq concurrents, dont trois Français, tous sur Panhard-Levassor. Il faut savoir qu’à cette époque, notre pays est le premier producteur de voitures au monde et que le sport automobile est un monopole hexagonal. Deux voitures seulement rejoindront l’arrivée (Charron et Girardot), à 62 km/h de moyenne tout de même.
Plan du circuit d'Auvergne D.R.
Théry et la Brasier, 1905 D.R.
Edge sur Napier vainqueur en 1902 D.R.
Jarrott sur Napier en 1903 D.R.
La deuxième édition de 1901, qui se dispute dans le cadre de la course Paris-Bordeaux, se solde également par un échec. Si trois voitures françaises sont encore au départ, deux Panhard-Levassor pilotées par Charron et Girardot et une Mors, au volant de laquelle a pris place Levegh, un seul concurrent étranger est présent, l’Australien Edge sur Napier. Léonce Girardot sera le seul à terminer.
En 1902, la Coupe est à nouveau incluse dans une autre épreuve, le Paris-Vienne, le classement final étant établi à Innsbruck. Des cinq participants, trois Français et deux Britanniques, White sur Wolseley et Edge sur Napier, seul ce dernier parvient à l’arrivée. En perdant la Coupe au profit du Royaume-Uni, la France s’est montrée vulnérable. Cette défaite va relancer la Coupe.
Jenatzy vainqueur de la coupe en 1903 D.R.
Les débuts de Fiat en 1904 D.R.
Nettement plus disputée, l’édition 1903 rassemble douze voitures et quatre nations : trois Napier anglaises, deux Panhard-Levassor et une Mors pour la France, trois Mercedes 60 HP (les 90 HP ayant été détruites dans l’incendie qui a ravagé les ateliers de Cannstadt) dont l’une pilotée par le Belge Camille Jenatzy, et trois voitures américaines (deux Winton et une Peerless). Les courses étant interdites en Angleterre, la Coupe a lieu sur un circuit tracé en Irlande, dont il faut accomplir sept tours. Jenatzy l’emporte devant les trois voitures françaises.
Avec son édition 1904, qui se déroule en Allemagne, la Coupe évolue et prend une importance toute nouvelle. L’empereur Guillaume II lui donne un faste particulier et l’épreuve se trouve placée au centre de nombreuses manifestations artistiques et mondaines (spectacles de danse, opéras, concours d’élégance, concerts de musique militaire). C’est le Kaiser qui a insisté pour que la course se déroule près de Homburg dans le massif du Taunus, où les concurrents auront à parcourir quatre tours d’un circuit de 137 kilomètres. Vitrine du savoir-faire allemand, la course bénéficie d’un système de chronométrage précis, de liaisons téléphoniques et d’un service médical, tandis que des tribunes monumentales sont installées.
Opel sur Opel-Darracq, 1904 D.R.
La plaine de Laschamps D.R.
La France et l’Angleterre, qui ont été battues les années précédentes, organisent des éliminatoires ouvertes à leurs constructeurs afin que les meilleures voitures se trouvent au départ. Par ailleurs, outre celles qui courent pour l’Allemagne, trois Mercedes sont engagées par l’Automobile Club autrichien — Daimler ayant monté une usine en Autriche ! Le Français Darracq réplique à cette astuce en engageant de son côté une Opel-Darracq, en fait une Darracq construite en Allemagne. La rivalité franco-allemande bat son plein…
Pas moins de dix-neuf voitures représentant sept nations sont au rendez-vous du 17 juin : la France (une Richard-Brasier, une Mors et une Turcat-Méry), l’Angleterre (toujours Edge sur Napier et deux Wolseley), l’Allemagne avec deux Mercedes (dont l’une confiée à nouveau à Jenatzy) et l’Opel-Darracq, l’Autriche et ses trois Mercedes, l’Italie avec trois Fiat, dont l’une pilotée par Vincenzo Lancia, la Belgique (trois Pipe) et la Suisse avec une Dufaux.
Le pont de Laqueille, 1905 D.R.
D.R.
Sur sa Richard-Brasier, Léon Théry prend l’avantage sur Jenatzy dès le deuxième tour. Il augmentera son avance jusqu’à la ligne d’arrivée, qu’il fera franchir à une voiture bleue sous le regard du Kaiser… Le triomphe tricolore est complété par la troisième place de Rougier sur Turcat-Méry.
Après la victoire française de 1904, les clubs régionaux et les conseils généraux se disputent l’honneur d’organiser l’épreuve l’année suivante. Avec l’appui de Michelin, l’Auvergne emporte la mise et accueille, sur le circuit tracé au pied des volcans par les frères Michelin, la sixième et dernière Coupe Gordon Bennett. En effet, l’Automobile Club de France a décidé de saborder cette dernière pour organiser, dès l’année suivante, son premier Grand Prix de l’ACF.
Caillois sur Brasier, 1905 D.R.
Jenatzy sur Mercedes, 1905 D.R.
L’organisation de la Coupe suppose la réalisation de travaux gigantesques : réfection des routes, pose de dizaines de kilomètres de barrières et de grillage pour les spectateurs, construction de ponts sur les passages à niveaux et d’un village de toile et de tribunes sur la ligne de départ, épandage d’un produit anti-poussière… Sans parler de la mise en place de moyens de transmission modernes, de postes de sécurité, etc. Au total un budget de 350 000 francs-or !
Les éliminatoires françaises réunissent 24 engagés au volant de Brasier, Gobron-Brillié, de Dietrich, Darracq, Renault, Bayard-Clément, Hotchkiss, CGV (Charron, Girardot et Voigt), Panhard-Levassor et Auto-Moto. Léon Théry sur Brasier, Caillois également sur Brasier et Duray sur de Dietrich remportent la sélection. Face à eux, six Mercedes de 14 litres et 115 ch engagées par Emile Jellinek pour l’Allemagne et l’Autriche, trois Fiat, deux Pope et une Locomobile américaines, deux Wolseley et une Napier.
La Bayard-Clément de René Hanriot lors des éliminatoires de la coupe en 1905 D.R.
Une Brasier au pit stop Michelin en 1905 D.R.
Pour ses marques clientes, Michelin a aménagé des espaces pour le ravitaillement des voitures, où sont changés les quatre pneus et est effectué le plein de carburant. Chaque poste compte quatre équipes de trois hommes. L’opération ne prend ainsi que trois minutes contre une vingtaine pour les autres concurrents. Le « pit stop » vient d’être inventé…
Vincenzo Lancia sur Fiat en 1905 D.R.
Bianchi sur Wolseley en 1905 D.R.
Le 5 juillet 1905, 80 000 spectateurs sont au rendez-vous, tandis que 300 journalistes du monde entier couvrent la course. Au terme d’un duel sans merci avec la Fiat de Vincenzo Lancia, Léon Théry l’emporte sur sa Brasier. Mais c’est Lancia qui a mené la course jusqu’au troisième tour, où une panne mécanique consécutive à la projection de pierres sur son radiateur l’a contraint à l’abandon. De plus, les deux autres Fiat de Nazarro et Cagno prennent les deuxième et troisième places.
Quant à Michelin, la firme remporte cinq des six premières places grâce à un nouveau pneu qu’elle a mis au point. Baptisé « la Semelle », ce dernier bénéficie d’une enveloppe garnie de rivets en acier, qui lui permet de résister aux arrachements provoqués par les dérapages sur les routes, qui, à l’époque, ne sont pas encore asphaltées.
Vue du tableau des temps après le 3ème tour de Théry, 1905 D.R.
Théry vainqueur en 1905 D.R.