Targa Florio Revival
Créée en 1906 par Vincenzo Florio, la Targa, dont le nom provient de la plaque (targa en italien) offerte au vainqueur, fut avec les 24 Heures du Mans et les 500 Miles d'Indianapolis le rendez-vous incontournable des plus grands pilotes et constructeurs.
sommaire :
ALFA ROMEO 33/2
le 15/10/2000
Elle s’appelle Alfa Romeo 33/2 et on l’a surnommée " Daytona " parce qu’elle est apparue aux 24 Heures de Daytona, en février 1968. En fait le projet 105.33 dont la 33 tire sa véritable appellation est plus ancien, puisqu’il date de septembre 1964, époque qui coïncide avec l’arrivée de l’ingénieur Carlo Chiti à la tête du service course d’Alfa Romeo. Ce colosse aux lunettes d’écaille et au fort accent florentin avait passé trois années chez Ferrari. Trois années qui virent notamment les voitures au cheval cabré passer au moteur central, aux freins à disque et à une aérodynamique plus poussée, et qui se soldèrent par trois nouveaux titres mondiaux : un en Formule 1 (1961), et deux en Sport, 1960 et 1961).
Après l’exode brutal de 1960 et deux années perdues dans les éphémères aventures Serenissima et ATS, Chiti rejoint Alfa Romeo en 1964, lorsque le président Giuseppe Luraghi lui propose la direction du service course. Sa première mission consiste à rénover la Giulia Tubolare Zagato à laquelle Chiti reproche son centre de gravité trop élevé. Avec la collaboration d’Elio Zagato, cela donna la très surbaissée TZ 2, qui débuta en 1965. Mais sa vraie priorité était de faire revenir Alfa Romeo au Championnat mondial des marques. Ce fut la 33.
Morelli Bertier
Morelli Bertier
Après différentes expérimentations, la première Alfa Romeo à moteur central depuis la monoplace 512 (mort-née à cause de la guerre) fut présentée à la presse le 6 mars 1967. Une semaine plus tard, Teodoro Zeccoli remportait à son volant l’anonyme course de côte de Fléron, en Belgique. Mais le premier succès public de la 33 fut à l’occasion des 12 Heures de Sebring lorsqu’Andrea de Adamich passa en tête à la fin du premier tour avec l’une des deux 33 engagées. Alfa Romeo signalait avec éclat son retour sur la scène du Championnat du monde des marques.
Alfa Romeo 33/2 de Osborn-Van Vlissingen
La principale originalité de la 33 est son châssis d’inspiration aéronautique, qui consiste en trois tubes de 200 mm de section formant un H asymétrique en alliage léger, et contenant les réservoirs souples en caoutchouc. À chaque extrémité, deux pièces de fonderie d’aluminium complètent cette structure tout en servant de point d’ancrage à tous les éléments, y compris le moteur et la boîte-pont à 6 vitesses qui lui fait suite. Malgré cela et une carrosserie en polyester, les 580 kg annoncés furent toujours dépassés.
Le moteur, un V8, reprend l’angle traditionnel de 90°. Les deux arbres à cames par banc sont entraînés par chaînes et les chambres de combustion hémisphériques n’ont que deux soupapes (mais deux bougies). Avec une cylindrée totale de 1995 cm3 et un taux de compression de 11à 1, ce moteur était donné pour 270 ch à 9600 tr/mn.
Les jantes à fort déport ont un dessin caractéristique et l’élément le plus frappant de la carrosserie en polyester de cette première 33, bi-place et ouverte, était la prise d’air du dispositif d’injection qui pointait au dessus du capot moteur et lui valut le surnom de " périscope ". C’est dans cet accoutrement que la 33 d’Andrea de Adamich surprit tout le monde à l’issue du premier tour de ces 12 heures de course sur la base aérienne désaffectée de Sebring.
Alfa Romeo 33/2 de Osborn-Van Vlissingen Morelli Bertier
Morelli Bertier
Mais l’euphorie s’arrêta là. La voiture de Bussinello/Galli tomba en panne d’allumage peu après 4 heures de course et De Adamich/Zeccoli furent lâchés par leurs suspensions.
À la Targa Florio, le même mal frappa les quatre voitures engagées. Elle s’était pourtant montrées au moins égales aux Porsche 2 litres, mais aucune n’était à l’arrivée.
Aux 1000 Km de l’ADAC, sur le Nürburgring, la 33 de Russo/Baghetti succomba à des ennuis de boîte et celle de Adamich/Galli cassa encore ses suspensions. Ces derniers parvinrent cependant à ramener à la cinquième place la 33 très attardée de Bussinello/Zeccoli.
Le circuit du Mugello, sorte de Targa Florio dans les montagnes florentines, au milieu de l’été, ne fut pas plus propice aux deux 33 engagées. En conséquence, les courses moins importantes du reste de l’année virent apparaître une par une les modifications qui débouchèrent sur la " Daytona ". Mais avant d’être envoyée en Floride, elle fut révélée en décembre à Balocco, la piste d’essais d’Alfa Romeo, entre Milan et Turin.
La révision touchait bien entendu les suspensions avant qui étaient renforcées, en même temps qu’une voie élargie pour améliorer la tenue de route. Le moteur 2 litres gagnait quelques chevaux et la carrosserie était complètement remaniée, avec de larges branchies entre les portes et les roues arrière afin de ventiler les radiateurs d’eau et d’huile déplacés de l’avant sur les flancs du compartiment moteur, (ce qui permettait de supprimer la prise d’air avant). Le volant était à gauche et le double galbe du pare-brise s’accordait avec les plexis latéraux.
Pour les 24 Heures de Daytona, le 3 février, Carlo Chiti imposa une limitation à 8300 tr/mn et bien lui en a pris : les trois 33 places terminèrent groupées aux cinquième, sixième et septième avec, dans l’ordre Udo Schutz/Nino Vaccarella, Mario Andretti/Lucien Bianchi et Giancarlo Biscaldi/Mario Casoni.
À la Targa Florio, le 5 mai, Autodelta engagea quatre 33 dotées d’une prise d’air sur le capot pour ventiler le radiateur d’huile déplacé là afin de consacrer les " branchies " en totalité à l’eau. La 33 du héros local, Vaccarella, était dotée d’un moteur de 2,5 litres. Cette majoration de cylindrée obtenue par un vilebrequin allongeant la course de 52,2 à 64,4 mm, augmentait sensiblement la puissance, mais surtout le couple encore plus important sur le circuit tourmenté des Madonies. Elle contredisait aussi les affirmations faites quelques mois plus tôt par Chiti : " Que ce soit bien clair, elle restera une deux litres ".
Morelli Bertier
Alfa Romeo
Malheureusement Udo Schutz la sortit de la route après avoir pris le relais de Vaccarella. Galli/Giunti, coiffés au poteau par la Porsche 907 de Elford/Maglioli, remportaient leur classe et précédaient Casoni/Bianchi. Baghetti/Biscaldi finirent sixièmes, juste derrière Pilette/Slotemaker sur l’une des deux 33 vendues au team VDS du Belge Van Der Stratten, qui les avait étrennées deux semaines plus tôt aux 1000 Km de Monza, en l’absence d’Autodelta.
Des cinq 33 présentes sur le Nürburgring pour les 1000 km de l’ADAC, le 19 mai, la mieux placée à l’arrivée était celle de Galli/Giunti, cinquième et première de sa classe (Sport-prototypes 2 litres). Bianchi/Schutz étaient 7èmes avec la 2,5 litres, Schultze/Vaccarella 11èmes, Gosselin/Trosch 13èmes et Pilette Slotemaker 29èmes.
Ignazio Giunti remporta les deux manches du GP de la République, à Vallelunga le 2 juin, devant une Abarth et une Porsche 910. Après la victoire de Vaccarella/Bianchi/Galli au GP du Mugello, le 28 juillet, et le beau triplé des 33/2 Autodelta à Imola le 15 septembre avec, dans l’ordre, Vaccarella/Zeccoli, Giunti/Galli et Casoni/Dini, la presse italienne se prit à rêver d’une victoire des Alfa Romeo au Mans. Autodelta avait effectivement soigné la préparation de ce rendez-vous reporté cette année-là à septembre par les évènements de mai 1968. Une carrosserie à l'arrière allongé était testée depuis avril, et l’on avait renoncé à plusieurs manches du championnat mondial, dont celles de Monza et de Francorchamps, pour mieux préparer Le Mans.
Alfa Romeo " Stradale " D.R
Alfa Romeo " Carabo " de Bertone D.R
La " bible" sur le sujet en dénombre 30, sans compter les 18 dérivés " Stradale " (avec un empattement allongé de 10 cm) et les dream-cars auxquels ils ont servi de base : Carabo de Bertone, Roadster Coupé et Spider de Pininfarina, Iguana de Giugiaro. Où sont passées les 33/2? Deux ou trois seulement, en plus des VDS, ont continué avec des écuries privées. La Targa Florio Revival nous a donné le plaisir d’en revoir deux, fraîchement restaurées en Angleterre, où il en existe une troisième. Cela ne fait pas le compte ! De plus, les archives pourtant très riches d’Alfa Romeo n’ont, paraît-il, rien sur le sujet. L’histoire de la 33/2 reste à écrire...
Morelli Bertier
Alfa Romeo " Iguana " de Giugiaro D.R