Monte Carlo Historique 2006
Le Monte-Carlo Historique fête ses 10 ans. Reims célébrait ainsi son 10ème départ avec 84 équipages !
sommaire :
Interview d’Erik Carlsson
Gilles Bonnafous le 30/01/2007
Pilote de rallye, Erik Carlsson remporta à deux reprises consécutives le Rallye de Monte-Carlo. C’était en 1962 et 1963. Une première dans l’histoire de la célèbre épreuve, qui lui valut sa grande notoriété. Il fut surnommé « Carlsson pa taket », Carlsson sur le toit, en référence à un roman suédois destiné aux enfants. La raison de ce sobriquet ? Son goût pour les tonneaux, parfois volontaires comme au Safari Rally. Sa spécialité était le freinage du pied gauche tout en accélérant dans les virages de manière à garder le moteur dans les tours et passer plus vite… Ce géant, qui fut un phénomène du sport automobile, effectua toute sa carrière chez Saab, marque avec laquelle il collabore encore aujourd’hui au titre des relations publiques.
Motorlegend : Quand et comment est née votre passion pour l’automobile ?
Erik Carlsson : Lorsque j’étais enfant, mon père possédait une petite épicerie à Trollhättan. Il acheta sa première voiture relativement tard, en 1927, j’avais 3 ans. C’était une Chrysler. La dernière automobile que nous ayons eue fut une Chevrolet en 1938. Puis vint la guerre et la voiture resta sur cale, l’armée ayant réquisitionné les pneus ! Mon univers automobile était donc limité. En fait, j’étais un fou de moto et j’adorais la vitesse. Ma première moto fut une Norton 500 cm3. Avec quatre copains, j’avais formé en 1947 une bande que nous avions baptisée le « Lightning Motocross Team » de Trollhättan. Nous parcourions la province pour faire des courses.
Erik Carlsson Saab
Saab 96, Rallye Mone Carlo, 1963 Saab
Motorlegend : Quelle a été votre première voiture ?
Erik Carlsson : Effectuant mon service militaire dans l’infanterie, j’avais à ma disposition une grosse moto, une Monark. Bien que ce fût plutôt un tank à 2 roues, j’aimais la pousser à fond ! Après mon service, je suis retourné travailler dans le garage, où j’avais débuté avant la guerre (il importait également les motos Norton). J’ai donc commencé à conduire toutes sortes de voitures. La première que je me suis achetée, à la fin des années 50, était une Ford V8 cabriolet de 1938, qui développait 85 ch.
Motorlegend : Vous êtes né à Trollhättan, la ville de Saab. Parlez-nous de vos premiers contacts avec la marque.
Erik Carlsson : Ma première Saab fut une 92 que j’ai rachetée à un banquier ruiné. A son volant, j’effrayais tout le monde. La Suède conduisait alors à droite et les routes étaient pour la plupart recouvertes de gravillons. J’adorais rouler vite, le matin avant d’aller au garage, et faire déraper la voiture. A cette époque, les limitations de vitesse n’existaient pas ! J’ai donc appris sur le tas comment ne pas ralentir dans les courbes, tenir le moteur dans les tours et freiner du pied gauche. Lorsque j’avais besoin de pièces, je m’approvisionnais par l’intermédiaire de copains qui travaillaient chez Saab – un peu en douce ! C’était un bon moyen car je commençais à courir dans les rallyes régionaux.
Erik Carlsson, 1963 au Rally Monte Carlo Saab
Erik Carlsson, second en 1964 au Safari Rally Saab
Motorlegend : Comment se sont déroulés vos débuts en compétition ?
Erik Carlsson : Le fils du patron du garage où je travaillais, Pelle Nyström, était comme moi un fou de moto. Il eut un grave accident le jour où il s’essaya au record du monde de vitesse sur glace. Il se tourna donc vers le sport automobile. Ma première course, je l’ai faite en tant que co-pilote sur la voiture de Pelle au Dalslandsloppet et Rallye de Suède en 1952.
Erik Carlsson 3ème en 1969 à la Baja 1000 Saab
Photo de pub avec Erik Carlsson Saab
Motorlegend : Parlez-nous de vos premiers rallyes sur Saab 92.
Erik Carlsson : Après ma première 92, j’ai pu en acquérir une deuxième, une ancienne voiture compétition de l’usine. C’était une 92 deux temps, 764 cm3, qui, après polissage des tubulures et quelques travaux divers, développait 36 ch ! Ma troisième voiture, une 92 de couleur marron, m’a permis de me faire connaître. Ma première victoire en rallye se situe en 1955, au Ripspokalen. C’est à partir de cette époque que l’on m’a surnommé « Carlsson sur le toit » ! Je suis ensuite passé pilote d’usine. Je n’avais plus rien à payer, ni voitures, ni pièces, ni essence, ni déplacements… Ma première course en tant que professionnel fut en 1959 le Norwegian Rally Viking, qui comptait pour le championnat d’Europe. Ma monture était une Saab 93 de 65 ch, contre 33 ch pour la voiture de série.
Motorlegend : Que pensiez-vous de la Saab 96 de rallye ?
Erik Carlsson : La 96 fut pour moi une vraie révolution, car elle avait reçu une préparation course réalisée par l’usine. Du 3 cylindres 2 temps, les ingénieurs avaient réussi à extraire 70 ch au régime de 6000 tr/mn. La voiture bénéficiait de freins à disques à l’avant. Je me sentais vraiment bien dans la 96, une voiture moderne.
Rallye du Soleil de Minuit Saab
Motorlegend : Que pensiez-vous en tant que pilote de la Sonett 2 ?
Erik Carlsson : La Sonett 2 était étroitement dérivée de la Saab Super Sport, que l’on avait surnommée « Sonett » (de l’anglais so neat). La Super Sport représentait la volonté de l’usine de construire une voiture destinée à la compétition. Malheureusement, lorsqu’elle fut prête, les règlements de course avaient changé. Mais comme le châssis était excellent, l’usine décida de produire une petite voiture de sport principalement destinée au marché américain. Elle participa à quelques épreuves, dont le Monte-Carlo, pilotée par Simo Lampinen. A son volant, j’ai couru la Coupe des Alpes en 1966, mais j’ai dû abandonner en raison d’un problème de bougies. La Sonett 2 a eu une vie très courte, moins d’un an de production. L’usine l’a rapidement équipée du V4 Ford. Le marché américain n’appréciait guère le 2 temps et il préférait un moteur de marque connue.
Sonnett 2 V4 Saab
Motorlegend : Quel était votre rallye préféré ?
Erik Carlsson : Le Monte-Carlo, que j’ai remporté par deux fois. Une première dans l’histoire du rallye. J’aimais aussi le Liège-Sofia-Liège, une course marathon qui me convenait bien. J’aime l’endurance.
Motorlegend : Parmi les situations critiques que vous avez connues au volant, avez-vous le souvenir d'une particulièrement grosse frayeur ?
Erik Carlsson : J’en ai eu beaucoup ! Je me suis souvent retrouvé sur le toit, d’où mon surnom. Mais ma première grosse frayeur m’est restée en mémoire. Elle remonte à l’époque où je n’étais pas encore pilote d’usine. A Trollhättan où je travaillais, vivait un architecte qui possédait une Mercedes 300 SL. J’en prenais souvent le volant pour effectuer les réglages. Un jour, son propriétaire m’a demandé de la conduire à Stuttgart pour une grosse révision. Je roulais à fond, le plus souvent aux alentours de 200 km/h. En Suède, on conduisait à gauche à l’époque. Etant dans une voiture à conduite à gauche, je roulais comme dans les rallyes européens, c’est-à-dire à droite ! Au sommet d’une côte, la 300 SL a légèrement décollé et je me suis retrouvé devant un tracteur ! Je ne sais pas comment je m’en suis sorti. Le reste du voyage s’est passé à me demander comment j’aurais expliqué au propriétaire que j’avais rencontré un tracteur de face…
Record de vitesse en 750 cm3 avec une Sonnett 1, Suède Saab
Christian Palot sur Saab 96 n°283 CMk